Même si la Cour ne devrait pas se prononcer sur la question avant la fin de son actuelle session en juin prochain, son futur arrêt sur cette pratique popularisée depuis 1991 par le fameux docteur suicide» Jack Kevorkian est d’ores et déjà considéré par les juristes comme l’un des plus importants rendus depuis la légalisation de l’avortement en 1973.
Signe de l’importance du débat, le parvis de la Cour suprême a servi pendant toute la durée de l’audience de terrain d’affrontement aux deux camps. Plus de 200 militants d’une organisation de défense des personnes handicapées, certains se déplaçant en fauteuil roulant, ont ainsi scandé leur opposition aux suicides assistés aux cris de «pas encore mort». Juste en face d’eux, une poignée d’autres handicapés leur ont répondu en distribuant des tracts réclamant un «droit de mourir».
Dans une salle d’audience archicomble, les neuf juges suprêmes américains ont soigneusement examiné les arrêts très controversés rendus en 1996 par deux Cours d’appel fédérales, qui ont jugé inconstitutionnelles les lois interdisant les suicides médicalement assistés adoptées dans les Etats de Washington et New York.
«La loi interdisant le suicide médicalement assisté répond à un triple intérêt des Etats», a plaidé le ministre adjoint de la Justice de l’Etat de Washington (assistant Attorney general) William Williams. «D’abord parce que la protection de la vie est d’un intérêt primordial pour notre société. Ensuite parce qu’elle permet d’éviter les risques de dérapage et aussi de réguler la profession médicale», a ajouté M. Williams devant les juges.
«Le choix offert au malade n’est pas la vie ou la mort», lui a rétorqué Kathryn Tucker, l’avocate des partisans du suicide assisté.
«Le malade en phase terminale n’a le choix que de la manière dont il va mourir (…) Ceux qui vont mourir veulent une mort humaine et digne. Il est donc dans l’intérêt de l’Etat de mettre un terme à leur douleur et leurs souffrances. La Constitution doit leur reconnaître (…) et protéger ce choix», a ajouté Mme Tucker.
Plus facile de tuer
que de soigner
Un argument balayé par l’Attorney general de l’Etat de New York, Dennis Vacco, pour qui les risques de dérapage d’une légalisation des suicides assistés sont considérables. «Il est plus facile de tuer que de soigner», a-t-il répété devant les neuf juges. «Le risque est grand notamment pour les personnes pauvres et handicapées».
Plaidant la cause des partisans des suicides assistés de l’Etat de New York, Laurence Tribe a longuement repris les arguments de la Cour d’appel de cet Etat, faisant valoir qu’il n’existait «pas de différence» entre le fait de débrancher sur sa volonté un malade et le fait de lui administrer une substance mortelle.
En 1976, la Cour suprême avait reconnu dans l’affaire Karen Quinlan le droit des parents de cette jeune fille, plongée dans un état végétatif après un accident de la route, à débrancher son assistance respiratoire.
Mais cet argument n’a pas paru convaincre quelques-uns des juges de la Cour, qui ont insisté sur le rôle actif du médecin dans un suicide assisté. «Débrancher quelqu’un et le tuer est très différent», a indiqué le juge Kennedy.
S’exprimant au nom du département de la Justice, le «solicitor general» Walter Dellinger a poussé cet argument pour expliquer l’opposition de l’administration Clinton aux suicides médicalement assistés. «L’Histoire a toujours fait une différence entre tuer quelqu’un et le laisser mourir».
Si de très nombreuses organisations religieuses ou médicales, dont l’American Medical Association, ont manifesté leur hostilité à une pratique qu’ils jugent «immorale», 58% des Américains y sont au contraire favorables, selon un sondage publié par le quotidien USA-Today.
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