BELGRADE, 6 Janvier (AFP). — Lancers d’œufs et sifflets, rondes des prisonniers et concerts de casseroles anti-télé-journal, affiches satiriques et opérations-escargot: face à un pouvoir muré dans un silence de mort, l’opposition serbe fait assaut d’imagination.
Sa première arme a été le sifflet, dont les ventes ont dû être multipliées par mille depuis le début des marches de protestation dans Belgrade et en province contre l’annulation des municipales.
Sifflet en plastique vert, rose ou blanc pour les débutants, modèle métallique pour les confirmés, argenté voire doré pour les raffinés, il est l’équipement de base des «promeneurs», jeunes et vieux. Les amateurs de sons graves ont recours à des cornes de brume.
Telles les écoles de peinture, les manifestations ont connu diverses périodes: la période jaune, marquée par le bombardement aux œufs de bâtiments officiels, celui de la télévision notamment, puis rouge, avec des lancers de peinture rouge dans des sachets en plastique, accompagnés de cris «Bande de Rouges» à l’adresse du pouvoir.
Accusés de «gêner la circulation» et empêchés de marcher par la police antiémeutes, les manifestants ont improvisé les happenings dans les rues piétonnes, tournant en rond les mains sur la nuque, tels les prisonniers dans une cour de pénitencier.
Puis, la veille de Nouvel An, l’opposition a organisé des bals-manifestations en plein air. Plus de deux cent mille personnes ont dansé à Belgrade au rythme des musiques tsiganes du film «Underground» d’Emir Kustirica et des réjouissances analogues ont eu lieu dans plusieurs villes de province.
La télévision cachant aux habitants des campagnes le sens et l’ampleur de leur protestation, les manifestants ont lancé avec succès des concerts de casseroles à l’heure du journal télévisé du soir. Dans certains quartiers résidentiels de Belgrade, ils ont réellement réussi à couvrir le son du média du régime.
Dimanche, le centre de Belgrade devait être paralysé par une manifestation automobile. La coalition d’opposition Ensemble a invité ses sympathisants à participer à cette opération escargot avec n’importe quel véhicule à leur disposition, voiture, tracteur ou bulldozer, bus et minibus, moto au vélo.
Lundi, leur rassemblement doit se transformer en procession religieuse à l’occasion de la veille de Noël orthodoxe, marquant par ailleurs le rapporchement entre l’opposition et l’Eglise orthodoxe, de plus en plus sévère à l’égard du pouvoir.
Ce dernier semble chercher à gagner du temps et compter sur l’essoufflement de l’opposition. Il néglige peut-être le côté ludique et créateur de ses rassemblements, qui s’exprime dans une explosion de rire libérateur.
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