PRESSE ALLEMANDE, FETE SES 50 ANS
BONN, 2 Janvier (AFP). — Monstre sacré de la presse allemande, «Der Spiegel», le premier hebdomadaire d’information européen avec un million d’exemplaires diffusés, célèbre samedi, 50 années d’une histoire mouvementée faite de scandales dénoncés, de carrières politiques brisées, de provocation et d’impertinence.
Chaque lundi, sa livraison fourmille de révélations dont l’impact franchit bien souvent les frontières de l’Allemagne. Les pages politiques font frémir de rage ou de délectation les intéressés mais les rubriques économiques, culturelles ou littéraires sont suivies avec le même intérêt. Le journal est une institution et son directeur-fondateur, Rudolf Augstein, une institution dans l’institution.
Avec sa Une encadrée de rouge, «Der Spiegel» ressemble à ces news magazines qui ont été son modèle, l’américain «Time» ou le britannique disparu «Newsreview». Il reste fidèle à sa philosophie de la première heure. «Journalisme d’investigation, articles de fond, longs dossiers approfondis et révélations», telle que la résume son rédacteur en chef Stefan Aust, né la même année que le journal.
Enfant de l’après-guerre, «Der Spiegel» s’est d’abord appelé «Diese Woche» (Cette semaine). Mais, agacées par le ton peu respectueux des journalistes, les autorités d’occupation britanniques ont préféré se débarrasser du titre après cinq numéros seulement. Elles ont cédé la licence de publication à un jeune homme plein d’avenir de 23 ans, Rudolf Augstein, qui se donnait pour mission de faire du journal «la principale arme de défense de la démocratie».
A son tableau de chasse, le «Spiegel» a accroché la plupart des scandales qui ont secoué l’Allemagne fédérale comme l’affaire Flick sur le financement des partis politiques ou l’affaire Uwe Barschel, du nom d’un ministre-président chrétien-démocrate qui avait orchestré en 1987, une campagne de diffamation pour écarter un adversaire.
Nombre de ministres, de chefs de gouvernements régionaux, en passant par un président du Parlement fédéral, Rainer Barzel, lui doivent une retraite anticipée.
Dans la riche histoire du journal, l’année 1962 tient une place de choix. Accusé d’avoir trahi des secrets d’Etat pour avoir publié des révélations sur des manœuvres de l’OTAN, Rudolf Augstein goûte pendant trois mois aux geôles de la République fédérale avec quelques-uns de ses collaborateurs. La police perquisitionne les bureaux de la rédaction. Mais le scandale est tel en Allemagne et à l’étranger que le ministre de la Défense de l’époque, Franz Joseph Strauss, est acculé à la démission.
Présent dans tous les débats intellectuels, «Der Spiegel» excelle aussi dans les scoops historiques. En 1995, avec la collaboration d’un historien russe, il révèle le sort du cadavre de Hitler, l’un des secrets les plus jalousement gardés du KGB.
Le journal emploie 840 salariés dont 410 dans sa rédaction et possède treize bureaux en Allemagne et vingt dans les grandes capitales étrangères.
A 73 ans, personnage redoutable et redouté, Rudolf Augstein tient encore la bride serrée sur son enfant terrible. Millionnaire mais éternel insatisfait, il s’entretient régulièrement par téléphone avec son rédacteur en chef depuis l’une de ses résidences de Hambourg, de Sylt, presqu’île allemande huppée de la mer du Nord, de Saint-Moritz ou de Saint-Tropez. S’il ne visite plus que rarement les bureaux de la tour du «Spiegel» à Hambourg, il est toujours l’«âme du journal» dont il signe encore nombre d’éditoriaux.
Pendant des décennies, «Der Spiegel» a été le seul hebdomadaire d’information générale allemand. Mais en 1993, est apparu un concurrent, «Focus», qui s’est taillé un beau succès, sans pour autant chasser sur les terres de son aîné. «Der Spiegel» continue de caracoler en tête des ventes, mais il a vu ses recettes publicitaires fondre de 20%.
Pas de quoi pourtant l’inciter à changer de cap. «Le «Spiegel» doit rester intact parce qu’il est la propriété de la République toute entière», a dit de lui, la vice-présidente du Parlement, Antje Vollmer.
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