Que ce soit le Premier ministre russe Vladimir Poutine, le Chinois Wen Jiabao ou le ministre indien du Commerce Kamal Nath, tous ont eu des mots durs sur les attitudes « égoïstes » de repli.
En Russie, « nous n'allons pas avoir recours à l'isolationnisme et à l'égoïsme », a promis M. Poutine dans son discours inaugural, rappelant les engagements contre le protectionnisme pris par les vingt plus grandes économies mondiales lors du G20 en novembre.
« Le protectionnisme ne sert aucune cause, et ne peut qu'empirer et prolonger la crise », a assuré M. Wen.
Ce « n'est pas du tout bon pour l'économie mondiale », a insisté Kamal Nath.
Au-delà des déclarations officielles, la réalité est plus triviale pour les États : la nécessité d'éviter à tout prix licenciements et faillites, socialement insoutenables. Et pour cela, les mesures de défense de certains secteurs constituent le recours le plus logique.
Les États-Unis en sont bien conscients et ont jeté jeudi un pavé dans la mare. La nouvelle administration américaine a inclus dans son plan de sauvetage une mesure ostensiblement protectionniste, interdisant l'achat de fer ou d'acier étranger pour les projets d'infrastructures financés par le plan.
L'affaire a provoqué une levée de boucliers chez les partenaires commerciaux de Washington. Le Canada s'est dit « très préoccupé » et Bruxelles a déjà prévenu que si la loi était adoptée en l'état par le Congrès, il ne pourrait « rester les bras croisés ». Sous-entendant qu'il porterait l'affaire à l'Organisation mondiale du commerce.
À Davos, la secrétaire d'État française au Commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, s'est inquiétée jeudi du « très mauvais signal » envoyé par Washington, mais la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, a tempéré vendredi la position de Paris en considérant que les mesures protectionnistes étaient « un mal nécessaire » qui devait être temporaire dans le cadre des plans de relance et de sauvetage.
L'attitude américaine risque d'ouvrir les vannes alors que jusqu'à présent, chacun tentait de « garder le sens des proportions », selon l'expression de Vladimir Poutine.
De fait, les mesures prises par les gouvernements pour renforcer leurs frontières commerciales restent encore globalement dans les clous de l'OMC, selon l'organisation qui a toutefois dressé la liste des pays à surveiller.
L'Argentine, la Chine, l'Indonésie, l'Équateur, l'Égypte, le Vietnam, l'Inde et la Russie, même si elle n'est pas encore membre, y figurent. De même que Bruxelles en raison de ses plans massifs pour les banques et la réintroduction des subventions à l'exportation pour des produits laitiers.
« Nous devons rester vigilants », a reconnu à Davos le directeur de l'OMC, Pascal Lamy. Car le virage protectionniste américain, s'il est confirmé, risque d'être également lourd de conséquences pour le gendarme du commerce où les guerres commerciales vont se multiplier.
Il jettera également un sort au laborieux cycle de Doha devant encore davantage libérer les échanges commerciaux et dont les négociations patinent depuis plus de 7 ans.