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Lifestyle - Gastronomie

Noha Baz : le Levant pour moi, c’est une lumière

L’auteure et pédiatre franco-libanaise décortique l’âme levantine qui lui est si chère dans un nouveau livret intitulé « Le Levant, les saveurs de l’aube », qui vient de paraître dans la collection « L’âme des peuples » aux éditions Nevicata.

Noha Baz : le Levant pour moi, c’est une lumière

Noha Baz, une passionnée de gastronomie. Photo DR

Elle nous accueille chez elle au pied de la tour Eiffel, dans son appartement parisien qu’embaument les effluves d’un jasmin en fleur. Quelques notes de oud s’échappent de son téléphone. « Un environnement très levantin », s’amuse-t-elle. La pédiatre et auteure Noha Baz, habituée de nos colonnes, vient de publier son 22e livre,  Le Levant, les saveurs de l’aube, dans la collection L’âme des peuples aux éditions Nevicata.

« On me dit très souvent que je suis levantine, dans mon métier de médecin, mais aussi mes voisins… Farah Diba (3e épouse du chah d’Iran) qui est ma voisine me le dit : “Tu es très, très levantine”. Et je lui réponds : “Tu es très, très iranienne”. » Noha Baz est comme ça. Elle déroule le fil de sa pensée sans entrave, une idée en chassant une autre : sa vie en exil, les soins qu’elle prodigue en tant que pédiatre, son association « Les Petits Soleils » et les enfants blessés par les frappes israéliennes, ses amitiés, ses rencontres, ses souvenirs…

Être levantin, c’est un état d’esprit, une façon de voir la vie

Mais que veut dire être levantin ? Pour Noha Baz, « c’est un état d’esprit, une façon de voir la vie, qu’on essaie de transmettre ». « C’est l’attention à l’autre, une façon de recevoir », poursuit-elle, tout en rappelant la définition de l’Académie française, pour qui le terme est « parfois utilisé avec une intention péjorative, par allusion à l’habileté en affaires prêtée aux Orientaux ». « Être levantine, c’est bien plus que ça, renchérit la pédiatre, c’est apprécier la douceur de chaque moment. Le Levant, pour moi, c’est une lumière. Cette lumière qui me manque à Paris en hiver. Pour l’Académie française, le Levant et d’ailleurs l’Orient, relativement au lieu où l’on se trouve, est la partie de l’horizon où le soleil se lève », poursuit-elle.

Un pied ici, un pied là-bas

Mais tout est question de perspective, comme le rapporte dans le livre Arwad Esber, fille aînée du poète Adonis, dans un entretien avec Noha Baz. « Durant mon enfance et ma jeunesse à Beyrouth, je voyais le soleil se coucher sur la Méditerranée (…) Ainsi en était-il pour moi, le soleil se levait au-dessus des terres, au-dessus de la montagne de Sannine que l’on peut voir surplomber Beyrouth, et se couchait dans la mer. Jusqu’au jour où tout a basculé : en visite en France, à Nice chez des amis, réveillée tôt, sur mon matelas le long de la baie vitrée, j’ai assisté avec émerveillement à un lever de soleil… sur la mer ! J’en étais bouleversée. Un point de vue inédit, une nouvelle perspective s’offrait à moi depuis cette “autre” rive de la Méditerranée. »

La pédiatre, fondatrice de l’association Les Petits Soleils, diplômée des hautes études du goût et de la gastronomie – Duggat et enfin fondatrice du prix littéraire Ziryab, connaît bien cette autre rive de la Méditerranée, elle qui « vit dans les valises », un pied ici, l’autre là-bas, depuis toute petite. « Enfant, j’ai des souvenirs de bruits de bottes, de cris, de chants patriotiques, de gens qui hurlaient dans la rue », se souvient-elle de ses premières années en Syrie.

Née en 1962 à Alep d’un père syro-libanais et d’une mère suisse, la jeune Noha s’installe au Liban avec sa famille à l’âge de 6 ans, jusqu’à ce que la guerre la pousse sur le chemin de l’exil, à Paris, quelques années plus tard.

Le livre sort le 20 mai en France. Photo Noha Baz

La langue, la musique et la cuisine

« Pour moi, un pays a sa langue, sa musique et sa cuisine, et quand on quitte un pays, on prend ses goûts dans ses valises. » Ses enfants naissent en France, alors que la guerre civile bat son plein au Liban, mais elle tient à leur donner des jouzour, comme elle dit, des racines, pour les ancrer dans ce Levant. « Il y a ce lien qui nous attache à cette terre, tiraillée par tous les bouts, dans le Sud, dans le Nord, qu’on essaye de brûler, de martyriser tous les jours. Malgré tout, l’âme levantine demeure. Donc à quoi ça tient ? » se demande-t-elle. « Ce livre est un regard intime, une vision globale de la région, des gens, des coutumes et des traditions. Je l’ai appelé Les saveurs de l’aube, mais il n’est pas question de nourriture. La nourriture est là entre les lignes, parce qu’elle fait partie de notre façon de vivre », explique également la pédiatre.

Un récit de voyage et quatre entretiens

Le livre est divisé en deux parties. La première est un récit de voyage effectué par Noha Baz, à l’aube du XXIe siècle. « Avec quatre couples d’amis, nous nous étions retrouvés à Beyrouth avec pour projet de passer l’an 2000 à Palmyre. » Zahlé, Baalbeck, Maaloula, Damas, Alep, le krak des Chevaliers, Tripoli, Bécharré et la Qadicha, Byblos, Beyrouth, Saïda et le Sud… Le périple de Noha Baz raconte la dabké, l’arak, Gibran Khalil Gibran, l’hôtel Baron, le café Begdache…

« Pour moi, l’âme du pays, c’est un déjeuner chez Ajami, fleuron de la gastronomie libanaise, lieu de mémoire et de goûts, entourée d’un côté par un voisin qui fume un narguilé, de l’autre des joueurs de trictrac. L’âme d’un pays, c’est immuable. Ils peuvent tout casser, tout détruire, tout effacer. Le café et la man’ouché du matin, tout cela ne changera pas, parce que nous les portons en nous. »

La seconde partie se compose de quatre entretiens avec des spécialistes et « amis » : les historiens Henry Laurens et Anne-Marie Eddé, le professeur de géopolitique Joseph Maïla et Arwad Esber, consultante en programmation artistique et culturelle. « Ce qui m’a le plus fait rire, c’est déjà qu’ils se mettent d’accord entre eux sur la définition du Levant. Pour l’un, il y avait l’Égypte, pour l’autre, elle en était exclue. Pour Henry Laurens, le Levant aujourd’hui, c’est le Liban. Pour Joseph Maïla, le Levant englobe la Syrie… Mais finalement, nous sommes tous d’accord sur l’essentiel », estime Noha Baz.

Une écriture bouleversée par les événements

L’auteure reconnaît cependant la gageure et le défi d’écrire ce livre, au vu de la situation sur place et des bouleversements qui secouaient la région. L’idée est née au Salon du livre de Genève, il y a un an. « Personne ne pouvait savoir ce qui allait se passer au Levant, les bombardements de Beyrouth, la chute du régime syrien… » Alors Noha Baz écrit et réécrit. Elle rappelle les spécialistes pour ajouter une question en rapport avec les derniers événements, notamment la chute du régime Assad en décembre 2024. Et rend le manuscrit « dans les temps, en regardant ce qui se passe à la télé et les choses qui changent tout le temps ». « Il y a des monstres partout, des monstres de guerre, des atrocités. Mais sauvegarder l’humain est pour moi la chose essentielle dans la vie. J’essaye de le faire tous les jours. De par mon métier de médecin, de par mon engagement auprès des enfants de mon association Les Petits Soleils », revendique-t-elle. Comme pour tous ses livres, les droits d’auteur seront reversés à son association qui soigne les enfants au Liban.

Le Levant, les saveurs de l’aube sera lancé officiellement demain 20 mai à la librairie Gallimard, à Paris, après avoir été présenté à la Cité de la langue française.

Elle nous accueille chez elle au pied de la tour Eiffel, dans son appartement parisien qu’embaument les effluves d’un jasmin en fleur. Quelques notes de oud s’échappent de son téléphone. « Un environnement très levantin », s’amuse-t-elle. La pédiatre et auteure Noha Baz, habituée de nos colonnes, vient de publier son 22e livre,  Le Levant, les saveurs de l’aube, dans la collection L’âme des peuples aux éditions Nevicata. « On me dit très souvent que je suis levantine, dans mon métier de médecin, mais aussi mes voisins… Farah Diba (3e épouse du chah d’Iran) qui est ma voisine me le dit : “Tu es très, très levantine”. Et je lui réponds : “Tu es très, très iranienne”. » Noha Baz est comme ça. Elle déroule le fil de sa pensée sans entrave, une idée en chassant une autre : sa vie en exil,...
commentaires (2)

Merci Noha Soleil au grand cœur.

Brunet Odile

09 h 41, le 22 mai 2025

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Commentaires (2)

  • Merci Noha Soleil au grand cœur.

    Brunet Odile

    09 h 41, le 22 mai 2025

  • Merci Anne d’avoir si joliment capté la lumière du levant Merci Maya Ghandour Hert de l’avoir si bien mise en lumière Merci à L’orient le jour, notre phare quotidien de tenir à bout de bras la culture et la francophonie au Liban

    Noha Baz

    14 h 54, le 20 mai 2025

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