Tirs israéliens sur les gens, enlèvement de pêcheurs... La nouvelle vague de retour, ce dimanche, d'habitants du Liban-Sud a été émaillée de tensions, selon les informations de notre correspondant Mountasser Abdallah.

La veille, un communiqué publié sur les réseaux sociaux avait appelé les habitants à « se révolter contre l'ennemi qui occupe les villages frontaliers » dimanche et à se rassembler à l'entrée des villages occupés à partir de 9h du matin. En matinée, le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, a toutefois adressé aux habitants du Liban-Sud son avertissement habituel et les a sommés « d'attendre » et de retarder leur retour.

Empêcher le Hezbollah de « reconstituer sa force »

L'armée israélienne « s'est redéployée dans différents endroits au Liban-Sud, conformément à l'accord de cessez-le-feu et afin de permettre à l'armée libanaise de se déployer progressivement », a écrit sur X le porte-parole en s'adressant aux habitants du Liban-Sud dimanche matin. « Certains secteurs nécessitent un report du retrait et plus de temps, afin de garantir que le Hezbollah ne puisse pas reconstituer sa force sur le terrain. (...) Nous vous demandons d'attendre, de ne pas permettre au Hezbollah de revenir, de vous exploiter pour se camoufler », conclut le porte-parole, qui indique que cet avertissement prévaut « jusqu'à nouvel ordre ».

Lire aussi

Pourquoi Israël opte pour l’escalade face au Hezbollah

Dans le caza de Marjeyoun, des citoyens se sont quand même rassemblés dès le matin aux entrées des quartiers ouest de Meis el-Jabal et de Houla et au carrefour de Deir Mimas. Des forces de l'armée israélienne ont ouvert le feu en direction des habitants rassemblés près du quartier ouest de Houla, sans faire de blessés. Dans le caza de Bint Jbeil, les forces israéliennes ont tiré sur des habitants en ouvrant également le feu sur des journalistes, selon notre correspondant dans la région. Une caméra de la chaîne de télévision al-Mayadeen a été touchée par une balle à l'entrée nord de Yaroun (caza de Bint Jbeil). L'équipe de tournage n'a pas été blessée.

Tirs et grenades assourdissantes

Les forces israéliennes ont également tiré sur des résidents de Yaroun pour les empêcher d'entrer dans le village, toujours sans faire de victime. Entre 10h45 et 11h40, un drone israélien a lancé cinq grenades sur la barrière de sable au nord du village, près de laquelle se trouvent les villageois. Plus tard dans la journée, un drone israélien a à nouveau lancé deux grenades assourdissantes près de soldats de l'armée libanaise et des habitants rassemblés à l'entrée de la localité. 

Suite au déploiement de l'armée libanaise à Aïtaroun dans la journée de samedi, la municipalité a mis en garde dimanche, dans un communiqué, les habitants contre tout contact avec des objets restants de la guerre ou de munitions non explosées. Elle les a ainsi sommé de ne pas « déplacer ou toucher des objets, jouets ou fils suspects jusqu'à ce qu'ils soient inspectés » et de ne pas « tenter d'enlever une mine ou un obus jusqu'à ce que les autorités compétentes soient présentes (...) ne pas ouvrir de boîte fermée ou de récipient suspect, ne pas consommer de nourriture provenant des restes de l'ennemi (israélien), ne pas toucher de matériaux qui peuvent être toxiques ou nocifs sans gants », poursuit le communiqué. La municipalité a enfin appelé les habitants à informer l'armée libanaise s'ils trouvent un objet suspect.

Pour mémoire

L'armée israélienne dit avoir intercepté un « drone du Hezbollah », une première depuis le cessez-le-feu

Mais dimanche matin, alors que les habitants ont été priés de ne pas s'approcher de la région avant d'avoir reçu «l'autorisation officielle» de l'armée, certains ont commencé à entrer dans le village à pied - des soldats israéliens étaient alors toujours postés à Jabal el-Bat et sur la route menant à Blida (caza de Marjeyoun), zones très proches de Aïtaroun. Les habitants qui sont entrés dans le village ont fait la prière musulmane du midi sur la place du village.

Finalement, dans la journée, l'armée libanaise a démantelé les barrières installées par l'armée israélienne à l'ouest de Aïtaroun permettant aux habitants de commencer à y accéder en voiture. À Maroun el-Ras (Bint Jbeil) , le nombre de participants au rassemblement s'est intensifié au cours de la journée, et l'armée israélienne a tiré des coups de feu en l'air pour les effrayer. 

Enlèvement

En parallèle, des forces israéliennes à bord d'un bateau ont intercepté une embarcation de pêche libanaise au large de Ras Naqoura (caza de Tyr) et détenu deux pêcheurs à bord, a indiqué le président de la municipalité de la localité frontalière, Abbas Awada, à L'OLJ. L'armée israélienne a ensuite libéré l'un d'eux qui est rentré au port à bord du bateau de pêche, tandis qu'un homme, M.H., reste détenu par les Israéliens. M. Awada a ajouté que « l'armée libanaise suivait l'affaire et effectuait les contacts nécessaires pour le libérer ».

Par ailleurs, les opérations de recherche de dépouilles se poursuivent. Les corps de trois personnes ont été récupérés sous les décombres samedi en fin d'après-midi, dont deux à Khiam (caza de Marjeyoun) et un à Aïta el-Chaab (caza de Bint Jbeil), selon un communiqué publié par la Défense civile, relayé par notre correspondant dans la région. Selon le communiqué, les corps ont été transférés à l'hôpital gouvernemental de Marjeyoun, où ils « subiront les examens médicaux et juridiques nécessaires, y compris des tests ADN, sous la supervision des autorités compétentes, afin de déterminer leur identité ». La Défense civile a également annoncé avoir retrouvé cinq corps sous les décombres à Deir Seriane (Marjeyoun). Les dépouilles mortelles ont été transportées à l'hôpital Ragheb Harb.

L’armée israélienne a par ailleurs déclenché une explosion à la périphérie-sud de la localité de Meis el-Jabal (Marjeyoun), selon notre correspondant.

S'exprimant dimanche soir, le secrétaire général du Hezbollah, Naïm Kassem, a par ailleurs annoncé que les funérailles de Hassan Nasrallah seront organisées le 23 février et que ce dernier sera inhumé dans un terrain situé entre l'ancienne et la nouvelle route de l'aéroport. L'ex-chef du Hezbollah avait été tué le 27 septembre dans des frappes israéliennes extrêmement lourdes sur la banlieue-sud de Beyrouth. Le cheikh Kassem a par ailleurs appelé l'État libanais « à assumer ses responsabilités » face aux violations israéliennes du cessez-le-feu, dont le délai d'application devait prendre fin le 26 janvier mais qui a été prorogé jusqu'au 18 février.