
Des combattants du Hamas relâchant l'otage israélien Yarden Bibas sur une scène à Khan Younès avant de le remettre à la Croix-Rouge le 1ᵉʳ février 2025. Eyad Baba/AFP
Un représentant de l'Autorité palestinienne a informé le nouvel émissaire américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, que Ramallah était prête à « affronter » le Hamas si c’était le prix à payer pour prendre le pouvoir dans la bande de Gaza, selon une source palestinienne citée par Middle East Eye (MEE).
Cet échange a eu lieu cette semaine lors d’une réunion à Riyad, facilitée par l'Arabie Saoudite à la demande de l'Autorité palestinienne (AP), après que M. Witkoff a refusé de se rendre à Ramallah, en Cisjordanie occupée, a indiqué la source. L'émissaire s'était rendu mercredi en Israël, pour s'entretenir avec des hauts responsables, avant de déclarer qu’il faudrait selon lui « au moins 5 ans » pour déblayer l'intégralité du territoire palestinien, tandis que sa reconstruction pourrait prendre « entre 10 et 15 ans ».
Une rencontre est prévue mardi prochain à Washington entre le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Qui est Ziad Abou Amr, l’homme de l’AP pour Gaza ?
Ce plan de l'AP prévoit que la bande de Gaza soit gouvernée par un comité dont la majorité des membres serait issue de l'extérieur de l'enclave, mais dirigée par un diplomate qui en est originaire. Il a été soumis à l'envoyé de Donald Trump par Hussein al-Cheikh, un haut responsable palestinien pressenti comme potentiel successeur du dirigeant de Ramallah, Mahmoud Abbas (89 ans), ajoute la source précitée, qui confie que l'AP envisage l'emploi de la force pour imposer sa prise de contrôle sur Gaza.
Dans les grandes lignes, ce comité serait présidé par Ziad Abou Amr, un des conseillers de longue date de Mahmoud Abbas, qui deviendrait le dirigeant de facto de la bande de Gaza. Il serait nommé adjoint du Premier ministre palestinien Mohammad Moustapha, mais bénéficierait de pouvoirs élargis.
Né dans la bande de Gaza en 1950, Abou Amr pourrait être acceptable pour l’administration Trump, car il est également citoyen américain. Titulaire d’un doctorat de l’université de Georgetown, il a été vice-Premier ministre palestinien de 2013 à 2024. Il a activement tenté de réaffirmer l’autorité de l’AP sur Gaza et s’était opposé au financement de la reconstruction de l’enclave après la guerre de 2014.
« Quand on parle de reconstruction, on parle du retour de l’Autorité palestinienne à Gaza et d’une gestion par le gouvernement de réconciliation… Je ne pense pas que la reconstruction puisse avoir lieu autrement », avait-il déclaré au Wall Street Journal à l’époque.
Doutes des États-Unis sur les capacités militaires de Ramallah
L’affirmation de l’AP à l’administration Trump selon laquelle elle était prête à « affronter » le Hamas a toutefois été jugée « délirante » par un haut responsable américain de la défense, cité par MEE et selon lequel Ramallah aurait besoin d’un soutien militaire et probablement de troupes de pays arabes ou de contractants privés.
En 2007, de violents combats avaient opposé les militants de l'organisation Fateh et du Hamas après la victoire du mouvement islamiste aux élections législatives palestiniennes de 2006. À l’issue des affrontements, le Hamas a consolidé son emprise sur Gaza, tandis que le Fateh avait dû s'en retirer pour maintenir son contrôle sur la Cisjordanie occupée.
Cette proposition de Ramallah intervient alors que le Hamas multiplie les coups de communication en médiatisant la libération des otages israéliens supervisée par ses combattants au milieu de bains de foule dans les rues de Gaza. Ses unités militaires ont pu circuler librement et organiser ces échanges devant des foules palestiniennes en liesse, alors qu’Israël avait pour objectif déclaré d’annihiler le Hamas lors de son offensive qui a tué au moins 48.000 Palestiniens depuis octobre 2023.
Ces démonstrations de force ont mis une pression immense sur l’AP, déjà perçue en Cisjordanie comme corrompue et collaborant avec Israël. « L’AP craint que si un nouveau gouvernement est installé à Gaza et qu’elle n’en fait pas partie, tous ses financements lui soient coupés. Son pire cauchemar est que le centre de gravité politique bascule de la Cisjordanie vers Gaza, la laissant totalement isolée et qu'elle se retrouve marginalisée », analyse la source à MEE.
Depuis décembre, les forces de sécurité palestiniennes avaient tenté de reprendre par la force le contrôle du camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée, aux mains des combattants de factions armées palestiniennes.
Tahani Mustafa, analyste principale pour la Palestine au International Crisis Group, a qualifié cette offensive de «mission suicide» et de tentative désespérée de montrer que l’AP peut encore projeter une force militaire.
Par la suite, l'armée israélienne a depuis le 20 janvier lancé l'opération « Mur de fer » contre ces mêmes factions armées, faisant près d'une trentaine de victimes côté palestinien en un peu plus d'une dizaine de jours.
L’AP prise en étau entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis
La vieille garde de Ramallah, perçue comme rigide et dépassée, était au cœur du plan de l’administration Biden pour l’après-guerre à Gaza. Toutefois, depuis l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, elle est à peine mentionnée dans les propos des nouveaux responsables américains.
Le président américain avait même qualifié la bande de Gaza de « site de démolition à ciel ouvert », avant de proposer un déplacement forcé de ses habitants palestiniens vers la Jordanie et l’Égypte. « On nettoie tout ça », a-t-il dit, dans des propos ayant provoqué un tollé.
Lors de son premier mandat, Donald Trump avait dégradé ses relations diplomatiques avec l’AP en fermant le consulat américain dédié aux Palestiniens à Jérusalem et en mettant fin aux activités de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington. Son gendre et conseiller, Jared Kushner, avait même tenté de bloquer toute coopération américaine avec elle en supprimant l’aide qui lui était allouée.
La crise à Gaza a toutefois offert une opportunité aux Émirats arabes unis, l’un des principaux détracteurs de l’AP dans le Golfe, pour pousser à un changement de leadership palestinien. Les Émirats se disent prêts à envoyer des forces de maintien de la paix à Gaza si l’AP est réformée et débarrassée de Mahmoud Abbas. Une proposition qui a «mis Abbas en rage», selon un responsable égyptien cité par MEE.
Exilé aux Émirats, Mohammad Dahlan, ancien chef du Fateh à Gaza, est un émissaire de la famille régnante d’Abou Dhabi et conserve un certain soutien en Cisjordanie et à Gaza à travers son courant dissident, le Bloc de réforme démocratique du Fateh.
L’Arabie saoudite pourrait également jouer un rôle clé dans l’avenir de Gaza. En plus de disposer des fonds pour reconstruire l’enclave, Riyad adopte une posture plus neutre et ouverte au dialogue avec les différentes factions palestiniennes, contrairement aux Émirats arabes unis.
On est pas sorti de l auberge Très compliqué de.composer avec.ce petit monde!!!
09 h 28, le 02 février 2025