Quelque chose a changé dans la relation entre le Hezbollah et le Hamas. Depuis la conclusion des deux accords de cessez-le-feu au Liban et à Gaza ainsi que les grands changements régionaux, on dirait que c’est désormais le Hamas qui cherche à appuyer le Hezbollah, alors qu’auparavant c’était plutôt le Hezbollah qui soutenait le Hamas. Dans le cadre d’une rencontre informelle avec quelques journalistes, un haut responsable du Hamas a ainsi laissé entendre que l’accord conclu dans l’enclave palestinienne, par le biais des médiateurs égyptiens et qataris, serait meilleur que celui conclu entre le Liban et Israël par le biais des Américains.
Tout en précisant qu’il ne croit pas à une reprise de la guerre entre Israël et le Liban, le responsable du Hamas a signalé avoir le sentiment qu’un piège a été tendu au Hezbollah, à travers la période des 60 jours qui a expiré hier sans aboutir à un retrait israélien total et sans même susciter une réunion de la commission de surveillance destinée à annoncer les dernières décisions et à dessiner les contours de la période qui suit l’expiration de ce délai. Selon lui, l’accord en trois étapes conclu pour Gaza serait donc plus clair et le Hamas a, dit-il, pris toutes les précautions nécessaires pour protéger l’enclave de toute nouvelle visée israélienne. Certes, selon lui rien n’est encore définitif, mais le mouvement palestinien serait parvenu à conserver des cartes fortes, dont la libération des militaires israéliens pris en otages, ainsi que la préservation de son infrastructure militaire, notamment les tunnels avec tous les équipements qu’ils abritent. Mais, surtout, il continue, à l’en croire, d’avoir le soutien inconditionnel de la population de Gaza qui, au lieu de réclamer le cessez-le-feu à tout prix, préfère le pousser à se battre pour que tous les morts et toutes les destructions depuis le 7 octobre 2023 ne soient pas vaines.
Pour le responsable du Hamas, au Liban, le pays est divisé sur la question du soutien au Hezbollah et cela fait que celui-ci n’a pas vraiment les mains libres dans son action. Interrogé sur le fait de savoir si la zone démilitarisée au sud du Litani englobe les camps palestiniens, notamment celui de Rachidiyé, près de Tyr, le responsable précise que cette question n’a pas été évoquée, car le statut des camps palestiniens est particulier. Il s’empresse ensuite de rappeler que la « résistance » au Liban bénéficie d’un large soutien populaire et cela s’est traduit hier au Sud, avec l’afflux des habitants pour se rendre dans leurs localités détruites et encore occupées pour pousser les soldats israéliens à partir.
L’accord signé par le Hamas avait été discuté en mai 2024, mais à l’époque, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait tout fait pour le saboter. Selon le responsable du groupe palestinien, c’est justement parce qu’il a compris que sa guerre à Gaza est désormais inutile et vaine qu’il a fini par plier. L’armée israélienne a détruit tout ce qu’elle pouvait détruire, tué des milliers de personnes, poussé des dizaines de milliers à l’exode et finalement, elle n’a pas réussi à éliminer le Hamas, ni l’esprit de résistance. Elle n’a pas pu libérer les otages, sauf dans le cadre d’un accord, ou ceux qui étaient entre les mains de parties autres que le Hamas. Elle n’a pas non plus vidé Gaza de ses habitants. De même, l’image d’Israël s’est largement ternie dans l’opinion publique internationale, et en interne, où de plus en plus d’Israéliens ne croient plus qu’il s’agit là d’un havre de sécurité et de paix pour les Juifs dans le monde. Du point de vue du Hamas, les Israéliens n’ont pas pu non plus gagner les Égyptiens et les autres Arabes à leurs thèses, ces derniers refusant toujours le transfert de la population de Gaza en Égypte ou en Jordanie, en dépit même de la volonté du président américain Donald Trump. Certes, il faut rester vigilant et fort et, après 15 mois de combats, le responsable palestinien estime que les combattants sont prêts à se battre encore, alors que du côté israélien, les divisions, la déception et les critiques sont multiples et se reflètent dans les médias.
Le responsable du Hamas précise qu’en négociant les différentes étapes de l’accord, le mouvement a voulu préparer ce qu’on appelle « le jour d’après ». Le mouvement ne veut pas être au pouvoir pour la période future, pour différentes raisons, dont le fait que cela enlève à la communauté internationale le prétexte d’avoir affaire à une organisation terroriste et par conséquent de ne pas donner de fonds pour la reconstruction. Il a ainsi essayé de conclure un accord avec l’Autorité palestinienne (AP) à travers la Chine en vue d’une forme de partage du pouvoir, suite à des élections. Cet accord a été balayé par l’AP, ce qui a poussé le Hamas à trouver d’autres formules, dont la création de commissions de supervision qui ne comporteraient pas des membres de l’organisation, sans pour autant lui être hostiles...Le mouvement palestinien est donc plutôt tranquille pour la suite et estime avoir survécu au plus dur et avoir tiré les leçons de ce qui s’est passé.
Par contre, ce qui se passe en Cisjordanie lui paraît très inquiétant, dans la mesure où, d’abord, les conditions sont différentes. La région de Jenine à elle seule s’étend sur plus de 500 km2, alors que Gaza n’en fait que 360. Ensuite, la population y est différente et les capacités de la résistance y sont plus réduites. Mais en Cisjordanie, il y a près de 3 millions d’habitants et si les Israéliens veulent les pousser à l’exode, cela devrait créer un problème avec plusieurs États arabes. En tout cas, pour le responsable du Hamas, l’accord conclu porte seulement sur Gaza, alors que la Cisjordanie est désormais au cœur du conflit.
À ses yeux, l’Axe de la résistance existe toujours, même s’il a reçu un coup fort, notamment avec les assassinats du secrétaire général du Hezbollah et de tout le commandement de ce parti. Selon lui, il peut s’en remettre. Lorsqu’on lui demande comment peut-il encore parler d’Axe de la résistance après tout ce qui s’est passé et en particulier l’installation d’un nouveau régime en Syrie, clairement hostile à l’Iran et au Hezbollah, le responsable du Hamas précise que la Syrie sous le régime d’Assad n’a jamais été active au sein de l’axe, elle n’en était membre que pour la forme, sans rien faire de concret. Il faut donc attendre un peu que le nouveau pouvoir consolide son assise et se précise pour qu’on soit en mesure de porter un jugement. Mais globalement, le Hamas se considère proche du nouveau pouvoir et l’essentiel pour lui c’est que la Syrie continue à considérer la Palestine comme la boussole de la région. Il pourrait même songer à tenter une médiation entre ce régime d’un côté, l’Iran et le Hezbollah de l’autre.
Franchement ce que fait et pense le Hamas ne nous intéresse guère. Les Palestiniens ont été le problème principale de la destruction de notre pays depuis 1948 a ce jour. Ils ont été la cause de l’agressivité d’Israël contre nous. Ils ont été la raison de la guerre 1975-1990 comme ils ont été la cause de la destruction du pays l’année dernière. Tout cela est a présent derrière nous. Le Hamas est fini tout comme le Hezbollah même s'ils prétendent le contraire.
10 h 29, le 28 janvier 2025