Rechercher
Rechercher

Politique - Cessez-le-feu au Liban

Des habitants du Sud défient les injonctions d’Israël, qui répond dans le sang

Le Liban a accepté, après une médiation américaine, une prolongation de la mise en œuvre de l'accord de cessez-le-feu avec Israël jusqu'au 18 février.

Des habitants du Sud défient les injonctions d’Israël, qui répond dans le sang

Une habitante du village de Aïta el-Chaab tient des roses au milieu des décombres, le 26 janvier 2025. Mohammad Yassine/L’Orient-Le Jour

Malgré la décision israélienne de rester au Liban-Sud après l’expiration du délai initial de 60 jours pour le retrait de son armée fixé par l’accord de cessez-le-feu du 26 novembre entre le Hezbollah et Israël, de nombreux Libanais ont décidé dimanche de passer outre aux injonctions de Tel-Aviv leur interdisant de rentrer dans les villages frontaliers. La réponse israélienne a été sanglante : au moins 22 personnes ont été tuées (dont un soldat de l’armée libanaise) et 124 blessées durant la seule journée de dimanche. Ce lundi, un nouveau bilan a fait état de 24 morts et de 134 blessés. 

Dans ce contexte, et après une médiation américaine, le gouvernement libanais a annoncé, via un communiqué du Premier ministre sortant Nagib Mikati, avoir accepté de prolonger la mise en œuvre de l'accord de cessez-le-feu avec Israël jusqu'au 18 février. La décision a été prise après concertation avec le président Joseph Aoun et le chef du Parlement Nabih Berry. Plus tard dans la nuit, Washington a confirmé cette décision, qui prolonge donc de trois semaines la période pendant laquelle l'armée israélienne restera déployée dans certaines parties du Liban-Sud.

Une décision prise après un dimanche sanglant au Liban-Sud.  Si, samedi, l’armée israélienne bloquait toujours l’accès à des dizaines de villages libanais, refusant donc de se retirer comme le stipulait pourtant l'accord de cessez-le-feu, une partie de leurs habitants – notamment ceux de Khiam, Meis el-Jabal et Yarine, dans le caza de Marjeyoun – ont en effet malgré tout décidé, dimanche matin,  de se rendre en masse sur place. Au final, ce sont au moins des centaines de Libanais qui se sont retrouvés sur les routes, à pied ou dans des convois de dizaines de voitures, brandissant parfois des drapeaux jaunes du Hezbollah.

Si celui-ci assure qu’il s’agit de mouvements spontanés par des habitants anxieux de rentrer chez eux le plus vite possible, de nombreux observateurs estiment que le parti chiite pourrait être impliqué dans l’organisation de ces convois, dans une tentative de faire pression sur l’État hébreu pour qu’il se retire de la bande frontalière sans pour autant risquer une nouvelle guerre. L’armée israélienne a répondu par la violence, tirant sur les habitants qui retournaient chez eux.

Dans l’après-midi, des témoins oculaires ont par exemple rapporté que des soldats israéliens s’étaient postés sur les toits de Meis el-Jabal et tiraient sur les habitants, toujours selon notre correspondant. Le président de la municipalité, Abou Ziad el-Hammoud, a déclaré à notre correspondant que « plus d’une centaine d’habitants de la ville sont entrés dans la localité ce matin », et dès qu’ils sont arrivés, une patrouille blindée israélienne a commencé à « tirer au-dessus de (leurs) têtes et autour d’eux ». Il a ajouté : « Plusieurs soldats israéliens sont descendus de leur véhicule militaire et nous ont ordonné de partir immédiatement. » En milieu de journée, l’armée israélienne a admis via son porte-parole arabophone, Avichai Adraee, qu’elle avait ouvert le feu en prétextant vouloir « écarter les menaces dans plusieurs zones où des suspects avaient été repérés en train de s’approcher ». Elle a ajouté qu’un « certain nombre de suspects ont été arrêtés dans la région après s’être rapprochés des forces et avoir représenté une menace réelle ». Plus tard, le même porte-parole a publié un autre message – une vidéo cette fois – où il s’efforce de faire endosser toutes les dérives de la journée au Hezbollah. 

L’armée libanaise se déploie

Cette flambée de violence, qui accompagne le report du retrait israélien annoncé vendredi par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, n’a pas brisé l’élan des habitants, qui ont reçu de nombreux messages d’encouragement mais aussi des appels au calme de la part de la classe politique. Dans une vidéo relayée par notre correspondant, des résidents de Maroun el-Ras (Bint Jbeil) ont fait face dans la matinée à des soldats de l’armée israélienne postés un peu plus loin, scandant : « Sioniste, sors de là ! » Selon d’autres témoignages recueillis par nos journalistes à Aïta el-Chaab (Bint Jbeil), l’attente semblait plus forte que la peur. Abdallah Gharib, président de la municipalité de Dhaïra (Tyr), a déclaré à L’Orient-Le Jour que « les habitants de la ville, heureux de leur retour, ont emprunté tous les chemins pour s’y rendre au lieu d’attendre que l’armée libanaise leur ouvre la route ». « Certains d’entre eux ont marché cinq kilomètres à travers la ville de Jibbein (Tyr) jusqu’à Dhaïra, tandis que d’autres ont pris la route depuis Tayr Harfa », a-t-il ajouté. 

Lire aussi

Qu’a fait l’armée israélienne au Liban-Sud durant les deux mois de cessez-le-feu ?

Dans ce contexte, l’armée libanaise, qui avait demandé la veille aux habitants de se retenir afin de garantir leur sécurité, a fini par accompagner les convois de citoyens, se déployant dans plusieurs nouvelles localités de la bande frontalière. Une image circulant sur les réseaux sociaux montre les habitants sur le chemin du retour, protégés par une unité de l’armée libanaise. Une vidéo montre également les soldats accueillis en héros dans la localité frontalière de Rmeich. « L’armée continue d’accompagner les habitants qui retournent dans les localités frontalières du Sud et de se tenir à leurs côtés face à l’ennemi israélien, en vertu de son devoir national, et ce alors que l’ennemi persiste à cibler les militaires et les civils, causant un grand nombre de martyrs et de blessés, tout en refusant ouvertement de respecter l’accord de cessez-le-feu et de se retirer des territoires libanais », a indiqué la troupe dans un communiqué publié dimanche soir. Parallèlement, l’armée poursuit son déploiement dans plusieurs localités du Sud et appelle les citoyens à se conformer aux directives des unités militaires. Elle réaffirme qu’« elle suit la situation de près en coordination avec la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) et le comité des cinq supervisant l’application de l’accord de cessez-le-feu ». À Maroun el-Ras, un groupe de soldats libanais se sont brièvement retrouvés à quelques mètres d’une unité israélienne accompagnée d’un tank, qui a dirigé son canon vers eux, selon des images d’al-Jadeed. À 18h, l’armée a confirmé, dans un message publié plus tôt sur X, la mort d’au moins un soldat sur la route de Marwahine-Dhaïra, dans le caza de Tyr, et un autre blessé à Meis el-Jabal, dans le caza de Marjeyoun, après avoir été ciblé par des tirs israéliens.

Toujours selon les informations de notre correspondant, l’armée israélienne était toujours présente dimanche soir à Marwahine, Blat, Aïtaroun, Yaroun, Blida, Mhaïbib, Houla et Meis el-Jabal. Les habitants devraient entrer lundi dans les localités de Aïtaroun, Maroun el-Ras, Yaroun (Bint Jbeil) et Blida (Marjeyoun), selon des sources au sein des municipalités concernées. 

Quel triptyque ? 

S’exprimant depuis le village martyrisé de Aïta el-Chaab, Hassan Fadlallah, député du Hezbollah, a déclaré que « l’équation de l’armée, du peuple et de la résistance se consolide aujourd’hui. La résistance a combattu ici jusqu’au dernier jour, le peuple a ouvert la route à l’armée libanaise et, ensemble, nous avons libéré Aïta el-Chaab. Cette équation historique est cimentée par le sang de nos martyrs et la détermination de notre peuple ». Le Hezbollah a publié une brève déclaration : « Notre honorable peuple... Aujourd’hui, tu étonne le monde une fois de plus, prouvant que tu es un peuple fier, loyal et courageux. » Dans la Békaa, des convois de voitures portant des drapeaux du parti et du Liban sont partis en solidarité avec la population du Sud dans des villages du mohafazat (gouvernorat) de Baalbeck-Hermel, a rapporté notre correspondante, Sarah Abdallah. Un autre convoi a également sillonné la banlieue sud de Beyrouth, sans que le parti n’endosse officiellement cette initiative. De l’autre côté de l’échiquier, des députés comme Élias Hankach (Metn), Michel Moawad (Zghorta) et Mark Daou (Chouf) ont salué le rôle de l’armée dans la protection des civils. « Armée, peuple, État... C’est ainsi qu’on libère le territoire », a écrit M. Daou sur son compte X.

Du côté de la communauté internationale, l’ONU a estimé que les conditions pour permettre le retour chez eux des habitants des localités frontalières d’Israël ne sont « pas encore réunies », l’armée israélienne restant déployée malgré l’expiration du délai fixé pour son retrait par l’accord de trêve avec le Hezbollah. Le président français Emmanuel Macron a, quant à lui, appelé les parties prenantes au cessez-le-feu au Liban à honorer leurs engagements « dans les plus brefs délais ». Le président français a formulé cette demande lors d’une conversation téléphonique avec son homologue libanais Joseph Aoun. « Le président de la République (française) a rappelé que les engagements pris par les parties devaient être honorés dans les plus brefs délais, afin que le Liban recouvre sa souveraineté sur l’ensemble du territoire. (Il) a réitéré l’engagement constant de la France en ce sens », a rapporté l’Élysée. Emmanuel Macron a également salué « les progrès qui ont été réalisés au cours des deux derniers mois, notamment grâce à l’implication soutenue des forces armées libanaises dans la mise en œuvre des conditions de réalisation du cessez-le-feu ».

Lire aussi

Comment, en restant au Liban-Sud, Israël fait le jeu du Hezbollah

Enfin, dans les zones déjà investies par les habitants du Liban-Sud, les fouilles se poursuivent pour retrouver les disparus de la guerre. Selon des secouristes qui ont parlé à L’OLJ, les corps d’au moins 24 personnes qui étaient tombées pendant la guerre ont été récupérés des décombres de Aïta el-Chaab. Le Hezbollah a identifié au moins un de ses membres, Ali Mohammad Ali Mrad, originaire du village de Aïtaroun, parmi les victimes. 

Dans un communiqué publié en début de soirée dimanche, le Hezbollah a célébré la « victoire » de la résistance contre « l’ennemi israélien ». Il a aussi appelé « tous les Libanais » à soutenir les habitants du Liban-Sud et « les pays garants de l’accord » de cessez-le-feu, soit les États-Unis et la France, à « assumer leurs responsabilités face aux violations et crimes de l’ennemi israélien et l’obliger à un retrait complet de nos terres ».

Malgré la décision israélienne de rester au Liban-Sud après l’expiration du délai initial de 60 jours pour le retrait de son armée fixé par l’accord de cessez-le-feu du 26 novembre entre le Hezbollah et Israël, de nombreux Libanais ont décidé dimanche de passer outre aux injonctions de Tel-Aviv leur interdisant de rentrer dans les villages frontaliers. La réponse israélienne a...
commentaires (9)

L’armée a commis un impair en permettant aux habitants de rentrer dans leur village avant de s'assurer que ceux ci sont proprement nettoyer de tous dangers venant de mines ou de bombes non explosées. Cela prend des jours parfois des mois pour ce faire. Le HB en a profité pour tenter de se remettre sur ces jambes au dépend de l’état en déboulant un peu partout essayant une épreuve de force contre le restant des citoyens Libanais, Ici le Président, en tant que chef suprême de l’armée, est responsable de ce qui s'est passé et devra prendre les mesures nécessaires avant que cela ne dérape.

Pierre Christo Hadjigeorgiou

12 h 34, le 27 janvier 2025

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • L’armée a commis un impair en permettant aux habitants de rentrer dans leur village avant de s'assurer que ceux ci sont proprement nettoyer de tous dangers venant de mines ou de bombes non explosées. Cela prend des jours parfois des mois pour ce faire. Le HB en a profité pour tenter de se remettre sur ces jambes au dépend de l’état en déboulant un peu partout essayant une épreuve de force contre le restant des citoyens Libanais, Ici le Président, en tant que chef suprême de l’armée, est responsable de ce qui s'est passé et devra prendre les mesures nécessaires avant que cela ne dérape.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    12 h 34, le 27 janvier 2025

  • Rectification. Ce ne sont pas les habitants du sud qui défient les injonctions d’Israel, mais les partisans du HB. -Il n’y qu’à voir le drapeau qu’ils brandissent- Qui, sur un ordre donné essaient de défier notre armée et de l’empêcher de se déployer sous prétexte de vouloir regagner leurs domiciles rasés et piégés. L’armée essaie de les en empêcher pour leur sécurité et leurs leaders les encouragent à y aller au risque de se faire sauter. Le pire c’est qu’ils s’exécutent. Chercher l’erreur.

    Sissi zayyat

    10 h 50, le 27 janvier 2025

  • Le tandem nuisible bloque la formation du gouvernement tout en invitant leurs partisans à semer le chaos dans leurs fiefs rasés sous prétexte de célébrer leur victoire et de vouloir regagner leurs domiciles. De quels domiciles parlent ils? Et de quelle victoire? Ils croient pouvoir berner le monde avec des prétextes pour torpiller tout accord et empêcher ainsi la formation d’un gouvernement pour sauver ceux qui les ont sacrifiés? A quel moment ces citoyens se réveilleront de leur cauchemar et verront la vérité qui consiste à les anéantir afin que leurs zaims gardent le pouvoir usurpé pour les

    Sissi zayyat

    10 h 03, le 27 janvier 2025

  • Tout ce que le Hezbollah trouve a dire c'est "féliciter" son peuple alors qu'il l'utilise plus et encore en tant que bouclier humain.....

    NFK

    07 h 56, le 27 janvier 2025

  • Seul un pays ayant une armée - et pas une milice armée depuis l'étranger - capable d'imposer sa volonté impose le respect de son territoire à ses ennemis, et la paix entre ses concitoyens.

    CODANI Didier

    07 h 45, le 27 janvier 2025

  • Criminelle, l’armée israélienne qui a ouvert le feu sur des civils désarmés. Non moins criminel le Hezbollah qui a soigneusement organisé ces "manifestations spontanées", espérant – et son espérance a été comblée – voir le sang couler.

    Yves Prevost

    07 h 31, le 27 janvier 2025

  • Encore une fois le hezb se sert de sa communauté comme chair à canon. On comprend ces malheureux Libanais qui rentrent dans leurs villages détruits. Mais en face il y a une armée israëlienne criminelle qui tire sur des civils . Bravo pour l’armée qui a accompagné le retour avec beaucoup de patriotisme et de sagesse. Le hezb nous annonce une nouvelle victoire et reprend son laïus sur la résistance. Tous ces morts , ces destructions et ces défaites n’ont pas changé son comportement. Toujours gaganant en dépit du bon sens et tant pis pour les Libanais qui paient le prix de son inconsciense.

    Goraieb Nada

    05 h 44, le 27 janvier 2025

  • Le Hezb appele tous les Libanais a soutenir le retour de leurs freres du sud dans leurs villages ? C'est en envahissant avec ses motards petaradants Gemmayze, Ain al Remaneh, Furn et Chebbak, Khandak et Ghamik et Maghdoucheh qu'il veut les convaincre ?

    Michel Trad

    23 h 37, le 26 janvier 2025

  • Les députés qui soutiennent "la résistance" peuvent marcher en première ligne la prochaine fois, à la place de se réfugier au parlement.

    Joseph ibin Helo

    23 h 06, le 26 janvier 2025

Retour en haut