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Culture - Exposition

Petram Chalach, son monde en « Stereo Vision », les tambours de la guerre et nos tremblements

Le jeune artiste pluridisciplinaire propose à la galerie Janine Rubeiz un parcours atypique pour sa 3e exposition solo, ancrée dans la superposition de formes et d'idées, créant des œuvres qui explorent la complexité des pensées et des événements.

Petram Chalach, son monde en « Stereo Vision », les tambours de la guerre et nos tremblements

Une huile sur bois recyclé signée par le jeune artiste Petram Chalach. Avec l'aimable autorisation de la galerie Janine Rubeiz

Petram Chalach. Le nom sort déjà des sentiers battus tout comme son œuvre. Il est l'un des deux lauréats du prix de la Fondation Boghossian pour les arts visuels de l’édition 2024. Il a également été invité à la résidence artistique Arts dans les Cités par l'association Petites Cités de caractère de Bretagne en collaboration avec l'Institut français du Liban. Ses œuvres enrichissent des collections privées au Liban comme en France ou à Amsterdam. Formé en joaillerie, Petram Chalach trouve tout naturel de franchir le pas vers la peinture où « il fait avec des matières moins nobles une œuvre de valeur ». L’or comme les pigments sont pour lui l’expression de l’effet de l’image sur nos sociétés d’aujourd’hui. Ce sont d’ailleurs elles, et à travers elles l’époque que traverse le Liban, que le peintre autodidacte interroge dans des séries en apparence sereines mais qui déploient une complexité développée comme une « responsabilité sociale », insiste-t-il .

Une vue de l'exposition "Stereo Vision" de Petram Chalach à la galerie Janine Rubeiz. Photo galerie Janine Rubeiz

« Stereo Vision » : une lecture plurielle

Le jeune artiste né en 1988 explore aussi la céramique, la photographie et l'art numérique, et planche sur les thèmes de la perception et de l'identité. La galerie Janine Rubeiz accueille sa troisième exposition solo baptisée « Stereo Vision », une vision stéréoscopique qui permet de « regarder avec deux yeux chacun relié à un cerveau lui-même responsable de l’interprétation qu’on en fait et dont le résultat est la superposition de deux images dissimulées dans l’inconscient »,  annonce d’emblée Petram Chalach pour donner le pouls de l’exposition. Une exposition qui donne à voir des séries que le peintre a travaillées sur plusieurs périodes depuis 2023. Un ouvrage dont le fondement repose sur quelques mots de poésie choisis en anglais qui sont grammaticalement incorrects et imposent un tempo et une lecture particuliers.

…another drum-hum-barrels, in prints kaiser, stereo visions: masses massed, amassed. Nowhere near, here-tear, there.

Tremor, territory, terror.

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would you look the sun in the eye today ?

Neither nor, either or ?

« Quelle phrase correctement structurée pourrait refléter notre réalité ? demande donc Petram Chalach. Les tambours sont ceux de la guerre. Tear est-ce la déchirure ou les larmes ? Regarder le soleil à s’y brûler les yeux ? Les questions sont posées, les réponses libres. Les tremblements, les nôtres, ceux de notre pays, de la planète, sont représentés par les cendres de charbon mélangées à de l’huile pour une transparence subtile qui efface les limites du temps et de l’espace.

Un pan de l'exposition « Stereo Vision » montrant des œuvres sombres de Petram Chalach. Photo galerie Janine Rubeiz

Pour « Stereo Vision » Petram Chalam a commencé par composer de petites esquisses de ces mots qui l’ont guidé, avant de les transposer sur ses toiles ou planches de bois, très abîmées, qui ont servi à restaurer de vieilles demeures dans un procédé de superpositions d’objets et d’êtres vivants. Ceux-ci sont ceux que l'on trouve dans la nature et qui nourrissent son inspiration. La superposition des matières souvent mortes, consumées un peu comme le Liban lors de cette dernière guerre, est primordiale pour Chalach qui insiste sur le concept d’inter-objects, voire entre ou inter-objets qui sont le fruit de plusieurs objets dans l’inconscient. « J’ai utilisé ce concept consciemment. J’ai créé plusieurs objets qui reflètent, je l’espère, un effet ou un sentiment », lâche l'artiste en parlant d’une série plutôt sombre aux couleurs terre qui évoque des ruines, des non-espaces et des non-lieux voire une perte de volume, qui happe le visiteur dès son entrée dans la galerie Rubeiz. Dans cette série où l’on constate, en dépit de son univers obscur, une sorte d’élévation, Petram Chalam explique « vouloir mettre l’accent sur la dignité d’être encore debout malgré tout ». D’où le clair-obscur que dégagent les œuvres avec l’espoir en filigrane. « Accepter d’avancer ou subir avec dignité sont les deux réalités que nous vivons, mais il était important pour moi de distiller l’espoir, une responsabilité sociale qui est le catalyseur de ce travail », souligne-t-il.

Petram Chalach, « Under the sun », huile sur toile de lin de 90 x 141 cm . Avec l'aimable autorisation de la galerie Janine Rubeiz

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Il faut imaginer un Liban heureux…

Dans ses toiles, chaque couleur est issue d’une matière différente et chaque pigment raconte son histoire. « Celle de peuples divisés et restructurés selon l’œil du spectateur, l’image d’une métaphore visuelle. La décision de créer un espace non familier, qui se situe entre deux espaces et un temps indéfini, dont l’objet ou les objets peuvent être loin ou près, c’est un petit exemple de ma quête qui représente ce flou temporel que nous vivons », souligne-t-il. Petram Chalach insiste beaucoup par ailleurs sur le processus de recherche qui le propulse et va à la rencontre d’une libre interprétation notamment si l’on lit la toile de droite à gauche ou l’inverse. « J’essaie à travers la superposition de créer un espace qui ne soit pas seulement un inter-espace mais qui aborde l’atmosphère et finit par engendrer une image. » Ailleurs, l’artiste nous emmène sous le soleil. « Mais quel soleil ? » demande-t-il. Celui de la vérité collective, du narratif réel. « Ce ne sont que des questions d’ailleurs, la plupart de mes œuvres sont des horizons ouverts non résolus. Elles décrivent aussi la façon de tout un chacun de consommer l’image. »

Une exposition à découvrir avec ses yeux mais aussi sa culture et sa sensibilité, et qui invite selon les dires de l’artiste à être interprétée à plusieurs niveaux de conscience.

« Stereo Vision » est visible à la galerie Janine Rubeiz jusqu’au 17 janvier 2025.

Petram Chalach. Le nom sort déjà des sentiers battus tout comme son œuvre. Il est l'un des deux lauréats du prix de la Fondation Boghossian pour les arts visuels de l’édition 2024. Il a également été invité à la résidence artistique Arts dans les Cités par l'association Petites Cités de caractère de Bretagne en collaboration avec l'Institut français du Liban. Ses œuvres...
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