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Société - Reportage

Beyrouth se prépare à fêter Noël, le cœur serré

Aux quatre coins de la capitale, quelques semaines après la fin des bombardements, la guerre est encore dans tous les esprits et explique une ambiance inégale.   

Beyrouth se prépare à fêter Noël, le cœur serré

L'intérieur d'un magasin de jouets à Aïn el-Remmané, le 20 décembre 2024, où des emballages cadeaux de Noël sont placés en dessous d'une image de la Vierge. Laurent Selinder/L'Orient-Le Jour

« On nous a dit de fermer le stand, sans même attendre le 24 », explique Hussein*, qui retire la pancarte de son étal, avant qu’un camion ne débarrasse son installation. Il est midi et le soleil beyrouthin, qui a éclairé tant de misères ces derniers mois, alors que le Hezbollah et Israël ont conclu un accord de cessez-le-feu le 27 novembre, projette ses lueurs sur la trentaine de petits chapiteaux, couverts de tissus rouges, bordés de feuillages et de boules colorées, qui composent cette année encore le « Village de Noël » de Badaro, prévu du 13 au 29 décembre.

Mais, à quatre jours du réveillon, le grillage blanc à son entrée ferme subitement ses portes : seule une poignée de curieux s’y est rendue jusqu’à présent. « Les magasins ne voient pas l’intérêt de louer (les chapiteaux) pour près de 600 dollars : il n’y a personne, il n’y a pas de travail cette année », explique le propriétaire du kiosque Nabil, situé face à ce marché de Noël. « Personnellement, j’ai une boutique avec des articles cadeaux, des jeux, et toute sorte de choses et c’est “zéro”. L’an dernier, le dollar valait plus cher et il y avait du travail », poursuit-il désabusé. 

Le marché de Noël de Badaro a finalement fermé ses portes le vendredi 20 décembre, une semaine après son ouverture, faute de clients. Laurent Selinder/L'Orient-Le Jour

Après deux mois de guerre quasi totale entre les deux belligérants, de larges pans de la capitale ont toujours la gueule de bois. La place Tayouné a tout d’un paysage verlainien, où la chute des feuilles et le déclin des jours se confond avec la tristesse des habitants. « On sort de la guerre : entre celui qui a perdu son père, son frère, son cousin, sa sœur, son fils... Avant ils décoraient ici. Cette année, ils ne vont pas le faire. Tristesse, tout est tristesse », lâche ce vendeur ambulant de kaak.

« La fête ? Quelle fête ? »

Pas de décorations non plus cette année à Hamra, où nombre de déplacés des régions pilonnées par l’armée israélienne avaient trouvé refuge. Nada Sultan, mère de deux enfants, regrette l’ambiance de fête des années précédentes, du « sapin sans la crèche » selon le mot d’un chauffeur de taxi de passage, et évoque une situation sécuritaire encore volatile, alors que le cessez-le-feu est prévu pour 60 jours.

Quelques ballons blancs et rouges sont pourtant accrochés sur la façade d’un magasin, mais c’est en raison de son inauguration en novembre et non des festivités de Noël, explique l'employée du magasin d'en face. Ali Saaidé, habitant du quartier, commente néanmoins avec sagesse : « On sent que les gens sont tristes, mais espérons que ce Noël sera un nouveau départ pour le Liban. »

La rue Hamra le 20 décembre 2024, privée de décorations de Noël cette année. Laurent Selinder/L'Orient-Le Jour

Le climat est au moins aussi lourd rue Maroun à Chiyah, longue artère de la banlieue sud de Beyrouth ayant vibré au rythme du fracas des bombes. Les tenants des différents commerces, même jalonnés de décorations de Noël, ne ressentent pas l’atmosphère des fêtes. Ils rappellent tour à tour les « moments très difficiles » vécus. Une fleuriste explique que les destructions empêchent de sentir un quelconque esprit de Noël. Dans le même ton, deux passants lâchent : « La fête ? Mais quelle fête ? »

« L'essentiel reste de pouvoir se réunir en famille » 

Mais, dans ce même quartier, Claudine, croyante de 55 ans, dont le magasin de quincaillerie et la maison ont été endommagés par la guerre, voit le verre à moitié plein : « L’essentiel reste de pouvoir se réunir en famille. Sans la réunion familiale, on ne sentirait plus Noël. »

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Même son de cloche pour Maria, habitante du quartier voisin majoritairement chrétien de Aïn el-Remmané. Elle constate que la municipalité a remis les mêmes décorations que l’an dernier, regrette la hausse des prix, mais a un grand sourire grâce à ses deux petits Michel et Andrew : « On va fêter avec la famille. Notre famille est petite mais tout le monde est là. Malgré tout, on est heureux ! » s'exclame-t-elle.

Toutes les familles ne pourront toutefois pas se réunir au complet pour ces fêtes de fin d’année, de nombreux témoignages faisant part d'expatriés ne revenant pas au pays par crainte de la situation sécuritaire ou en raison de prix de billets trop élevés.

Un magasin de jouets à Aïn el-Remmané, où les clients sont moins nombreux que les années précédentes, selon l'employée. Laurent Selinder/L'Orient-Le Jour

En termes d'activité commerciale, les clients des magasins de Noël aux quatre coins de la ville n'achètent que l'essentiel, selon les commerçants interrogés. « Depuis le cessez-le-feu, les familles viennent mais pas comme avant. Ils cherchent moins de cadeaux et à des prix moins chers : d'un jouet à 10 dollars, ils demandent aujourd'hui des jouets à 4 ou 5 dollars. Des églises et associations viennent aussi acheter des cadeaux à des prix symboliques pour aider les réfugiés et les personnes dans le besoin », livre cette vendeuse de jouets à Aïn el-Remmané.

Une ambiance « très belle », malgré tout

Comme chaque année, le centre-ville fait partie de ces lieux ayant aménagé avec brio un marché de Noël. « Bien sûr les ambiances de Noël ne sont pas aussi festives (que l’année passée), avec les touristes et expatriés qui manquent, mais on constate que de nombreuses personnes sortent pour se changer les idées parce que la guerre les a épuisées », explique Ali Qassem, qui tient un stand presque chaque année dans le « Souk el-Balad ». C'est le cas d'Alexa, Julien et Mohammad, trois jeunes venus de Zahlé (Békaa) pour profiter d'une ambiance festive. « Après la guerre, les gens avaient besoin de se reposer et de voir cette ambiance : tout le monde est regroupé pour célébrer, l’ambiance est vraiment très belle », félicite Alexa.

Le marché de Noël au centre-ville est une réussite cette année encore, malgré une fréquentation plus faible ce Noël. Laurent Selinder/L'Orient-Le Jour

Cette année encore, le havre de paix par excellence pour cette période reste le Forum de Beyrouth qui a ouvert ses portes du 13 au 23 décembre pour incarner une véritable allégorie de l'esprit de Noël. Dans ce petit cocon où les musiques de Noël bercent les familles venues en nombre, les enfants courant d'une installation à l'autre, émerveillés par les décorations et stands de tout genre.

Photo prise à l'intérieur du Forum de Beyrouth, ayant ouvert ses portes du 13 au 23 décembre pour les festivités de Noël. Laurent Selinder/L'Orient-Le Jour

Durement éprouvée cette année, l'institution militaire a une nouvelle fois la part belle avec un stand dédié. « Cette année on est beaucoup plus heureux que les années précédentes car l'esprit de Noël est revenu après avoir passé des moments très difficiles dans toutes les régions au Liban durant la guerre », résume pour sa part Saba Soukkariyé, habitante de la région de Baalbeck-Hermel (Békaa), durement touchée par les bombardements israéliens.

*Les noms de famille ont été préservés.

« On nous a dit de fermer le stand, sans même attendre le 24 », explique Hussein*, qui retire la pancarte de son étal, avant qu’un camion ne débarrasse son installation. Il est midi et le soleil beyrouthin, qui a éclairé tant de misères ces derniers mois, alors que le Hezbollah et Israël ont conclu un accord de cessez-le-feu le 27 novembre, projette ses lueurs sur la trentaine de...
commentaires (3)

Joyeux Noël ? à tous les Libanais, malgré tous les problèmes endurés, en espérant un avenir plus serein à un peuple qui a beaucoup souffert, ces dernières décennies.

Frank Nouma

18 h 17, le 25 décembre 2024

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Commentaires (3)

  • Joyeux Noël ? à tous les Libanais, malgré tous les problèmes endurés, en espérant un avenir plus serein à un peuple qui a beaucoup souffert, ces dernières décennies.

    Frank Nouma

    18 h 17, le 25 décembre 2024

  • JOYEUX NOEL A TOUT LE MONDE.

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

    13 h 06, le 24 décembre 2024

  • On ne veut voir que le verre à moitié vide … si déprimant et inutile!

    Roll

    06 h 56, le 24 décembre 2024

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