Le rideau n’est peut-être pas tombé sur l’horreur au sud et dans la banlieue sud, mais pour sûr à Beyrouth, le voile se lève sur le cirque. Accompagnant le fracas des bombes et des missiles, voilà que la classe politique pointe le bout de son groin. Plus un jour ne passe désormais sans qu’un turlupin de l’une des chapelles de ce spectre des lumières ne vienne nous enrichir de sa fine analyse, assortie souvent d’une larmichette versée vite fait bien fait sur ces pauvres hères jetés sur les routes, cocufiés profond par leur demi-dieu volatilisé, dindons ultimes d’une farce qu’ils se refusent à admettre.
La dérouillée militaire est certes toujours en cours, mais elle n’empêche pas les vestes des vieux briscards du pouvoir de craquer aux jointures à force de retournement. Si fait que l’on peut d’ores et déjà distinguer chez eux un glissement feutré, mais nettement perceptible, depuis la période d’« avant » vers celle du « pendant », en attendant qu’arrive l’heure de l’« après ».
Avant la castagne, le moins qu’on puisse dire est que c’était Byzance à tous les étages de cette république de poche. Ça partait du sommet, avec Istiz Nabeuh et Mikou qui voyaient poindre la menace mais sifflotaient en regardant ailleurs, jusqu’au 20e sous-sol où l’Homo barbudens se rêvait en Saladin survolant Jérusalem à califourchon sur son missile.
À commencer par le Haut-Perché du Parlement, dont il a avalé la clé et qu’il refuse absolument d’expulser par l’orifice idoine. En véritable cache-sexe du Parti barbu, il freinait des quatre fers la présidentielle et insistait à vendre le Franju comme prochain bibelot à Baabda. Tiens, on l’avait oublié celui-là, depuis le temps où il a délégué au fiston l’insigne privilège de faire tapisserie à la Chambre.
Le Mikati décati, lui, admirablement secondé par son Talleyrand Bou Habib, ne voyait que les projectiles hébreux qui aplatissaient villes et villages, mais n’osait piper mot sur ceux que les sous-traitants des Perses balançaient à travers la frontière. Sans oublier la truellée des autres ministres qui fanfaronnaient sur les stocks alimentaires et pharmaceutiques « largement disponibles ».
Mais ça, c’était avant que le Porte-parole de Dieu ne se fasse rétamer par 80 engins à tête chercheuse turbophasée. Et son pauvre successeur présumé, qui lui n’a même pas eu le temps de s’entraîner aux vociférations face caméra, index levé. Depuis, il y a comme un frémissement de volte-face, déjà inauguré par le Derviche tourneur de Moukhtara. Oh, ce n’est pas encore tout à fait le virage sur l’aile à 180°, mais on n’en est plus très loin. Suffit juste de donner aux uns et aux autres le temps de trouver l’axe de la girouette.
Alors, en attendant que la nouvelle scène théâtrale se mette en place, que doivent faire dans ces conditions les gougnafiers d’en haut ? Diable, la seule chose qu’ils pratiquent admirablement : absolument rien ! Qu’ils prennent la pose. Mieux vaut pour eux ne rien faire tout de suite, qu’attendre la fin de la guerre pour ne rien faire…
gabynasr@lorientlejour.com
Malgré le sujet pénible... bof c'est toujours un délice à lire relire et rererelire pour y rereredécouvrir des amuses gueules alléchantes et appétissantes comme: "cocufiés profond par leur demi-dieu volatilisé, dindons ultimes d’une farce qu’ils se refusent à admettre."...
03 h 34, le 17 octobre 2024