Après plus d’un an d’affrontements entre Israël et « l’axe de la résistance » sous la houlette de l’Iran, le Moyen-Orient semble plus que jamais au bord du gouffre. Enhardi par la relative passivité démontrée jusque-là par la République islamique et ses alliés à chaque escalade, ainsi que par l'accord plus ou moins tacite de Washington, Benjamin Netanyahu semble déterminé à remodeler le visage de la région. À commencer par le Liban où après avoir infligé une série de revers historique à son ennemi n° 1 – culminant avec l’assassinat de son chef charismatique, Hassan Nasrallah –, Tel-Aviv a lancé une offensive terrestre, seul moyen pour lui de mettre fin à ce qu’il considère comme une menace existentielle. Peut-il encore être arrêté ? Et par la voie diplomatique plutôt que par celle des armes ? L’ancien ministre des Affaires étrangères Tarek Mitri, qui était au cœur des négociations pour l'adoption de la résolution 1701 en 2006, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.
Après avoir fait sauter toutes les digues, Israël a entamé son offensive terrestre au Liban, notamment pour rétablir une « zone tampon », tandis que le Hezbollah semble déterminé à poursuivre le combat, malgré les terribles coups encaissés. La fenêtre diplomatique existe-t-elle encore ?
La fenêtre diplomatique est petite et l’intransigeance et le triomphalisme israéliens vont durer. Mais elle existe et afin qu’elle s'ouvre un peu plus, il y a un travail que les Libanais devraient faire. Sur la scène interne, c’est le moment de faire preuve de solidarité et de fraternité, quelles que soient les divergences politiques. Ce n'est pas le temps du sarcasme, encore moins celui de la jubilation.
Pour pouvoir faire quelque chose, il faut que le souci de sauvegarder notre pays transcende les ressentiments qu'on peut avoir les uns vis-à-vis des autres. Cela implique de comprendre que l'affaiblissement du Hezbollah ne sera pas une victoire pour ceux qui s'opposent à sa politique. Pour pouvoir faire un travail diplomatique sérieux, il faut qu'il y ait un consensus national sur le fait que la guerre actuelle est une guerre contre le Liban, pas seulement contre le Hezbollah.
Quelle que soit la responsabilité du Hezbollah, quels que soient les conseils qu'on aimerait lui donner, le Liban officiel, aussi amoindri soit-il, peut faire un bon usage de la diplomatie. La prise de position de Nagib Mikati mardi, en consultation avec Nabih Berry, affirmant que le Liban est prêt à déployer l’armée au Liban-Sud est un bon commencement.
À l’exception peut-être des États-Unis, les 14 autres membres du Conseil de sécurité seraient favorables à un arrêt immédiat des combats. Donc il faudrait que le Liban puisse regagner un peu de crédit moral et puisse mobiliser ses amis tant arabes qu’occidentaux pour obtenir un cessez-le-feu.
Le gouvernement a réitéré sa disposition à appliquer pleinement la résolution 1701 dès l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. Le Hezbollah peut-il aujourd’hui l'accepter ?
Nabih Berry n'aurait probablement pas donné son accord à Nagib Mikati s’il n’avait pas sondé l'opinion du Hezbollah en amont. L'application de la 1701 peut être une sortie honorable pour le parti.
Avant l'attaque des bipeurs, le Hezbollah répétait à qui veut l’entendre qu’il était d’accord pour appliquer la 1701 à la seule condition qu’il y ait un cessez-le-feu à Gaza. Étant donné ce qui s'est passé ces deux dernières semaines, il me semble que le Hezbollah n'insistera plus sur un cessez-le-feu à Gaza comme préalable.
Mais il ne pourra pas d'un coup déposer les armes. Surtout si l'incursion israélienne au Liban-Sud se poursuit, il devra se battre. Une reddition du Hezbollah n'est donc pas une condition nécessaire pour qu'on puisse avoir des initiatives diplomatiques. Une bonne diplomatie libanaise pourrait même faire usage de ce que ferait le Hezbollah pour donner un peu plus de crédit à la proposition gouvernementale.
Car si le Hezbollah se rendait aujourd’hui, les Israéliens seraient encore plus exigeants et ce que propose le gouvernement libanais serait fortement insuffisant à leurs yeux.
Mais cela veut dire prendre le risque d’une guerre longue et douloureuse pour le Liban ?
Le risque est toujours là, mais il ne dépend pas de la volonté des négociateurs. C'est une dynamique, en quelque sorte, inévitable. Ne serait-ce que pour les siens, le Hezbollah doit continuer à se battre.
Est-ce qu’il en a encore les moyens ?
Une organisation aussi forte, construite pendant 40 ans, qui a été capable de toute sorte de prouesses et qui détient tout cet arsenal ne saurait être décimée par l'assassinat de son secrétaire général et d'une dizaine de dirigeants militaires.
Il est difficile de savoir ce qu'il reste de ses capacités militaires, mais elles n’ont pas disparu. Peut-être que sa direction est désorientée, peut-être qu’il a des problèmes de communication et de coordination, mais le Hezbollah a la capacité de continuer à se battre contre Israël. Il y a une tendance à l'enterrer trop vite en ce moment.
Du côté israélien, quelle solution diplomatique peut-elle être acceptable ?
C'est beaucoup moins clair. Il y a chez Benjamin Netanyahu cette ivresse du succès avec une ambition de vouloir changer la région. Il présente le conflit actuel comme un conflit entre Israël et l'Iran, et met de côté le problème palestinien qui est pourtant au cœur de ce qui nous arrive.
En raison de cela et des incertitudes concernant ce que les Américains pourraient faire en cette période préélectorale, il est très difficile de savoir ce qui serait acceptable pour les Israéliens. La presse israélienne semble toutefois encourager le gouvernement à accepter désormais une solution diplomatique.
Jusqu'où peut être tenté d’aller M. Netanyahu ? Peut-il vouloir occuper à nouveau une partie du Liban et être un acteur sur la scène interne ?
Cela m'étonnerait. Dans la mémoire collective israélienne, le Liban est perçu comme un bourbier. Tout ce qu’on lit ici et là sur une occupation du Sud, sur les colons qui seraient prêts à venir s'installer dans les villages du sud du Liban me paraît très improbable.
Ils ne cherchent pas à changer le visage du Liban ?
L'équation régionale les intéresse beaucoup plus. Ils pensent qu'en cassant, en brisant la force du Hezbollah, ils affaiblissent l'Iran et son rayonnement régional.
En 2006, ils voulaient affaiblir, voire démanteler le Hezbollah. Les Américains leur avaient donné 33 jours pour le faire et ils n’ont pas réussi. Ils ont détruit le Liban et le Hezbollah est sorti plus fort qu'il ne l'était avant la guerre. Cette fois-ci, ils sont tentés de faire le contraire, pour avoir la paix pour plusieurs années à venir.
Mais est-ce qu'il est possible, dans leur pratique de la guerre, qui ne fait pas de distinction entre les objectifs militaires et la population civile, de détruire le Hezbollah sans détruire une partie du Liban ? L'armée israélienne n'est pas très sensible aux principes de distinction et de proportionnalité, qui sont les principes fondamentaux du droit de la guerre, et compte tenu de cela elle finira par détruire une bonne partie du Liban tout en prétendant être concentrée sur le Hezbollah.
Quels changements pourraient être apportés à la 1701 pour être acceptée par les deux parties ?
Beaucoup de gens qui se réfèrent au paragraphe 8 de la résolution 1701 ne prennent pas suffisamment compte de l'ambiguïté de ce même paragraphe. C'est un paragraphe qui lance un appel à Israël et au Liban pour qu'ils « appuient un cessez-le-feu permanent, et une solution à long terme » fondée sur un certain nombre de principes. Et parmi ceux-ci, il y a l'adoption d'un dispositif de sécurité, d'une zone d'exclusion de tout personnel armé, autre que l'armée libanaise. La résolution 1701 ne prône pas une application immédiate de cette zone d'exclusion du Liban, mais la projette comme un objectif à atteindre afin qu'il y ait un cessez-le-feu permanent.
Cette fois-ci, la référence à la 1701 par toutes les parties implique que nous sommes à la recherche d'un cessez-le-feu permanent, et non pas d'une cessation des hostilités en vue d'un cessez-le-feu permanent. Donc le texte sera renégocié ou réinterprété pour lui donner plus de muscles.
À quoi pourrait ressembler la scène politique interne à l’issue de cette guerre ?
L’élection à la présidentielle d’une personnalité modérée, qui ferait consensus, est une proposition qui devrait susciter l'adhésion des Libanais. Les groupes politiques sont silencieux là-dessus et gagneraient à soutenir cette idée.
Nous avons un pays à refaire. Un Hezbollah affaibli ne veut pas dire que c'est l'occasion pour ses ennemis de se venger et de crier victoire. C'est l'occasion de retrouver ceux qui pourraient unir le pays. Et seul l'État, l’armée, peut jouer ce rôle.
Craignez-vous le scénario d’un retour de grandes tensions sur la scène interne, voire d’une guerre civile ?
Je ne pense pas, mais on peut le craindre. Pour l’instant, il y a eu de la retenue après l’assassinat de Hassan Nasrallah. Personne n’a dit sur la scène publique que la défaite du Hezbollah est une victoire pour ses opposants. Mais il y a des gens qui le pensent. Est-ce qu’ils seraient en mesure de faire encore un pas vers une confrontation qui serait d’abord politique et pourrait dégénérer en une confrontation armée ?
Je ne pense pas que les chances sont grandes, mais le risque est toujours là.
Et la possibilité que le Hezbollah ait de nouveaux recours à des méthodes violentes pour réaffirmer son autorité ?
Contre les autres Libanais ? Ce serait désastreux, voire peut-être même suicidaire. Ils sont plus intelligents que ça.
Cet homme a été ministre et vient par,er comme s’il n’avait jamais été comcerne par ce désastre. Come on! Vous avez fait de quoi pour unir les libanais vous personnellement? Alors assez blablater
17 h 47, le 04 octobre 2024