Si le processus de restructuration du secteur bancaire est toujours bloqué, le Fonds monétaire international (FMI) a rappelé cette semaine par l’intermédiaire de son représentant au Liban Frederico Lima, qu’il restera intransigeant sur la « hiérarchie des responsabilités » à respecter vis-à-vis des pertes financières des banques libanaises.
Il s’exprimait lors d’une intervention au cours d’une conférence sur l’économie libanaise organisée mercredi par Bank Audi à son siège à Beyrouth. Le représentant faisait référence à la prise en charge des 85 milliards de dollars de dépôts bloqués par les banques depuis le début de la crise, sans qu’une loi ne les y autorise, mais avec des aménagements mis en place par la Banque du Liban qui ont été en partie supprimés depuis. La « hiérarchie des responsabilités » évoquée ici signifie que ce sont d’abord les fonds propres des banques qui doivent être absorbés pour combler ces pertes ; puis les fonds des créanciers simples ou de second rang (comme ceux qui détiennent des titres de dette subordonnée) ; et enfin, les créanciers de premier rang (comme les déposants).
« Les fonds propres, les dettes subordonnées et les dépôts des parties liées doivent être amortis en premier, avant que les déposants ne supportent une quelconque perte. Il s'agit d'un principe juridique de base et d'une bonne pratique internationale » a insisté M. Lima.
Efforts insuffisants
La conférence a également rassemblé le deuxième vice-gouverneur de la Banque du Liban Salim Chahine, Khalil Debs, directeur général de Bank Audi, la représentante de la Banque européenne d’investissement au Liban Kristina Mikulova, le président du Mouvement international des chefs d’entreprise libanais (Midel) Fouad Zmokhol et le directeur du département de recherche de la banque, Marwan Barakat.
Au cours de son intervention, M. Lima a souligné que le FMI « saluait les efforts conjoints de la Banque du Liban et du ministère des Finances », pour avoir arrêté de financer l’État avec les réserves de la BDL, mis fin à la coexistence de plusieurs taux de change, et aligné le taux de change utilisé pour calculer les impôts et taxes sur celui du marché. Il a cependant rappelé que ces mesures étaient « insuffisantes pour garantir une stabilité à long terme » et indiqué que l’organisation regrettait le fait qu'il y avait peu de progrès dans la mise en œuvre des réformes identifiées pour sortir le pays de la crise. Des éléments déjà communiqués par le FMI lors de sa dernière visite en mai dernier.
Salim Chahine a de son côté préconisé de renforcer les moyens mis à la disposition du système judiciaire pour poursuivre les auteurs d'infractions financières ; de voter une « loi globale pour restructurer les banques et combler les pertes financières du pays » ; et de lancer une réforme permettant de rendre le secteur public moins coûteux et plus efficace.
Khalil Debs a pour sa part insisté sur la nécessité de « lancer un ensemble de réformes radicales » évoquant un « programme de restructuration comprenant la réforme du secteur public, le renforcement de la gouvernance et du système judiciaire, ainsi que la réforme du système fiscal ».
Rétablir la confiance des investisseurs
Prenant à son tour la parole, Fouad Zmokhol a considéré que le point de départ d’une résolution de la crise devrait commencer par la reconnaissance par l'État libanais d'une partie des pertes totales du système (70 milliards de dollars) et étaler leur remboursement sur 10 ans, en faisant contribuer le secteur bancaire.
Kristina Mikulova a appelé à rétablir la confiance des investisseurs et d’encourager les entreprises les plus innovantes à rester au Liban. Marwan Barakat a enfin considéré que le Liban avait « 50 % de chances » de se diriger à court terme vers un « scénario intermédiaire » qui table sur une « stabilisation de la situation actuelle ».
Le Liban est en crise depuis 2019 et a fait défaut sur ses eurobonds en mars 2020, avant que la guerre de Gaza et ses débordements au Liban-Sud ne viennent compliquer la donne. En avril 2022, ses dirigeants ont signé avec le FMI un accord préliminaire à travers lequel ils se sont engagés à lancer un premier paquet de réformes. En échange, le Fonds monétaire international avait promis de valider un programme d’assistance financière en vue de débloquer 3 milliards de dollars pour financer le redressement du pays.
Parmi les réformes identifiées, figurait notamment la mise en place d’un cadre légal devant organiser la restructuration du secteur bancaire et l’épuration du passif du pays en respectant un certain nombre de principes. Selon des sources contactées par L’Orient-Le Jour, une partie du secteur bancaire s'oppose fermement à toute solution engageant leur responsabilité personnelle ainsi que celle de leurs proches jusqu'au deuxième degré, ou à injecter de nouveaux capitaux frais substantiels pour couvrir les pertes, entre autres lignes rouges. Ils souhaitent aussi faire porter à l’État l’essentiel du fardeau d’une crise qu’ils jugent systémique.
Y a-t-il un seul banquier ou fils/fille de banquier qui retire ses avoirs au rythme d’un 158 ou 166?
13 h 42, le 27 juillet 2024