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Monde - ENTRETIEN EXPRESS

Par qui le général al-Burhane a-t-il remplacé Hemetti ?

Malik Agar a été nommé par Abdel-Fattah al-Burhane comme vice-président du Conseil de souveraineté du Soudan le 19 mai. Eric Reeves éclaire L’Orient-Le Jour sur les enjeux de cette nomination.

Par qui le général al-Burhane a-t-il remplacé Hemetti ?

Malik Agar, originaire de l'État du Nil-Bleu dans le sud-est du Soudan. Photo d'archives AFP

Le général de l’armée régulière al-Burhane a officiellement limogé le chef des Forces de soutien rapide (FSR) Mohammad Hamdane Dagalo, alias Hemetti, du Conseil de souveraineté, l’organe exécutif du pays. C’est aux côtés de ce chef paramilitaire qu’il avait renversé en octobre 2021 le gouvernement civil transitoire qui devait conduire le Soudan vers la démocratie. Mais les deux généraux se sont finalement retournés l’un contre l’autre et leur affrontement depuis le 15 avril a plongé le pays dans une guerre dévastatrice. Après deux semaines de négociations, les émissaires des camps rivaux se sont mis d’accord en Arabie saoudite sur une trêve hebdomadaire qui, à peine démarrée lundi soir, a déjà été violée de part et d'autre. Des pourparlers dont la société civile, un acteur-clé de la transition politique entre 2019 et 2021, sont les grands absents. Si certains observateurs semblent prévoir une victoire militaire d’al-Burhane, la nomination de Malik Agar, l’un des signataires des accords de paix de Juba de 2020, comme remplaçant d’Hemetti pourrait donner l’impression que le chef de l’armée se montre conciliant et prêt à trouver une issue au conflit. Eric Reeves, chercheur au Rift Valley Institute, explique néanmoins à L’Orient-Le Jour que cette affectation n’apportera aucun changement substantiel à la dynamique du conflit.

D’où vient Malik Agar ?

C’est une histoire assez complexe. Malik Agar a participé activement à la guerre civile entre le Nord et le Sud à partir de 1983. Élu gouverneur de l’État du Nil bleu, dans le sud-est du pays, il n’est pas un militaire particulièrement compétent. En 2011, il a été destitué par Omar el-Bachir, avant de se retrouver cerné par les forces régulières lancées par le dirigeant soudanais, qui a réussi à s’emparer de la quasi-totalité du Nil bleu. Membre d’une faction de l’Armée de libération du peuple soudanais du Nord, il rejoint alors le groupe révolutionnaire du Darfour et d’autres groupes résistants, principaux signataires des accords de Juba (de 2020, NDLR) censés instaurer la paix dans le pays. Comme d’aures, Malik Agar a voulu intégrer le gouvernement avant le coup d’État de 2021, qui l’a placé dans une position très difficile (car l’armée et les islamistes ont repris le dessus, NDLR). À présent, il semble avoir décidé qu'il valait mieux essayer de changer les choses depuis l'intérieur du Conseil de souveraineté plutôt qu'au sein d'une force rebelle, un changement de trajectoire compte tenu de la position qu’il a prise la majeure partie de sa vie.


Que signifie cette nomination, compte tenu du contexte actuel ?

Sa nomination peut donner l'impression que le Conseil de souveraineté est un organe inclusif, mais en réalité, cela ne change rien par rapport à l’époque où al-Burhane et Hemetti étaient respectivement chef et chef-adjoint. Je pense que nous avons vu, au cours du dernier mois et demi, qu’al-Burhane n’a absolument aucune intention de céder quelque pouvoir que ce soit. Le Soudan est malheureusement voué à rester un régime militaire, d'une manière ou d'une autre.

Le pouvoir a toujours appartenu aux tribus arabes dans la région de Khartoum. Malik Agar est issu d’une ethnie qui n’a jamais eu de pouvoir dans la capitale et ne fait pas partie de l’élite soudanaise. Il n'est pas Arabe, donc je ne vois pas où il serait capable de générer du soutien, même parmi les citoyens opposés au pouvoir en place. Il est possible que certains de ses partisans voient même son entrée au Conseil de souveraineté comme une trahison du peuple et de son propre engagement supposé en faveur de la démocratie.

Car il serait illusoire de penser qu’il fera une différence au sein du Conseil de souveraineté, encore moins face à l'armée et les islamistes. Malik Agar n’en fait pas partie. Il a déclaré dans son autobiographie qu'il n'a découvert qu'il était musulman qu'à l'âge de 8 ans, ayant par ailleurs indiqué que les Soudanais devaient se considérer comme citoyens avant de s'identifier à une religion. Il est notamment honni par de nombreux militaires, qui ne le considèrent pas comme un vrai musulman. À ce stade, il est difficile de voir comment son arrivée au Conseil de souveraineté pourrait faire autre chose que renforcer al-Burhane.


Cette nomination pourrait-elle modifier l'issue du conflit ?

L'armée et les miliciens ont déterminé et déterminent toujours l'avenir du Soudan. La communauté internationale a permis à des hommes forts et militarisés de gouverner le pays pendant longtemps, et ces derniers n'ont jamais eu de comptes à rendre pour leurs atrocités. Dans la lutte actuelle entre les forces de Hemetti et d’al-Burhane, on voit qu’aucune d'entre elles ne se préoccupe de la population. Chacune est engagée dans des tactiques constituant des crimes de guerre et violant le droit international. Le Conseil de souveraineté, qui n'existe plus que de nom depuis le coup d'État d'octobre 2021, n'a pas les moyens politiques ou militaires de s'opposer à ces violences.

Quant à Hemetti, il est méprisé par les Soudanais. Les exactions commises par les FSR confirment l’image que les habitants de Khartoum ont de lui : un homme peu éduqué, qui ne parle pas l’arabe littéraire et n’a aucune légitimité politique, bien qu’il soit parvenu à gravir les échelons du pouvoir. Il n'a jamais bénéficié d'un réel soutien populaire, ce qui rend sa victoire difficile à envisager. Admettons donc qu'al-Burhane finisse par l’emporter : quel serait alors le rôle de Malik Agar ? Il ne fait pas partie de l'armée, et son groupe rebelle n’a jamais participé à un gouvernement. Je ne vois donc pas ce que sa présence pourrait apporter, si ce n’est d’aider al-Burhane à accroître sa légitimité. 

Le général de l’armée régulière al-Burhane a officiellement limogé le chef des Forces de soutien rapide (FSR) Mohammad Hamdane Dagalo, alias Hemetti, du Conseil de souveraineté, l’organe exécutif du pays. C’est aux côtés de ce chef paramilitaire qu’il avait renversé en octobre 2021 le gouvernement civil transitoire qui devait conduire le Soudan vers la démocratie. Mais les...

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