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Nos Lecteurs ont la Parole

Du leadership !

S’il est vrai comme le dit Antoine de Saint-Exupéry que « l’avenir n’est jamais que du présent à mettre en ordre, tu n’as pas à le prévoir, mais à le permettre », alors nous sommes en train de compromettre l’avenir, car aujourd’hui c’est plutôt l’incurie que la mise en ordre qui prévaut. Aussi : à l’heure de nos « binôme et trinôme » qui s’annulent, il nous faut pour exorciser le présent du leadership.

« Leadership, ou primauté : c’est l’influence politique, psychologique et sociale d’un leader », selon la définition admise avec réticence par l’Académie française.

Un politicien n’est pas nécessairement leader au grand dam du Liban mais aussi un leader n’est pas nécessairement un homme politique : le leadership est une position de meneur, attestée, pour parler de la fonction du leader, de la position dominante de quelque chose. « Il définit la capacité d’un individu à mener ou conduire d’autres individus ou organisations dans le but d’atteindre certains objectifs… Un leader est quelqu’un qui est capable de guider, d’influencer et d’inspirer », selon l’École de politique appliquée de l’université Sherbrooke (Québec-Canada).

Autrement dit, le leadership c’est l’influence d’un individu sur un groupe tout en tenant compte du fait que « le leadership, en plus d’être une grande force créatrice peut être diabolique », Jan Smuts (ami de Churchill).

Il y aurait quatre styles de leadership : un leadership de transformation... les idées avant tout ; un leadership d’objectif... définir ensemble une feuille de route ; le leadership d’exemplarité... des valeurs pour la cohésion d’une équipe, d’un groupe; enfin le leadership l’authentique : préserver un climat favorable ainsi que le savoir du pouvoir, quand et comment y renoncer.

Influencer et fédérer un groupe, nécessités absolues pour un président du Liban dont le leadership devrait être celui d’une autorité d’influence et donc basé sur les relations qui doivent être nouées, avec tous les membres du groupe national, pour atteindre un but et redonner au Liban sa place dans le monde et aux Libanais l’espoir. Et ceci dans une nécessaire relation de confiance mutuelle pour une durée limitée.

Pour tout leader c’est d’abord être maître de son destin ; c’est être le chef– synonyme de personne qui mène un groupe, une nation, un pays–, c’est être une tête, un cerveau, et donc un dirigeant, un porte-drapeau aux seules couleurs du cèdre. Il devrait œuvrer avec cette éthique de responsabilité que Max Weber (père de la sociologie politique) entendait comme nécessaire et salvatrice pour tout homme politique.

Mais peut-on parler de leaders, de leadership ou de responsabilité quant à nos dirigeants ?

Se référant à leurs grands électeurs, entre autres l’Arabie saoudite qui à maintes reprises a signifié son intérêt pour les qualités de l’homme et non pour tel ou tel... et les qualités se devant d’être incarnées par un homme, il suffirait à nos dirigeants de le choisir ou plutôt de le laisser être.

Leaders, dites-vous ? Le Liban en a connu dans le passé qui semblent en avoir absorbé toutes les formes :

– Fouad Chéhab qui jouissait de l’autorité suprême et sa marche vers un but : créer un État moderne.

– Camille Chamoun jouant de son charisme et de son charme personnel pour mettre le Liban au cœur du monde.

- Kamal Joumblatt, cerveau et chef traditionnel, comme Kabalan Issa el-Khoury, charmeur et meneur d’hommes..., tous deux leaders nationaux bien au-delà de leur communauté... comme cheikh Mohammad el-Jisr le conciliateur...

Aujourd’hui, nos hommes politiques, de toutes les formes de conjugaison, ne connaissent que la première personne du singulier, ne se souviennent que du présent et futur pour soi : le pays, la nation, le peuple, le futur pour tous, la place de l’État dans le pays et celle du pays dans le monde... menu fretin pour intellectuels – la plus grande injure qui soit pour eux – et grand Dieu non !, ce ne sont pas les intellectuels que nous voulons pour président, ceux que nous voulons : c’est moi ou le vide !

Or « il n’est pas possible d’entreprendre les mêmes actions avec les mêmes personnes et au moyen des mêmes méthodes, et s’attendre à des résultats différents » (Carlos Pierre Eddé, il tient du grand Raymond) lors de la passation des pouvoirs au Bloc national le 18 décembre 2019).

Leadership : c’est l’homme, le leader aux capacités de chef, capacité de dire oui et surtout de dire non...

C’est Frederik De Klerk, le président d’Afrique du Sud qui cède volontairement le pouvoir à Nelson Mandela, ennemi de toujours de l’apartheid par éthique de responsabilité.

C’est un procureur, de ma connaissance, près la cour d’appel d’Aley, soumis à une pression sans précédent quant à sa vision de ce que doit être un juge, qui refuse de fermer le dossier d’un crime perpétré dans le Chouf, malgré la demande pressante du sultan Sélim, frère tout-puissant (et plus puissant) que le président Béchara el-Khoury. Le sultan insiste, mais rien n’y fait : le juge ne cède pas ; les grands moyens sont alors mis en œuvre et le dossier disparaît purement et simplement suite à une infraction survenue la nuit dans les locaux du tribunal ; le jour, le juge présente sa démission avec une lettre circonstanciée citant les faits – raison de son geste qui relevait, pour lui, de son éthique de conviction.

Il paya de sa carrière et de toute carrière dans la fonction publique où il pouvait aspirer aux plus hautes fonctions !

De même que l’ambassadeur Edmond Khayat et quelques autres ambassadeurs qui présentèrent leur démission, lorsque à l’encontre de leur conviction pour le bien de la politique étrangère du Liban, on voulut leur imposer un chef de la diplomatie bien au-deçà de leur attente pour le Liban...

Ne dites pas esprit fort, ou rébellion, mais dites « chapeau bas », pour ces hommes aux convictions profondes qui dépassent leur bien-être, leur carrière ou leur devenir.

« Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie,

ou perdre d’un seul coup le gain de cent parties,

et sans dire un seul mot

te remettre à rebâtir,

si tu peux garder ta tête

quand tous autour de toi

la perde,

alors t’appartiendront la terre, les jours, les ans...

tu seras un homme mon fils. » (R. Kipling).

Et c’est un homme qu’il nous faut au Liban : un président qui soit un homme politique, à la solde de la seule souveraineté de son pays, homme de la conciliation à l’intérieur du pays, amis de tous les grands et petits de ce monde, sans être l’homme de quiconque et dont le leadership, adossé à une éthique de responsabilité, consistera à faire advenir une symbiose entre le Liban et son peuple, ses valeurs, son message et son destin !

« Il arrive que des sages aux heures graves de la méditation perçoivent ce futur qui s’approche.

La clameur mystérieuse des événements en marche leur parvient.

Attentifs ils y prêtent l’oreille.

Alors que dehors, dans les rues, les peuples (et j’ajouterai nos gouvernants) restent. » (Cavafy d’Alexandrie).

Samira HANNA EL-DAHER

Ambassadrice, professeure de géopolitique et de relations internationales

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

S’il est vrai comme le dit Antoine de Saint-Exupéry que « l’avenir n’est jamais que du présent à mettre en ordre, tu n’as pas à le prévoir, mais à le permettre », alors nous sommes en train de compromettre l’avenir, car aujourd’hui c’est plutôt l’incurie que la mise en ordre qui prévaut. Aussi : à l’heure de nos « binôme et trinôme » qui...

commentaires (2)

Il est dommage que vous ayiez oublié, Madame l'Ambassadeur, de citer parmi vos différentes références, le nom et les innombrables actions de feu, Cheikh Farid Dahdah, en tant que Magistrat et plus tard, en tantque Président de la Fonction Publique...!

Salim Dahdah

12 h 27, le 31 mai 2023

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Commentaires (2)

  • Il est dommage que vous ayiez oublié, Madame l'Ambassadeur, de citer parmi vos différentes références, le nom et les innombrables actions de feu, Cheikh Farid Dahdah, en tant que Magistrat et plus tard, en tantque Président de la Fonction Publique...!

    Salim Dahdah

    12 h 27, le 31 mai 2023

  • Cette tarte à la crème d'éthique de responsabilité c'est celle de Michel Aoun, homme prétendument de principes avant 2005, mais qui a jugé que tout compte fait il valait mieux s'allier avec le diable contre lequel il était rentré au pays. C'est celle de certains dirigeants prônant la conciliation avec le zéro absolu, criminel absolu du Kremlin. C'est celle des gros malins.

    M.E

    12 h 45, le 24 mai 2023

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