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Nos Lecteurs ont la Parole

Le fait libanais, la quadrature du cercle

Le conseil de Machiavel pour le prince : « Gouverner, c’est faire croire. »

Que dire des gouvernants arabes en général et des gouvernants libanais en particulier ? Avaient-ils conscience de leurs plans d’action et des conséquences de leurs décisions ? Avec les coups d’État militaires, le peuple ne pouvait que suivre le courant. Loin des règles démocratiques et avec des promesses trompeuses, les gouvernants ne font que prolonger leur diktat et leur pérennité. Ledit printemps arabe n’était qu’un cri de désespoir, un cri de révolte pour protester contre la pauvreté, le chômage, la corruption et la tyrannie des gouvernants. Débutant en Tunisie, ces soulèvements ont essaimé dans les autres pays arabes, entraînant des remous dans tout le Moyen-Orient. Cet espace géographique est le champ de toutes les discordes et de tous les conflits. Tous les pays de cette zone ne connaissent ni la paix, ni le développement, ni un plan de redressement. Les luttes sanguinaires entre les chefs perpétuent l’instabilité et la corruption, et ne présagent d’aucune relève ou d’un plan d’entente. Les luttes sont personnelles et tribales, et non pour une bonne gouvernance. C’est une défaillance au niveau des chefs, de leurs capacités mentales ou bien d’une déviance au niveau de leur jugement et de l’autonomie de leurs décisions. Dans le jeu d’influence entre les nations, nos responsables paraissent le maillon le plus faible. Voyons l’état des différents pays de la région.

L’Égypte, après la vague des Frères musulmans, arrive à peine à se stabiliser.

La Jordanie se maintient dans un équilibre instable.

En Libye, ce sont des luttes tribales et claniques avec la participation de forces étrangères, et malgré sa richesse, le peuple vit dans la pauvreté.

Au Soudan, c’est une lutte entre deux généraux, entre l’armée régulière et des milliers de paramilitaires en nombre égal, sans résultat.

En Somalie, pays de la myrrhe, l’encens et l’or, ce sont les violences tribales qui se prolongent depuis des décennies.

Au Yémen, les violences de colorations tribale et religieuse opposent sunnites et chiites, et leurs tuteurs (Arabie saoudite et Iran), calmés par le dragon chinois.

En Irak, après une invasion meurtrière, les Américains favorisent l’installation des Iraniens, et les tiraillements entre sunnites, chiites et kurdes.

La Syrie éclate en zones d’influences entre la Russie, l’Iran, les Américains, la Turquie et le Hezbollah.

Israël, malgré les secousses intérieures, continue à agresser les Palestiniens, et à harceler la Syrie et le Liban.

En Iran, les mollahs cherchent un amalgame entre Cyrus le Grand et le chiisme duodécimain, et une domination d’autres États quand c’est possible.

En Arabie saoudite, le prince héritier essaie d’avancer, évitant le choc entre la modernité et le wahhabisme.

La Turquie cherche à redessiner l’héritage d’Atatürk en valsant entre le Conseil de l’Atlantique-Nord (OTAN), la Russie et l’Europe.

Les pays du Golfe, occupés par une croissance effrénée, semblent mettre les conflits intérieurs de côté pour le moment. Mais que font les gouvernants ? Aristote nous rappelle que l’homme est un animal politique. Il doit renoncer à une part de naturel en lui pour vivre en groupe, en société. Les animaux peuvent s’organiser en horde, ou une sociabilité, qui dépend de facteurs biologiques et non politiques. Chez l’humain, le langage qui est spécifique à l’homme lui permet d’évoquer avec ses semblables des valeurs morales. Il peut construire une communauté, et collaborer pour la recherche et la découverte pour le bien de l’humanité. Les dirigeants de notre région préfèrent la danse macabre, les guerres, la haine et les luttes personnelles à un stade animal.

Or, pour vivre en société humaine, on doit retenir nos pulsions et favoriser le dialogue. C’est ce que nous enseigne Sigmund Freud. La force de l’intelligence de l’humain est son expression par le langage pour pouvoir coopérer et vivre ensemble.

Pour édifier des normes de vie en commun, chaque être humain a besoin d’un autre humain pour pouvoir exister et créer une société. Dans ce chaos existentiel, nous assistons à un déchaînement des pulsions agressives avec toutes ses colorations. Les dirigeants s’habillent de toutes les appellations en « ismes » pour naviguer d’un extrémisme à un radicalisme ou un intégrisme. Nouvellement, nous vivons l’ambiance du « frérisme », du « wokisme » et du « suprémacisme ». L’ensemble de ces déviances nous éloignent de tout esprit démocratique. La démocratie représentative ne se fera qu’à l’intérieur du respect des institutions qui peuvent canaliser les débats et les contestations. Cela aidera à restaurer les dimensions essentielles de la fiction démocratique que sont la légitimité de la représentation et le respect des élections libres. L’ensemble des citoyens doivent respecter les institutions par lesquelles la démocratie devient effective. Actuellement, nous vivons une mainmise milicienne qui bloque toute démocratie et toute liberté. Cela nous éloigne de la légitimité procédurale des institutions et nous plonge dans la légitimité politique de la rue ou du pouvoir des armes. Pour que la fiction démocratique fonctionne, il faut que les citoyens y croient. Or, au Liban, les citoyens n’y croient plus et la confiance se dégrade.

Notre actualité tourbillonnaire détériore le lien social et le citoyen est à la dérive. L’ère des clans, des chefs de bande, des trafiquants de tout genre ne doit plus continuer. Les rouages de l’État fonctionnent selon le bon vouloir d’un petit chef, d’un petit décideur, d’un profiteur, d’un hors-la-loi. Très peu restent intègres et gardent un semblant d’État. Les responsables jouissent d’un pouvoir, un pouvoir d’agir qui est en réalité une manette virtuelle, mais elle fonctionne pour ceux qui la manipulent. Ils occupent les Libanais avec les prix, le taux du dollar, le manque de médicaments. Ils occupent les Libanais par l’élection d’un président de la République ou les élections municipales. Nos responsables vivent une sidération mentale, ils vivent la situation sans pouvoir réagir et ils bloquent les institutions. Le Parlement et son président jouent à passer le temps, mais avec des déclarations télévisées vides et sans résultats. Le gouvernement démissionnaire et son président sélectionnent les affaires courantes et se cabrent face aux sujets de réformes primordiales. Ces réformes qui nécessitent un consentement pour espérer une relève du pays. Le Liban devient le déversoir des Syriens et des Palestiniens avec la complicité des bailleurs étrangers, et personne ne réagit. On glisse vers le grand remplacement.

Pour reconstituer l’État, un État rassembleur, il faut ouvrir les portes d’un dialogue honnête et rationnel, il faut jeter les ponts d’échanges équitables et positifs loin des positions toxiques. Les personnes neutres dans cette situation d’injustice doivent savoir qu’elles choisissent le camp des agresseurs et des destructeurs du pays. Soyons résolus de ne plus subir pour retrouver notre liberté et devenir acteurs de notre destin. Notre avenir est dans la culture du compromis, et non dans un extrémisme suicidaire. Une culture de l’audace et de la vérité, et non de l’évitement. Une culture de l’élan et de l’espoir. Une culture rationnelle loin de la passiono-dictature. Une culture d’un dialogue serein, et non de discours inflammables et déviants. Les Libanais sont capables du meilleur malgré les tourments de la région, mais avec de nouveaux décideurs. Des équipes qui gouvernent, qui ne font pas semblant et qui ne font pas croire.

Adel AKL

Psychiatre, psychanalyste

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Le conseil de Machiavel pour le prince : « Gouverner, c’est faire croire. »Que dire des gouvernants arabes en général et des gouvernants libanais en particulier ? Avaient-ils conscience de leurs plans d’action et des conséquences de leurs décisions ? Avec les coups d’État militaires, le peuple ne pouvait que suivre le courant. Loin des règles démocratiques et avec...

commentaires (1)

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Eleni Caridopoulou

20 h 54, le 24 mai 2023

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Commentaires (1)

  • ??????

    Eleni Caridopoulou

    20 h 54, le 24 mai 2023

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