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Nos Lecteurs ont la Parole

Article 49 de la Constitution : chef d’État d’entente nationale et non d’un consensus interélite !

Il n‎’y a pas un mot, au Liban, notion politique et juridique, norme élémentaire de la vie publique, qui n’a pas été pollué et manipulé dans des commentaires de légalistes – et non de juristes –, des palabres et des débats télévisés !

La tyrannie de l’opinion dans le monde d’aujourd’hui contribue à la pollution et la corruption de la pensée par des intellectuels sans expérience, et par des citoyens de bonne foi, mais dupes et dupés, et qui contribuent à la propagation de la novlangue, suivant l’expression de Georges Orwell, sans esprit critique, doute méthodique, lucidité, discernement.

Le profil du président (maronite) de la République au Liban est expressément déterminé dans le nouvel article 49 de la Constitution libanaise amendée en 1990. Toute autre qualification est superfétatoire en partant de rapports de force interélite et de prébendes. Art. 49 : « Le président de la République est le chef de l’État et le symbole de l’unité de la patrie. Il veille au respect de la Constitution et à la sauvegarde de l’indépendance du Liban, de son unité et de l’intégrité de son territoire conformément aux dispositions de la Constitution… »

Parler de président consensuel (tawâfuqî) en considération d’équilibres interélites, c’est perpétuer la situation libanaise de souveraineté bafouée, de violation de la Constitution et le désastre actuel dans un Liban de non-droit, tribal, pré-étatique !

Le fondement normatif du consensus national, du pacte, de l’identité nationale, de la shûra dans la philosophie de l’islam pour tout ce qui concerne la vie nationale, c’est la Constitution et sa suprématie.

S’agit-il d’ententes interélites au sommet ? De partage de prébendes? De compromissions sur les quatre fonctions régaliennes (rex, regis, roi) de l’État : monopole de la force organisée avec une armée et non deux armées, monopole des rapports diplomatiques en conformité avec le préambule de la Constitution : « identité et appartenance arabes du Liban », perception et gestion de l’impôt, et gestion des politiques publiques ?

Le responsable au sommet, garant des attributs régaliens de l’État, est le « chef de l’État qui veille au respect de la Constitution ». Non pas la veille sur ses intérêts privés, ceux de sa familia, de sa formation politicienne, ni de ceux qui l’ont fait accéder au sommet de l’État !

Quel est le fondement (fondamentum, base) du consensus libanais ? Partage de prébendes ? Ou contrat social fondateur dans le pacte national et la Constitution ? Tous ceux qui propagent l’idée du président de la République consensuel (tawâfuqî) entendent par là entente interélite, compromission sur la souveraineté qui est par nature dichotomique où la réponse est par oui ou non, et la couverture de l’occupation à la suite de l’accord du Caire de 1969 et ses séquelles, puis de l’accord de Mar Mikhaël du 6 février 2006.

L’obstacle majeur à l’encontre du consensus constitutionnel fondateur en vue de l’élection d’un chef d’État qui « veille au respect de la Constitution » réside dans un imaginaire maronite (nous ne disons pas les maronites) du Petit Liban d’autrefois. Cet imaginaire morbide a fait accéder à l’autorité suprême des cas qui relèvent de la psychanalyse clinique de la sociopathie et du tribalisme pré-étatique. Samir Atallah expose un aspect de cette psyché dans an-Nahar du 15 mars 2023.

La genèse de l’article 49 de la Constitution découle de la plus haute sagesse dans l’accord d’entente nationale de Taëf (Hussein Husseini, Edmond Rizk…), du fait que l’art. 49 institue un roi constitutionnel qui puise sa force de la suprématie de la Constitution, al-Kitâb selon la litanie du président Fouad Chéhab. Il ne s’agit pas de sa force personnelle, ni de sa familia, ni de sa formation partisane, ni d’une alliance contre nature, ni de « taille » (ahjâm) !

Des maronites éminents (d’autres communautés souffrent d’autres considérations en psychologie historique) sont exhortés à un réveil, grâce aux saints, martyrs, penseurs et tout le patrimoine valoriel de partis politiques en vue de retrouver la République, qui signifie chose publique, res publica.

Le chef de l’État au Liban est à l’image du président Fouad Chéhab, le plus incompris des hommes d’État. Il exhibait en permanence le Livre (al-Kitâb). À l’image aussi d’autres chefs d’État au Liban dans des conjonctures difficiles. À l’image aussi du président Bachir Gemayel qui, juste après son élection, proclame : « À partir d’aujourd’hui, nous allons appliquer la loi ! » Aucun fonctionnaire défaillant ne s’est absenté le lendemain de son poste !

Le nouvel article 49 de la Constitution est le fruit d’une gestation laborieuse après l’accord tripartite de Damas du 18/12/1985 et la médiation diplomatique allemande-européenne-vaticane à Munich (24/9 au 3/10/1986). On cherchait à rendre égalitaires les trois plus hautes charges dans la République. Opération impossible, quadrature du cercle et violation du principe de séparation des pouvoirs. Elle rendrait la présidence de la République honorifique ! L’ancien ministre Edmond Rizk affirme : « Si on avait expliqué en profondeur le nouvel article 49, certains l’auraient refusé ! » Que signifie « chef de l’État? ». Dr Daoud Sayegh rapporte comment le président Chéhab s’est fait huissier pour notifier à un ministre qui se dérobe à la convocation à un procès ! (an-Nahar, 31/1/2023).

Notre présentation est-elle idéaliste, utopique ? Oui, pour une psyché libanaise qui ne comprend pas que signifie État, en dépit du désastre libanais actuel, le non-État, pré-État !

Antoine MESSARRA

Ancien membre du Conseil

constitutionnel (2009-2019)

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Il n‎’y a pas un mot, au Liban, notion politique et juridique, norme élémentaire de la vie publique, qui n’a pas été pollué et manipulé dans des commentaires de légalistes – et non de juristes –, des palabres et des débats télévisés ! La tyrannie de l’opinion dans le monde d’aujourd’hui contribue à la pollution et la corruption de la pensée par des intellectuels sans...

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