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Nos Lecteurs ont la Parole

De la fierté à la honte : histoire et destin des Libanais

Il était une fois une histoire, un peuple... Ce peuple existait davantage dans l’imaginaire et les récits que dans la réalité chronologique, mais il était bien réel. Il a inventé l’alphabet, découvert des terres inconnues, conquis sans force, résisté aux invasions, assimilé les connaissances arabes, la sagesse grecque et l’organisation romaine, obtenu une certaine indépendance face à l’Empire ottoman et engendré Gebran... Il a montré à l’Orient et à l’Occident que le conflit peut mener à la réconciliation, portant un « message » pour le monde entier. Il s’est dispersé aux quatre coins du globe pour montrer la richesse de la diversité et de l’intégration. Cependant, ce peuple manque de fierté.

Depuis que la majorité de ce peuple a commencé à chercher une seconde nationalité et une identité parallèle, la fierté des Libanais s’est éteinte. Ce paradoxe existe parce que les raisons de cette fierté ne célèbrent pas suffisamment la vie et l’existence en elles-mêmes, mais plutôt la survie. Comment pouvons-nous rester fiers d’être libanais lorsque nous sommes regardés en même temps avec pitié, méfiance et admiration ? Plutôt que de signer des contrats d’excellence et d’accomplir des performances exceptionnelles à l’étranger, nous cherchons des médicaments ou ouvrons des comptes bancaires ailleurs. Comment pouvons-nous ressentir de la fierté lorsque nos objectifs se limitent à transférer de l’argent à un fils qui étudie à l’étranger, à supplier un marchand de nous procurer un traitement vital ou à projeter constamment la négativité dans les médias et sur les réseaux sociaux sans solutions ni perspectives d’avenir ?

Ces actions n’engendrent pas la fierté, mais une honte infernale et destructrice. Cette honte découle de l’absence d’objectifs et de perspectives. Gebran n’a jamais connu cette honte, car lui, tout comme Qadmous, Fakhreddine et bien d’autres, a essayé d’imaginer un objectif commun, un projet collectif qui donnerait un sens au passé et surtout à l’avenir.

Être fier ou avoir honte n’est que le résultat de la projection qu’un peuple fait dans l’avenir pour savoir si les générations futures lui seront reconnaissantes. Dans le cas du peuple libanais, cette prédiction se rapproche chaque jour de la certitude inquiétante qu’il n’y a pas de place pour la fierté dans notre patrimoine.

Malheureusement, cette honte grandissante ne fera qu’accentuer la migration, la discrimination et le désespoir. Mais il est temps de changer ! En effet, la honte collective ne correspond pas à la fierté individuelle. Chaque Libanais, dans son estime de soi, ressent suffisamment de fierté pour son existence individuelle. Ce qui manque, c’est de partager cette fierté individuelle dans un projet collectif qui englobe toutes les composantes de la nation. Ce projet collectif pourrait émerger intrinsèquement dès demain, être imposé suite à une guerre civile, ou inspiré au peuple par l’extérieur ou par un « héros » encore méconnu... et il nous appartient de choisir quel destin nous attend ! En somme, la fierté sera retrouvée si le génie de ce peuple parvient à forger un projet collectif... mais cette fois-ci, un projet de vie !

Rami BOU KHALIL, MD, PhD

Chef du service de psychiatrie à l’Hôtel-Dieu de France

Professeur associé à la faculté de médecine de l’Université Saint-Joseph

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Il était une fois une histoire, un peuple... Ce peuple existait davantage dans l’imaginaire et les récits que dans la réalité chronologique, mais il était bien réel. Il a inventé l’alphabet, découvert des terres inconnues, conquis sans force, résisté aux invasions, assimilé les connaissances arabes, la sagesse grecque et l’organisation romaine, obtenu une certaine indépendance...

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