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Surexpositions


Bientôt l’été et ses canicules sous l’écrasant, l’éclatant, l’aveuglant soleil du Liban. Mais faisant suite aux orages hivernaux et aux brumes printanières, d’aussi exubérantes profusions de cuisante lumière peuvent-elles vraiment aider à mieux y voir à travers l’inextricable embrouillamini qu’est devenu notre pays ?


La faute n’en retombe évidemment pas sur les seuls acteurs locaux de l’impasse présidentielle, allègrement entrée dans son septième mois. Comme le veut la honteuse tradition, l’opinion publique n’attend pas grand-chose de la faune parlementaire appelée à élire un nouveau chef de l’État : elle n’en escompte aucune initiative sui generis, aucun sursaut national, aucune velléité d’union sacrée pour le sauvetage de la République. Louable est sans doute la conciliatrice tournée des partis politiques qu’a entreprise le vice-président de l’Assemblée, mais elle ne peut faire illusion. Car si le peuple en a assez d’attendre, il est clair que ses élus sont à l’affût de l’inspiration divine, du mot de passe, de la consigne : laquelle ne saurait provenir que du dehors.


Or rarement échéance présidentielle aura eu lieu dans un contexte régional et international aussi mouvant que celui prévalant en ce moment. Les puissances sont accaparées par des dossiers aussi explosifs que la guerre d’Ukraine et la montée en puissance de la Chine, mais certes pas au point de se désintéresser de notre partie du globe. C’est précisément là que bien des paramètres, longtemps figés, se sont soudain mis à valser : impensable réconciliation entre l’Iran et l’Arabie saoudite, retour en grâce du Syrien Assad auprès des États arabes, amorce de dégel turco-syrien et même discrètes tractations syro-américaines.


Tous ces développements pouvant augurer d’une entente extra-libanaise, notre pays doit-il s’en féliciter ou s’en alarmer ? C’est la question qui, par ces temps de misère, taraude légitimement tout Libanais en âge de raisonner. En attendant (car, à son tour, le citoyen n’a d’autre choix que d’attendre), c’est cette même et harmonieuse, séduisante rengaine que nous servent, à quelques variantes près, les grands électeurs étrangers : vite, un président made in Lebanon. Comme il est de bonne guerre et à des degrés divers de crédibilité, tous ceux-là se défendent de pistonner un quelconque prétendant au titre ; il est vite apparu pourtant que la France soutenait, du moins à ce stade, le candidat du Hezbollah : lequel est forcément celui de l’Iran. Pour leur part, les États-Unis ont ajouté une préqualification de taille (et fort bienvenue) au cahier des charges standard en se prononçant pour l’élection d’une personnalité non suspecte de corruption. Mais c’est l’Arabie saoudite qui vient de faire sensation en soulignant, par la bouche de son très actif ambassadeur, qu’elle n’oppose de veto à personne.

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Pour matraquées à outrance, puis fébrilement décortiquées à Beyrouth, que soient toutes ces prises de position, on est donc loin d’en avoir fini avec le flou, le clair-obscur et autres zones grises enveloppant cette fantomatique présidentielle. Mais n’est-ce pas la même et funeste surexposition médiatique qui vient plomber – et envenimer – la moindre péripétie de la vie publique dans notre charmant pays ?


Que l’on me passe cette digression, mais significative est à ce propos l’affaire de la magistrate Ghada Aoun, démise de ses fonctions jeudi par le Conseil disciplinaire de la profession. La procureure du Mont-Liban s’était posée en justicière revêtue de sa blanche armure et montant à l’assaut des forteresses de la corruption. Le rêve, quoi, si ce n’est qu’elle cachait mal ses attaches partisanes, qu’elle n’était pas habilitée à se saisir de dossiers financiers et qu’elle prenait des libertés avec la procédure, prenant grand soin ainsi de se faire accompagner de caméras de télévision lors de ses perquisitions sauvages. La télé n’a pas peu contribué à façonner l’image très controversée de Ghada Aoun. Retour de bâton, c’est à nouveau l’œil cruel de la caméra qui captait jeudi, dans toute son hystérique ampleur, le probable et pitoyable naufrage d’un feuilleton qui se voulait de légende.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Bientôt l’été et ses canicules sous l’écrasant, l’éclatant, l’aveuglant soleil du Liban. Mais faisant suite aux orages hivernaux et aux brumes printanières, d’aussi exubérantes profusions de cuisante lumière peuvent-elles vraiment aider à mieux y voir à travers l’inextricable embrouillamini qu’est devenu notre pays ? La faute n’en retombe évidemment pas sur les seuls...