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Parlez à notre intelligence


Quand on nous disait que le Liban était fini et que tout restait à refaire, nul n’imaginait qu’il nous faudrait reprendre la tâche à partir de la préhistoire. Aurait-on jamais cru un Nagib Mikati homme d’affaires aguerri, Premier ministre bardé de diplômes, de l’Insead à Harvard capable de ce coup d’impro sur le changement de l’heure ? Il savait, pourtant, que ce genre de perturbation, ajouté au chaos ambiant, ne pouvait être infligé au pied levé ni aux gens ni aux entreprises. Il savait aussi que le passage à l’heure d’été, tout comme le maintien de l’heure d’hiver, n’avancerait ni ne retarderait l’aube et le crépuscule de l’horloge cosmique. Ce qu’il n’a pas anticipé, en revanche, est la levée de boucliers confessionnelle que cette faveur falsifiée offerte aux jeûneurs du ramadan allait provoquer. Il s’est pourtant soumis. On a entendu des discours véhéments sur l’heure chrétienne et l’heure musulmane, d’autres racistes et honteux sur le soi-disant progrès des uns et l’attardement des autres. Le chef du gouvernement démissionnaire de l’État sans président s’est finalement plié à ce que dictait la raison. Aujourd’hui, nous nous remettons banalement à l’heure de nos engins connectés.


Le plus étonnant est qu’aucune voix autorisée ne s’est fait entendre pour dénoncer l’aspect simplement pragmatique du problème et le désordre qu’allait produire cette initiative aussi superflue qu’impréparée. Mikati lui-même, pour se dédouaner de sa complaisance envers le président du Parlement et de cette décision inopportune relevant du bon plaisir de ce dernier, n’a pas trouvé mieux que d’adopter une posture victimaire. On aurait aimé entendre, au lieu de pathétiques jérémiades, de vraies excuses pour le cafouillage des systèmes informatiques, la perturbation des rendez-vous médicaux, du rythme scolaire et universitaire, des horaires des vols, entre autres.


Mais non, c’est compter sans le populisme qui est devenu chez nous la seule manière de gouverner. Rares sont les membres de la classe politique actuelle qui ont l’élégance de s’adresser à l’intelligence des gens plutôt qu’à leurs émotions. Le pire est que ça marche. Il suffit d’un mot sanglant pour assoiffer les foules. Les foules sont imbéciles. Il est triste de constater à quel point ce travail au corps et au cerveau les impacte, à quel point leur clivage se creuse et le fantasme d’un pays fragmenté les séduit. C’est pourtant avec les mêmes qu’elles poursuivront leur chemin de misère. Ils régneront sur leurs cailloux, elles joueront la vermine.


Existe-t-il d’autre forme de liberté que la liberté de penser ? C’est de cette liberté-là qu’avec leurs discours haineux et leur manque d’enthousiasme à entamer les réformes attendues, les responsables populistes s’acharnent à priver un grand nombre de Libanais. Les communautés font le reste, liberticides par excellence, soumises à leurs clergés respectifs à défaut de se réclamer d’une citoyenneté effective. On a vu, la semaine dernière, l’effarant arrangement entre un époux et son beau-frère, lequel s’est cru obligé de clamer qu’il aurait volontiers tiré lui-même sur sa propre sœur si le mari de cette dernière ne l’avait pas fait. Et de remercier l’assassin. La loi du groupe. L’aveuglement des traditions.


Ce n’est pas la pauvreté qui nous tue, ni la faim. C’est l’effacement rapide de centaines de milliers d’années d’une lente et laborieuse construction de nos valeurs humaines, d’une longue progression par essai et erreur vers un modèle de société viable pour tous. Au lieu de quoi, nous nous rendons irrespirable l’air d’un pays qui avait tout pour être merveilleux.

Quand on nous disait que le Liban était fini et que tout restait à refaire, nul n’imaginait qu’il nous faudrait reprendre la tâche à partir de la préhistoire. Aurait-on jamais cru un Nagib Mikati homme d’affaires aguerri, Premier ministre bardé de diplômes, de l’Insead à Harvard capable de ce coup d’impro sur le changement de l’heure ? Il savait, pourtant, que ce genre de...

commentaires (6)

Ah oui, en plus j'ai oublié de vous dire chere madame que tout porte à croire que vous vivez sur une autre planète .

Hitti arlette

17 h 23, le 30 mars 2023

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Commentaires (6)

  • Ah oui, en plus j'ai oublié de vous dire chere madame que tout porte à croire que vous vivez sur une autre planète .

    Hitti arlette

    17 h 23, le 30 mars 2023

  • Arrêtez le faux-semblant de laïcité dans un pays où une communauté entière est en train d'être ignorée et méprisée par d'autres plus grandes en "nombre".

    Hitti arlette

    17 h 18, le 30 mars 2023

  • Vous surestimez de beaucoup l'intelligence de ces personnages. D'ailleurs vous vous trompez sur les diplômes de Mikati

    M.E

    09 h 43, le 30 mars 2023

  • Amen

    Hanna Rana

    07 h 38, le 30 mars 2023

  • Pour parler à l’intelligence d’autrui, encore faut-il en avoir soi-même…

    Charles Ghorayeb

    05 h 16, le 30 mars 2023

  • Tres bien dit! Merci.

    Sabri

    03 h 08, le 30 mars 2023

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