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Lifestyle - La Mode

Sandra Mansour, une collection plongée dans un été beyrouthin

À la croisée de deux cultures et amoureuse de Beyrouth, Sandra Mansour ne cherche pas à construire de pont entre deux rives mais reconnaît volontiers une fusion : celle des embouchures où les rivières mélangent leurs eaux douces à l’eau salée des océans. La collection printemps/été 2023 est ainsi baptisée « Estuaire ».

Sandra Mansour, une collection plongée dans un été beyrouthin

Le modèle « Calder 1898 », robe midi en crêpe Georgette imprimé de camaïeux de beige et de bleu, complété par des gants d’opéra de mêmes nuances. Photo Aly Saab

« Pour cette collection été 2023, j’avais envie de quelque chose de très souple, aérien, qui voltige et où l’on sente le vent, dans l’esprit intemporel et léger des œuvres de Calder. Cela se traduit en plumes, en drapés… Tout comme la palette et les impressions, les dessins des broderies, notamment la spirale de cristaux de la robe A Universe, sont purement “caldériens” », confie Sandra Mansour. Au-delà de ces robes scintillantes, délicates, fragiles, transparentes, mais au caractère si trempé qu’elles s’associent facilement à des bottes et cuissardes, c’est Beyrouth, sa ville, que célèbre la créatrice en arrière-plan.

Les collections de Sandra Mansour expriment le plus souvent un style éthéré, une complexité en apparence facile mais qui, à seconde vue, révèle des détails inattendus. Photo Aly Saab

Aventures beyrouthines

La collection a été mise en scène dans une série de cinq minividéos intitulée From Beirut to Beirut, où les robes prennent vie, en immersion dans la capitale libanaise. Dans la première, le mannequin Malaika Holmen, sublime brune au corps de liane, esquisse un déhanché au milieu d’une route bordée de végétation sauvage. Elle traverse et poursuit sa danse pour personne devant un écheveau de bougainvillées. Elle porte le modèle Lunar Masquerade, robe longue à manches longues et ouverture dans le dos, en crêpe beige et éclats de cristaux miroirs, en pluie, brodés main.

C’est Beyrouth, sa ville, que célèbre la créatrice en arrière-plan. Photo Aly Saab

Dans la deuxième vidéo, c’est une Malaika déterminée, presque en colère, qui avance sur la même route bordée de buissons, à l’ombre de la ligne d’horizon de la ville, se retrouve à la fenêtre d’une voiture, boudeuse, et puis ressurgit devant la mer, poursuivant sa danse intime. Elle porte le modèle Calder 1898, robe midi en crêpe Georgette imprimé de camaïeux de beige et de bleu, complété par des gants d’opéra de mêmes nuances. Le troisième minifilm saisit Malaika sur le toit d’une habitation en béton décrépi, à même la plage. Elle poursuit sa danse dans les feux du crépuscule, plus libre cette fois, avec des mouvement plus amples, bras vers le ciel, vent dans les cheveux et les voiles. Elle porte un ensemble vert eau. Sa veste brodée de cristaux fait écho au scintillement des vagues. Dans le quatrième clip, Malaika semble prendre les lumières froides de l’heure bleue à témoin de sa belle liberté. Celle de danser sur les rochers où viennent mourir les dernières vagues avec le jour. Sa robe blanche drapée, modèle Water Body, éclatante jusqu’à la fluorescence, ne fait qu’une avec le paysage. La cinquième vidéo nous transporte au seuil de la nuit où Malaika danse encore sa danse comme un monologue intérieur. Sa robe A Universe est le clou de cette collection où le mouvement est roi, tantôt figé, tantôt mobile. La jeune femme s’offre une glace qu’elle entame au seuil de la devanture bariolée du vendeur. Le jour est comme aspiré par l’obscurité que seuls éclairent les reflets des cristaux de la robe, soulignant, entre lignes verticales brouillées et spirales graphiques, la matière transparente d’un organza précieux.

Malaika Holmen sur le toit d’une habitation en béton décrépi, à même la plage. Photo Aly Saab

« Tourner la vidéo De Beyrouth à Beyrouth avec une caméra Hi Sony 8 a été une expérience incroyable qui a rassemblé une équipe talentueuse de créatifs », s’enthousiasme Sandra Mansour. Dirigée par le réalisateur Alexander Abdallah, le mannequin Malaika Holmen, le photographe Aly Saab et le label Habibifunk, la série de vidéos montre de la ville des images étonnantes. Celles-ci, associées à une musique magnétique de Charif Megarbane, capturent l’essence de la ville et de ses habitants. Un échange de propriétés s’opère entre la ville et les robes. Cette osmose est soulignée par le flou que produit un matériel photographique analogique, obsolète, sur lequel ont pourtant été archivées des milliards d’images de la fin des années 1990 avant le passage au numérique. « L’ensemble de l’expérience a été un véritable témoignage du pouvoir de la collaboration et des résultats incroyables que l’on peut obtenir en travaillant avec une équipe de personnes passionnées et talentueuses », insiste la créatrice, qui retrouve dans ce travail l’atmosphère exacte qu’elle a recherchée pour présenter cette collection.

Le mannequin Malaika Holmen, sublime brune au corps de liane, esquisse un déhanché au milieu d’une route bordée de végétation sauvage. Photo Aly Saab

Style éthéré et fausse complexité

Deux ou trois choses que l’on sait sur Sandra Mansour : elle est née et a grandi à Genève, ses parents ayant fui le Liban pour la Suisse pendant la guerre civile libanaise. Revenue à Beyrouth avec sa famille à l’âge de treize ans, elle s’y établit jusqu’à ses dix-huit ans, avant de repartir à Genève où elle est inscrite en gestion d’entreprise à l’Université Webster. Avec, en poche, le diplôme qui rassure son père, elle veut s’adonner à sa passion pour les arts et enchaîne avec une nouvelle formation aux Beaux-Arts de Genève avant d’être admise en stylisme dans les ateliers d’Élie Saab. Elle obtient par la suite une maîtrise en design de mode à l’Istituto Marangoni à Paris et fonde sa maison de couture éponyme à Beyrouth en 2010. Son atelier et son showroom sont sérieusement endommagés lors de l’explosion de Beyrouth le 4 août 2020. Le même mois, cependant, paraît sa collection Fleur du soleil créée en collaboration avec le géant suédois de la fast fashion H&M, qui versera pour l’occasion 100 000 $ des bénéfices à la Croix-Rouge libanaise.

Un échange de propriétés s’opère entre la ville et les robes. Photo Aly Saab

Les collections de Sandra Mansour expriment le plus souvent un style éthéré, une complexité en apparence facile mais qui, à seconde vue, révèle des détails inattendus. Passionnée d’art, la créatrice libanaise n’a de cesse de mettre en avant les grandes signatures féminines de l’histoire de l’art. Passionnée d’occultisme et de surréalisme, son esthétique en est souvent inspirée, toujours sur un mode optimiste et léger.

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