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Culture - En librairie

Les pensées obsessionnelles au cœur du premier roman de Salim Mrad

« Muffins », récit découpé en trois nouvelles se déroulant toutes au Liban, est le premier roman de Salim Mrad. Ce jeune auteur-réalisateur voit sa publication comme l’aboutissement d’un processus entamé en 2019.

Les pensées obsessionnelles au cœur du premier roman de Salim Mrad

Salim Mrad : « Si je parle de ce qui me touche vraiment, je suis presque sûr de pouvoir vous toucher. » Photo N.V.

Les muffins, ces petits gâteaux bombés et tendres dans lesquels se cache parfois encore plus de douceur sous forme de pépites de chocolat ou de myrtilles.

Loin de faire référence aux après-midi dans la maison familiale ou à des goûters d’anniversaire avec ses camarades de classe, Muffins, le titre du livre de Salim Mrad, est une métaphore faisant référence à des troubles obsessionnels. Ce surnom, Mrad le tire d’une anecdote personnelle qu’il a décidé d’expliquer dans la préface de son livre, cassant le code littéraire qui veut que cette partie introductive soit écrite par quelqu’un d’autre que l’auteur. Bien qu’il précise que cela ne correspond pas à ses valeurs littéraires, Mrad ajoute que cette décision s’est imposée à lui pour permettre une contextualisation du titre.

La couverture de « Muffins » de Salim Mrad. DR

L’ouvrage est découpé en trois nouvelles, se déroulant toutes au Liban. Marlène, une cheffe cuisinière dans un établissement scolaire beyrouthin, décide de porter plainte contre elle-même. Un photographe, Wissam, attend des années que son jeune voisin du dessous grandisse afin de lui poser une question qui l’obsède. Un autre homme, Iyad, perd l’amour de sa vie à cause d’une manie qu’il a au volant. Ces trois histoires que rien ne relie au premier abord constituent le premier roman de Salim Mrad. Ce jeune auteur-réalisateur voit sa publication comme l’aboutissement d’un processus entamé en 2019. L’écriture de son roman s’est achevée lors de la thaoura libanaise qui a débuté en octobre de la même année. À l’époque, l’auteur voit difficilement comment contourner le contexte et finit par l’intégrer dans sa dernière nouvelle. L’environnement sociétal évolue donc au fil du roman sans que celui-ci n’influence les obsessions des personnages. Alors qu’il est lui-même atteint d’idées obsessionnelles depuis son adolescence, écrire sur le sujet a été pour Salim Mrad une manière de les appréhender. « C’est un psychanalyste libanais, Mohammad Tall, qui est inspiré par Lacan, qui parlait de transformer la souffrance en symptôme. Le symptôme, cela peut être une création artistique. Au lieu d’essayer de supprimer ce symptôme, il s’agit là de le transformer en autre chose. Ces nouvelles m’ont permis d’aller plus loin, de dialoguer avec mes obsessions de tous les jours et de les pousser à l’extrême pour qu’il y ait une sorte de basculement », confie l’auteur. Loin du lexique psychiatrique, les compulsions sont abordées dans un vocabulaire simple et accessible. La construction narrative pourrait, elle, être plus difficile à appréhender, le narrateur changeant au sein d’un même chapitre. Pourtant, c’est ce qui permet d’entrer dans l’intimité et le psychisme des personnages. La plume de Mrad flirte, sur certains points, avec l’abstrait, ce qui rend la dernière nouvelle conceptuelle.

L’idée est là, nous avons toutes et tous nos « muffins ». La principale réflexion émise dans le roman explore ainsi à quel point le sentiment de culpabilité et la peur de nuire à l’autre peuvent occuper l’esprit d’une personne. « C’est de l’imaginaire, mais si une identification à des personnages permet de soulager les lecteurs, alors tant mieux. Ce que je sais aussi, c’est que le Covid-19 et la double explosion du port sont venus exacerber ce qui serait resté à l’état latent. L’anxiété augmente et nos peurs surgissent et prennent une autre dimension. Dans ce sens-là, ces dernières années, le Liban a été frappé par de nombreuses plaies », précise Salim Mrad.

La famille occupe une place importante dans son roman, mais aussi dans son art en général. « Si je parle de ce qui me touche vraiment, je suis presque sûr de pouvoir vous toucher. Si je parle à demi, ça rate, et si je parle de ce que je ne connais pas, on peut tomber dans l’exotisme. Mieux vaut commencer par parler de ce que l’on connaît. Ce que l’on connaît, c’est sa famille, soi-même, son quartier », détaille Salim Mrad. Dans l’ensemble des récits du livre, la famille est présente en arrière-plan, comme pour rappeler que tout part de là. « La famille, c’est la plus petite cellule collective. Si on arrive à la déconstruire, pas par méchanceté mais au contraire par amour, parce qu’on croit à ce qui est irréductible dans cette cellule-là, c’est une manière de lui proposer une renaissance », conclut Salim Mrad.

« Muffins », roman obsessionnel en trois mouvements de Salim Mrad, aux éditions les Impliqués.

Les muffins, ces petits gâteaux bombés et tendres dans lesquels se cache parfois encore plus de douceur sous forme de pépites de chocolat ou de myrtilles.Loin de faire référence aux après-midi dans la maison familiale ou à des goûters d’anniversaire avec ses camarades de classe, Muffins, le titre du livre de Salim Mrad, est une métaphore faisant référence à des troubles...

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