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Politique - Justice

Six heures d’interrogatoire de Riad Salamé par les juges européens

La chef du contentieux de l’État, Hélène Iskandar, s’est portée partie civile en France, indique à « L’Orient-Le Jour » une source judiciaire.

Six heures d’interrogatoire de Riad Salamé par les juges européens

Un important déploiement de l’armée autour du secteur du Palais de justice, hier. Photo Hussam Shbaro

Le déploiement des forces de l’ordre était impressionnant hier à 10h30 aux abords du Palais de justice. Arrivé dans un cortège de voitures noires, sous haute escorte, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, s’est rendu au 5e étage du bâtiment, où il est entré seul dans la salle du Conseil d’État pour être auditionné en tant que témoin dans le cadre des enquêtes européennes sur des malversations financières présumées.

C’est la première fois que le gouverneur de la BDL comparaît face aux juges européens, dont c’est le second voyage au Liban. Mercredi, il avait refusé de faire le déplacement : son avocat avait présenté des exceptions de procédure qui avaient été rejetées par le premier juge d’instruction près la cour d’appel de Beyrouth, Charbel Abou Samra, qui exécute les commissions rogatoires européennes. C’est ainsi qu’une nouvelle séance avait été fixée pour le lendemain. Pendant près de six heures, entrecoupées par des pauses de dix minutes toutes les deux heures, Riad Salamé a répondu à 100 questions préparées à l’avance par les enquêteurs européens, que lui a posées en langue arabe le juge Abou Samra. Ce dernier devrait lui adresser 100 autres questions lors d’une audience prévue aujourd’hui, avant que les magistrats européens ne regagnent leurs pays samedi matin. Ils reviendront plus tard pour l’interrogatoire du frère et de l’assistante du gouverneur de la BDL, Raja Salamé et Marianne Hoyek.

Des informations avaient circulé que lors de l’audience, le ton était monté à l’intérieur de la salle, mais elles semblent être inexactes. Une source judiciaire haut placée a en effet affirmé à L’Orient-Le Jour que le climat n’était pas tendu, et qu’en tout état de cause, la pièce où s’est déroulée l’audience est située au bout d’un long couloir, auquel seules les parties concernées avaient accès. Aucun son ne pouvait donc s’en échapper et être audible depuis l’extérieur.

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Principale membre de la délégation européenne, la juge d’instruction française Aude Buresi représentait son pays, mais aussi la Belgique et le Luxembourg. Elle était accompagnée de magistrats et de cadres de l’ambassade de France, d’un interprète et d’un greffier. L’Allemagne était pour sa part représentée par son consul au Liban. Il était accompagné de deux enquêteurs et d’un interprète de son pays. Le magistrat allemand qui avait fait partie de la délégation des enquêteurs européens s’étant rendue à Beyrouth en janvier dernier a été muté sans être remplacé. Également présente, la chef du contentieux de l’État, Hélène Iskandar, qui s’était portée partie civile mercredi dernier dans le cadre d’une plainte de la justice libanaise contre Riad Salamé, était entourée de trois magistrats, Reem Hajjar, Jad Hachem et Alvin Abou Diwan.

Les voitures sortant du Palais de justice à la fin de l’interrogatoire du gouverneur de la BDL. Photo Hussam Shbaro

À huis clos

L’audition s’est déroulée à huis clos, et pour maintenir le secret de l’enquête, aucune question ou réponse n’a été dévoilée. Une source judiciaire a affirmé à l’AFP que Riad Salamé « a réfuté tout soupçon de blanchiment d’argent ». Un magistrat se contente de dire à L’OLJ que chaque réponse était « utile ». Selon lui, les questions étaient très « pointues ». Dans ce cas, pourquoi Riad Salamé n’était-il pas accompagné d’un avocat pour l’assister ? Le magistrat interrogé affirme que c’est à titre personnel que les questions ont été adressées au gouverneur de la BDL. Même si un avocat était présent, Riad Salamé n’aurait pas été autorisé à le consulter avant de répondre. Il n’aurait pas été non plus permis à l’avocat de donner des réponses à la place de son client. Un autre magistrat estime pour sa part que « le fait que Riad Salamé se soit présenté seul est une stratégie pour fortifier sa position à l’égard des enquêteurs européens », dans une allusion au fait que le gouverneur clame son innocence face à toutes les accusations portées contre lui.


Une source judiciaire affirme par ailleurs à L’OLJ que la chef du contentieux de l’État s’est portée hier partie civile dans le cadre de l’enquête menée en France. La juge d’instruction française l’aurait récemment avertie que si l’État ne portait pas plainte, les biens de Riad Salamé et de ses proches, qui seraient confisqués en cas de condamnation, ne pourraient pas bénéficier au Liban, mais aux deux associations plaignantes, Sherpa et le Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban. La responsable de contentieux et de plaidoyer à Sherpa Chanez Mensous affirme à L'Orient-Le Jour que les biens confisqués en Europe ne peuvent en aucun cas en Europe ne peuvent en aucun cas bénéficier aux associations qui se sont portées parties civiles dans l'affaire. "Nous n'avons pas vocation à récupérer les fonds puisqu'aucune voie de droit ne nous le permet", affirme Mme Mensous. "L'obligation de restitution qui incombe a l'Etat français est destinée à la population libanaise et non a la société civile française", ajoute-t-elle, soulignant que l'association Sherpa a mené un combat pendant plus de 20 ans pour aboutir en 2021 a l'adoption d'une loi visant a créer un mécanisme de restitution des avoirs de corruption aux populations spoliées".

Toujours selon la source judiciaire citée plus haut, la magistrate française aurait précisé à Hélène Iskandar que si le gouvernement n’a pas de quoi payer un avocat pour le défendre en France, le droit français a prévu une aide judiciaire : le bâtonnier français pourrait désigner pour l’État libanais un avocat sans contrepartie financière. Mme Iskandar aurait fait part au ministre des Finances, Youssef Khalil, de la proposition de la juge Buresi et a insisté sur la nécessité de porter plainte. Mais à ce jour, M. Khalil ne semble pas lui avoir répondu, suivant les informations de L’OLJ. La plainte de Mme Iskandar à l’étranger ne constitue pas une surprise, d’autant qu’une source judiciaire avait fait état, il y a deux jours, de sa volonté d’accepter l’aide du bâtonnier français et de se porter partie civile en France.

On se retrouve dans une situation singulière où le défendeur de l’État attaque en justice le gouverneur de la banque centrale de ce même État. Un magistrat répond à cette remarque en notant qu’« un responsable de l’État n’est pas l’État ». Pour lui, il est « évident » que le Liban doit obtenir des dommages et intérêts pour les préjudices qu’il subit en raison d’actes de corruption, comme le blanchiment d’argent ou l’enrichissement illicite, qui seraient perpétrés par un responsable de l’État.

Le déploiement des forces de l’ordre était impressionnant hier à 10h30 aux abords du Palais de justice. Arrivé dans un cortège de voitures noires, sous haute escorte, le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, s’est rendu au 5e étage du bâtiment, où il est entré seul dans la salle du Conseil d’État pour être auditionné en tant que témoin dans le cadre des...

commentaires (13)

Dans Le Monde d'aujourd'hui : "Eurojust, l’organisation de coopération judiciaire de l’Union européenne, a annoncé, en mars 2022, le gel de 120 millions d’euros d’avoirs – des propriétés et des comptes en banque – appartenant à Riad Salamé et à quatre de ses proches en France, en Allemagne, au Luxembourg, à Monaco et en Belgique. La justice helvète avait déjà gelé les avoirs de Riad Salamé et de son frère cadet, Raja." Comme on dit, il ne l'emportera pas (son magot détourné) au paradis !

Ca va mieux en le disant

20 h 20, le 17 mars 2023

Tous les commentaires

Commentaires (13)

  • Dans Le Monde d'aujourd'hui : "Eurojust, l’organisation de coopération judiciaire de l’Union européenne, a annoncé, en mars 2022, le gel de 120 millions d’euros d’avoirs – des propriétés et des comptes en banque – appartenant à Riad Salamé et à quatre de ses proches en France, en Allemagne, au Luxembourg, à Monaco et en Belgique. La justice helvète avait déjà gelé les avoirs de Riad Salamé et de son frère cadet, Raja." Comme on dit, il ne l'emportera pas (son magot détourné) au paradis !

    Ca va mieux en le disant

    20 h 20, le 17 mars 2023

  • @ibn khaldoun... je vous le confirme, de source autorisée ?

    Ca va mieux en le disant

    20 h 16, le 17 mars 2023

  • De source bien informée, l'information essentielle concernant cette première session est que les karabije servis n'étaient pas frais, mais cette même source confirme que les juges étrangers ont beaucoup aimé le knéfé du vendredi matin...

    IBN KHALDOUN

    18 h 49, le 17 mars 2023

  • IL SERT DE BOUC EMISSAIRE PAR LES AUTRES CORROMPUS, VOLEURS, ESCROCS, MAFIEUX ETC... ETC... ETC... GOUVERNANTS ET LEURS CLIQUES COMPLICES POUR QU,EUX ILS CONTINUENT A PRATIQUER ET A VOLER CE QUI RESTE... S,IL EN RESTE... DE PEU DE SOUS DANS LES DEPOTS DU PEUPLE LIBANAIS, RESIDENTS ET DIASPORA, ET TOUS CEUX QUI AVAIENT CONFIANCE EN LES BANQUES DES PREDATEURS BANQUIERS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 45, le 17 mars 2023

  • Bonjour OLJ, Petite question, vous n'avez pas une astuce pour nous permettre de faire un petit like à un commentaire que l'on trouve judicieux ou pertinent, sans faire d'autres commentaires répétitifs? Juste un pouce levé pour montrer qu'on aime ou qu'on abonde dans le sens du commentateur. Ce serait pas mal.

    Roborm

    09 h 34, le 17 mars 2023

  • Excusez le lapsus: je voulais dire EDL, et non BDL, en parlant des nouvelles factures...

    Georges MELKI

    09 h 23, le 17 mars 2023

  • La justice l'a eu sous la main, au palais du meme nom ? Et l'a relache ? Ca confirme que nos juges sont de sinistres guignols !

    Michel Trad

    09 h 22, le 17 mars 2023

  • De la poudre aux yeux, des ronds de manche inutiles. Si les européens, France, Suède, Royaume uni, Suisse, Grèce, les USA ...cherchent vraiment à soutenir le Liban, à éradiquer la corruption et ses conséquences pour le pays, ils ouvriraient une enquete sur les fortunes que les dirigeants libanais ont en leur nom propre ou par prete-nom fictif, envoyé dans leur pays respectif. Et sans justificatifs plausibles, dénoncer ces (ir)responsables et renvoyer ces sommes dans le pays d'origine après sanctions pour fraudes caractérisées, détournement et blanchiment d'argent, Si la Justice libanaise est muselée et ou corrompue, il existe mille et une façons d'enrayer la fuite des capitaux si on veut s'en donner le courage et la peine. Mais, ces pays cités et tant d'autres bénéficiaires ont-ils réellement envie de le faire??? Quand un dirigeant libanais possède des entreprises commerciales prospères en son nom propre dans des pays comme le Royaume uni, la Suède, la Suisse, la France et les Etats-Unis, il est du devoir de ces pays prétendument démocratiques de s'assurer de l'origine de ces richesses, surtout à partir des années de guerre à ce jour. Et ma conviction profonde est que M. Riad Salameh qui est loin d'etre un idiot, n'est pas, et de loin, le plus corrompu de cette mafia, mais il la couvre par son silence et par omission. Le pauvre, il a interet. Sinon, panpan...run, Riri, run...

    Roborm

    09 h 02, le 17 mars 2023

  • La nasse se referme, inéxorablement !

    Ca va mieux en le disant

    08 h 44, le 17 mars 2023

  • J'espère qu'il est le premier de la liste et qu'ensuite on verra défiler toute la bande de voyous qui se sont engraissés durant des décennies, en toute impunité. Il faut leur dégager de la place dans les prisons les plus sordides afin qu'ils touchent enfin à la misère dans laquelle baignent 80% des libanais.

    Citoyen

    08 h 38, le 17 mars 2023

  • "On se retrouve dans une situation singulière où le défendeur de l’État attaque en justice le gouverneur de la banque centrale de ce même État." Ah, vous croyez que c'est la seule "situation singulière" dans ce pays de merde? Donnez-moi une seule situation qui ne soit pas singulière, à commencer par l'existence d'une "résistance" armée, qui a pour but non la libération de son pays d'origine, mais celle d'un autre pays! Ou l'existence de cinq taux de change différents pour le dollar contre la livre libanaise? Ou le fait qu'un organisme d'Etat, comme BDL, n'accepte pas les chèques pour régler ses nouvelles factures, et insiste pour "les livres fraîches", alors que les banques limitent la somme que le pauvre déposant peut retirer à un plafond ridiculement bas? Inutile de continuer, je pense...

    Georges MELKI

    08 h 18, le 17 mars 2023

  • Un bon pas..... Il s'agit de faire de meme avec tous les politiciens, surtout avec ceux qui ont tenu les ministeres et les grands mafieux et ex-warlords.....

    Sabri

    04 h 04, le 17 mars 2023

  • Comment peut-on expliquer cette farce, cette absurdité et cette imposture? Qu'une personne poursuivie par plusieurs pays européens et par l'État libanais lui-même pour détournement de fonds, corruption, enrichissement illicite, blanchiment d'argent...... reste à son poste de Gouverneur de la Banque centrale d'un pays qu'il a mené à l'effondrement financier total par sa gestion catastrophique et ses complicités avec la mafia politique et bancaire? À voir le cortège de voitures de luxe enfumées et blindées qui l'accompagnait à son arrivée au Palais de Justice, on n'aurait jamais cru se trouver dans un pays failli du quart-monde où 80 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et où le salaire moyen est devenu égal à 50 $ par mois. Rien que ce cortège et cette escorte auraient pu nourrir 1000 bouches pendant une année entière. Mais que ne ferait-on pour protéger un grand commis de l'État qui a fait bénéficier de ses largesses toute la classe politico-bancaire qui a ruiné le pays au cours des 30 dernières années ou qui à tout le moins a fermé les yeux sur toutes ses magouilles et ses combines?

    Georges Airut

    03 h 23, le 17 mars 2023

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