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Nos Lecteurs ont la Parole

Renouveau et authenticité : nouveaux objectifs de l’enseignement préuniversitaire

Renouveau et authenticité : nouveaux objectifs de l’enseignement préuniversitaire

L’introduction de notre hymne national « notre parole est action (kawluna wa-l-’amal) » doit figurer de façon ostensible dans toutes nos institutions éducatives. Anwar Amro/Archives AFP

Les nouveaux objectifs de l’enseignement préuniversitaire, élaborés au Centre de recherche et de développement pédagogiques (CRDP) par une commission préparatoire, approuvés par une commission supérieure en novembre 2022 et proclamés officiellement au Sérail gouvernemental le 15 décembre dernier, comportent des innovations fondamentales et un ressourcement en profondeur du patrimoine national, culturel et valoriel fortement ébranlé du Liban.

La lecture en diagonale des 100 pages du « Cadre général libanais de l’enseignement général préuniversitaire », avec un habitus mental du passé, ne montre pas l’essentiel qui exige d’être fortement explicité. On peut en effet dégager du Cadre général six perspectives pédagogiques à la fois innovantes, mais toutes plongées dans le patrimoine national, culturel et valoriel du Liban.

1. Le poids de l’expérience. Il est souligné qu’« après des expériences cumulées d’agressions, de guerres, de souffrances, de réalisations communes et de crises récentes, en conformité avec l’hymne national libanais, « notre parole est action (kawluna wa-l-’amal) », une œuvre culturelle et éducative pour la nouvelle génération est nécessaire pour la concrétisation des principes

(p. 15). Il s’agit donc de rompre avec des idéologies aliénantes, des approches intellectuelles abstraite, et des palabres polémiques.

2. Du savoir au comportement. Savoir et comportement sont-ils deux parallèles dans des pratiques éducatives, au Liban et dans le monde arabe en général ? On rapporte que le processus profond de socialisation dans des pays arabes s’effectue non pas à l’école, quand le savoir est transmis, mémorisé et évalué à un examen formel, mais plutôt dans le milieu de l’élève et son va-et-vient entre la maison et l’école !

Il faut donc, pour un véritable changement social et de capacitation (empowerment), opérer une transformation de l’apprenant (p. 4). On avait négligé le contenu de l’hymne national libanais : « kawluna wa-l-’amal (Notre parole est action) », que reproduit le Cadre général (p. 15). L’introduction de notre hymne national doit désormais figurer de façon ostensible dans toutes nos institutions éducatives. On souligne en effet l’exigence de « passer des principes à une conviction personnelle solide (…) qui débouche sur un comportement au quotidien dans tous les rouages de la vie publique » (p. 15).

À l’encontre cependant du risque d’endoctrinement, de dogmatisme ou d’idéologie en sourdine, le Cadre général insiste partout sur l’esprit critique, la « ré-flexion » (sic), au sens même optique, c’est-à-dire en somme une pédagogie socratique.

3. Patrimoine et mémoire. Le Cadre général reproduit des passages fondamentaux de la Constitution libanaise (p. 14), ce qui constitue et doit constituer la référence suprême. Le préambule de la Constitution libanaise est lourd de conséquences, à l’encontre d’une aliénation culturelle, d’idéologies du passé et souvent d’ignorance des caractéristiques du pluralisme culturel, au sens sociologique, et des exigences normatives de sa gestion.

4. Les mutations dans le monde d’aujourd’hui. Ces mutations (rapport au savoir, tyrannie de l’opinion, individualisme aux dépens du lien social…) sont pour la plupart des effets pervers de la mondialisation et du progrès exclusivement technologique. Elles ont été à la source de profonds débats au cours de l’élaboration du Cadre général. Il en découle notamment l’exigence de consolider « les rapports entre l’école et la société, garantissant ainsi la qualité de l’éducation qui contribue à la promotion personnelle et aussi sociale » (p. 15).

5. « Acculturation de l’État ». En partant à la fois de l’expérience libanaise endogène et des conditions d’une citoyenneté constructrice d’État, le Cadre général explicite l’exigence d’« acculturation de l’État, garant de l’unité nationale, du particularisme de la société libanaise, de son rôle et message, et de l’effectivité du droit dans l’État de droit » (p. 15).

6. L’éducateur. Des développements dans le Cadre général ne sont pas superfétatoires en ce qui concerne l’enseignant. Aujourd’hui, à l’encontre d’une idéologie dominante à propos du développement technologique et de l’enseignement à distance dans des cas spécifiques, l’éducateur doit revenir en force pour guider, orienter, sélectionner, repérer, boussoler… le savoir prêt-à-consommer (pp. 30-36). L’enseignant transmet en effet ce qu’il « est », ce qu’il « fait » et ce qu’il « sait ».

Il en découle l’exigence d’une remise en question profonde de pratiques dans des instituts de formation et dans les processus administratifs d’avenir de recrutement des enseignants éducateurs.

***

Le Cadre général doit être à la fois novateur, mais avec authenticité et ressourcement (asâla), c’est-à-dire plongé dans le patrimoine valoriel profond de la nation. Dans l’exposé introduction du Cadre général, le ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, Abbas Halabi, le qualifie de « réalisation nouvelle et spécifique » et la présidente du CRDP, Pr Hyam Ishac, qualifie l’opération « d’œuvre éducationnelle et fondement scientifique ».

Le Cadre général comporte des développements importants en ce qui concerne l’acquisition de compétences et la corrélation avec les exigences socio-économiques et l’emploi, en parfaite conformité avec les recherches actuelles dans le monde, mais avec la conscience profonde que l’approche socio-économique, technique et souvent mercantile ne doit pas l’emporter sur la dimension culturelle, valorielle, humaniste.

Après le sabotage du Plan de rénovation pédagogique au CRDP sous la direction du Pr Mounir Abou Asly (1996-2002), des recherches bureaucratiques ont été entreprises par des commissions souvent plus soucieuses du financement que d’effectivité. Le processus opérationnel réside moins à l’avenir dans des principes fort clairs et explicites du Cadre général que dans la formation continue des enseignants dans la praxis éducative, à l’encontre d’un habitus mental du passé et de recherches bureaucratiques.

Chaire Unesco – USJ

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Les nouveaux objectifs de l’enseignement préuniversitaire, élaborés au Centre de recherche et de développement pédagogiques (CRDP) par une commission préparatoire, approuvés par une commission supérieure en novembre 2022 et proclamés officiellement au Sérail gouvernemental le 15 décembre dernier, comportent des innovations fondamentales et un ressourcement en profondeur du patrimoine...

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