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Culture - Cinéma

« Les chenilles » de Michelle et Noel Keserwany éclosent aujourd’hui à la Berlinale

Le premier court-métrage de fiction des artistes pluridisciplinaires libanaises est en compétition dans la 73e édition de la Berlinale, section courts-métrages.

« Les chenilles » de Michelle et Noel Keserwany éclosent aujourd’hui à la Berlinale

« ”Dans Les chenilles“ nous exprimons nos pensées, nos forces et nos peurs les plus profondes. » Photo Karim Ghorayeb – Dewberries Films

« C’est dans la tiédeur des seins qu’éclosent les chenilles. » Cette phrase, extraite d’un article de Fawwaz Traboulsi intitulé Un amour de soie (paru dans L’Orient Express en 1996) et qui explore la relation entre les femmes du Mont-Liban et les fabriques de soie étrangères au XIXe siècle, a inspiré Michelle et Noel Keserwany pour réaliser un court-métrage social, historique mais également actuel et poétique, Les chenilles. Un film coproduit par Marine Vaillant (Dewberries Films) et la Biennale de Lyon représentée par les curateurs Sam Bardaouil et Till Fellrath, et sélectionné en compétition dans la section courts-métrages à la Berlinale où il fait sa première mondiale.

Michelle et Noël Keserwany, artistes sœurs pluridisciplinaires. Photo Hughes Anhes

Une histoire de mutation et d’amitié…

Inspirées par cette imagerie et par les conditions difficiles du travail des femmes dans les soieries françaises du XIXe siècle au Levant, et notamment au Mont-Liban, les Keserwany créent une histoire contemporaine qui aborde également le sujet de l’émigration. Dans le film, Sarah, incarnée par Noel, est arrivée récemment en France pour tenter de s’y intégrer, tout en restant très attachée à son pays d’origine, le Liban. Elle porte en elle les traumas de son pays. Asma, elle (interprétée par Masa Zaher), est originaire de Syrie. Après certains conflits entre les deux jeunes femmes, une amitié va naître. « Les deux personnages portent leurs peurs profondes et le poids de cette solitude intérieure qui ne peut être comblée que lorsque l’on rencontre des personnes qui ont vécu des expériences similaires », indiquent les réalisatrices à L’OLJ, tout en précisant qu’à travers ces deux figures, elles racontent « l’histoire oubliée du travail des femmes à travers le temps et des répercussions de ce lourd passé sur notre présent en tant que jeunes femmes essayant de travailler et de vivre dans et hors de nos pays ». Si Les chenilles traversent les couloirs du temps pour aborder les aspects contemporains de la migration et des conditions de travail, l’histoire de la soie évoque également la mue, celle de la jeunesse et du passage à l’âge adulte.

Pour mémoire

Avec « Mille et une nuit », les sœurs Keserwany frappent un nouveau coup

Contactées à la veille de la projection de leur film à Berlin, les sœurs Keserwany racontent la genèse de leur opus : « Nous avons fait des recherches approfondies à Lyon et trouvé le lien entre les travailleuses de cette ville et celles du Liban, nous sommes même tombées sur des photos des ouvrières libanaises dans les archives lyonnaises. Nous avons par la suite étayé nos résultats en les montrant à des chercheurs. » En concordant plusieurs récits, elles découvrent avec effroi « cette totale injustice dans les conditions de travail de l’époque car les femmes y étaient exploitées et ne sortaient pas de l’usine. Elles y mouraient même », s’indignent les deux artistes. « L’idée même que les femmes du Mont-Liban devaient porter des cocons entre leurs seins pour élever des vers à soie était extrêmement dérangeante », insistent celles qui estiment que « cette injustice est encore très ancrée dans la vie contemporaine ». « Nous, les femmes, la portons en nous depuis des siècles. Et même si nous parlons dans le film de deux femmes qui ont quitté leur pays pour travailler à l’étranger nous ne faisons pas une œuvre nationaliste (arabe, NDLR). Nous allons plus loin en abordant le genre humain. L’humain en soi est beaucoup plus intéressant dans sa globalité. »

Le poster du film « Les chenilles ». Photo Sama Beydoun

Des clips, de la musique et du cinéma

Michelle et Noel Keserwany sont des musiciennes, écrivaines et cinéastes libanaises. Elles sont célèbres pour leurs vidéoclips satiriques qui critiquent le système politique libanais corrompu. Leur complicité est leur moteur, leur rébellion. Quand l’une écrit, l’autre réalise, et quand l’une critique, l’autre corrige. Leur travail est complémentaire. « C’est ce qui fait notre force », disent-elles en chœur.

Depuis quelques années, le duo développe son premier documentaire politique Slow Burn, une coproduction entre la France et le Liban, produite par Special Touch Studios et soutenue par le Centre national du cinéma (CNC) en France. Slow Burn retrace à travers la musique et l’art l’une des décennies les plus délicates de l’histoire récente du Liban.

Pour mémoire

Romance politique, la nouvelle chanson satirique des sœurs Keserwany

Entre 2019 et 2021, les sœurs Keserwany ont reçu des bourses de l’Institut français pour résider à La Cité des arts à Paris et travailler sur leurs projets cinématographiques. Elles ne cessent de faire des allers-retours entre les deux pays. « Nous sommes passées du format du clip musical au format du cinéma mais le contenu n’a pas changé. Nous avions trop de choses à dire cette fois-ci, c’est pourquoi nous avons réalisé un court-métrage. Nous sentons que nous avons grandi et que nous avons atteint une maturité artistique. Mais il est certain que nous continuerons à surfer entre les deux. Dans Les chenilles, nous exprimons nos pensées, nos forces et nos peurs les plus profondes. »

Capture d’écran du court de fiction « Les chenilles » de Michelle et Noël Keserwany. Photo DR

C’est un peu leur vécu qu’elles racontent, ces deux sœurs qui vivent désormais entre deux escales, entre deux pays. « Notamment depuis la crise économique, parce que nous avons plus d’opportunités de travail en France tout en étant profondément connectées au Liban. Quand nous rentrons au Liban, nous essayons d’y rester pour une longue période, là où ça fait mal. » Écrit par Michelle et réalisé par elle et Noel, qui y joue également l’un des rôles principaux, le film relie – par ce fil de soie si ténu – un passé oublié à un présent teinté d’opacité. Aujourd’hui à la Berlinale, qui sait où ce fil pourra les mener demain ?

« C’est dans la tiédeur des seins qu’éclosent les chenilles. » Cette phrase, extraite d’un article de Fawwaz Traboulsi intitulé Un amour de soie (paru dans L’Orient Express en 1996) et qui explore la relation entre les femmes du Mont-Liban et les fabriques de soie étrangères au XIXe siècle, a inspiré Michelle et Noel Keserwany pour réaliser un court-métrage social,...

commentaires (1)

Bien hâte de voir ce film. Ces deux sœurs ont beaucoup de talent et une position politique au delà des politicailles.

Michael

21 h 53, le 22 février 2023

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Commentaires (1)

  • Bien hâte de voir ce film. Ces deux sœurs ont beaucoup de talent et une position politique au delà des politicailles.

    Michael

    21 h 53, le 22 février 2023

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