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Imageries sismiques

Plus de peur que de mal, le Ciel en soit loué : s’ils ont répandu mort et destructions en Turquie et en Syrie, les malins génies de la mythologie peuplant les entrailles de la Terre ont épargné notre pays, lequel a déjà, il est vrai, plus que son content de cataclysmes rien moins que naturels.

Les secousses telluriques ont, comme on sait, cette sournoise particularité de piquer soudain de terrifiantes crises de fureur. Arpentant des itinéraires bien répertoriés des géologues (les fameuses failles), elles frappent néanmoins par surprise, échappant à tout appareillage de détection par imagerie, ce qui les rend d’autant plus meurtrières. Pour impérieux que soit le devoir de recueillement, face à l’horrible bilan en cours d’établissement en Turquie et Syrie, il faut saluer, malgré sa modestie, l’aide qu’a offerte sur-le-champ aux deux pays sinistrés un État libanais lui-même éclopé et peu soucieux du sort de ses propres ouailles. Face à notre pénible quotidien, comment toutefois s’empêcher de songer aussi à cet autre type de séismes rythmant notre existence et que l’on nous annonce tambour battant, sabre au clair et clairons sonnant la charge. Parfois d’ailleurs (faut-il s’en féliciter ou le regretter, on ne sait plus trop), ces bouleversements à venir ne sont en définitive que des pétards mouillés. Comme pour accompagner le tragiquement réel séisme de lundi à l’aube, et l’ironie du hasard y aidant, trois démonstrations viennent d’en être faites coup sur coup.

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Hezbollah, l’enquête interdite : titre accrocheur en diable, que celui de ce documentaire télévisé de France 5 diffusé dimanche soir. Accrocheur mais un tantinet mystificateur, on n’ose dire trompeur, du moins aux yeux du spectateur lambda libanais. Car si l’émission décortique fort bien les filières du financement mafieux de la milice, cela n’est jamais au fond que du déjà-vu, du bien su, du notoire. On veut bien le concéder, le brusque arrêt de la traque américaine visant les organisateurs de ces trafics en dit long sur les louches accommodements inhérents au jeu des puissances ; pour l’administration américaine de l’époque, il était impératif en effet de laisser toutes ses chances à l’accord sur le nucléaire iranien. Reste malgré tout ce point : s’il est une enquête farouchement interdite, barrée, cadenassée ; oui, une seule qui valait absolument d’être fouillée et dénoncée ; une enquête qui eut pu justifier un aussi intense battage publicitaire, c’est bien celle relative à ce monstrueux séisme que fut l’explosion de centaines de tonnes de nitrate d’ammonium criminellement entreposées dans le port de Beyrouth. C’est cette sorte de révélations que les citoyens alléchés attendaient sur les lieux mêmes du crime. Ou que d’autres au contraire redoutaient, comme le laissent croire les pressions qui ont porté une chaîne locale à surseoir à la retransmission en simultané de cette émission.

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Le port, encore et toujours. Car si le Liban, un Liban de droit, a quelque chance de se reconstituer un jour, il faut inlassablement y revenir, ce quai de toutes les brumes, dérives, combines et ignominies dont notre pays est aujourd’hui la victime ! Le bouleversement judiciaire annoncé pour ce même et fatidique lundi – on a même parlé de séisme à propos du duel programmé entre les juges Bitar et Oueidate, entre l’instruction et le parquet – n’a finalement pas eu lieu, faute de combattants réellement décidés à croiser le fer. Faut-il, là encore, pousser un soupir de soulagement à l’idée qu’en jouant l’apaisement, est évitée, ou pour le moins retardée, l’implosion en règle de la justice libanaise? Faut-il au contraire déplorer ce nouveau contretemps qu’essuie la recherche de la vérité ? Suite au prochain épisode.

Il en va de même enfin pour la concertation internationale sur le Liban qui s’est tenue, toujours lundi, à Paris et dont la préparation a tenu notre pays en haleine. Officiellement, la France, les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar se bornent à établir une feuille de route à l’adresse de ces indécrottables dirigeants libanais qui répugnent tant à assumer leurs responsabilités, à commencer par le plus urgent, c’est-à-dire l’élection d’un président de la République. Ces pays amis se seraient entendus sur le profil idéal – non partisan, non corrompu – de ce personnage : son choix étant pudiquement, et fort théoriquement, laissé aux députés libanais…

C’est dire que sur ce dossier comme sur ceux qui précèdent, on reste sur sa faim. L’ennui est que pour un nombre croissant de Libanais en proie aux affres du besoin, ce n’est plus là une simple, une banale figure de style.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Plus de peur que de mal, le Ciel en soit loué : s’ils ont répandu mort et destructions en Turquie et en Syrie, les malins génies de la mythologie peuplant les entrailles de la Terre ont épargné notre pays, lequel a déjà, il est vrai, plus que son content de cataclysmes rien moins que naturels. Les secousses telluriques ont, comme on sait, cette sournoise particularité de piquer...