Rechercher
Rechercher

Société - Éducation

Grève d’avertissement aujourd’hui des enseignants du privé

Le ministre de l’Éducation Abbas Halabi reçoit mercredi les principaux acteurs pour tenter de trouver une issue à la crise.

Grève d’avertissement aujourd’hui des enseignants du privé

Des élèves libanais au Collège du Sacré-Cœur – Gemmayzé. Photo d’archives Marc Fayad

Leurs salaires de base auraient dû être multipliés par trois, comme ceux des enseignants du public. Une aide en dollars aurait dû leur être accordée, et leur fonds de retraite revalorisé. Sur ces trois points reposait l’accord conclu, il y a trois semaines, entre le syndicat des enseignants du secteur privé et les représentants des institutions éducatives. Mais de nombreux enseignants du secteur n’ont jamais bénéficié du moindre réajustement salarial, alors que la livre libanaise poursuit son effondrement, dépassant brièvement la semaine dernière le plafond symbolique des 60 000 LL pour un dollar. Leur syndicat a donc appelé à la grève aujourd’hui mercredi. « La majorité des établissements n’ont pas respecté l’accord conclu. Ils n’ont pas augmenté le salaire de base de leurs enseignants, ne leur ont accordé aucune aide en devises et n’ont toujours envisagé aucune solution à la dévaluation des indemnités de retraite », déplore Nehmé Mahfoud, président du syndicat, contacté par L’Orient-Le Jour.

20 % du salaire en dollars, c’est trop peu

Et si les établissements prestigieux accordent bien aux enseignants une partie de leur salaire de base en dollars, cela reste largement insuffisant, et ne résout pas le problème dans sa globalité. Car les enseignants se disent épuisés de la lenteur du processus de dollarisation de leurs salaires et de la trop faible rémunération consentie. Ils se demandent aussi pourquoi leur salaire de base n’a pas été multiplié par trois, selon le principe de concomitance entre l’enseignement public et privé. Et même lorsque le dialogue est ouvert avec l’administration de leur établissement, la frustration est palpable. « Nous avons dû réduire dramatiquement notre niveau de vie. Nous percevons 20 % de notre salaire de base en dollar et le reste en livre libanaise. C’est mieux que beaucoup d’enseignants, certes. Mais cela reste trop peu, car il faut compter avec les nouvelles impositions, le coût du carburant, la cherté de vie et la dévalorisation des indemnités de fin de service », décrivent à titre d’exemple deux membres du Comité d’enseignants du Grand Lycée franco-libanais, qui a voté pour la grève.

Lire aussi

Enseignement public, justice, immatriculation : plusieurs secteurs en grève au Liban

Les enseignants du privé observent donc une journée de grève aujourd’hui, sachant que les mieux nantis travailleront normalement. « Une grève d’avertissement adressée d’une part aux directions d’établissements, afin qu’ils se conforment à l’accord conclu, d’autre part, au gouvernement qui doit cesser de tergiverser et fixer la date de la réunion consacrée à l’éducation », précise M. Mahfoud. Avec, également au menu de cette réunion, les indemnités de transport, les retraites et le sauvetage de l’année scolaire des deux secteurs public et privé. Car la grève ponctuelle des enseignants de l’école privée vient grossir les rangs des autres mécontents de leurs conditions salariales. Les salariés de l’école publique sont en effet en grève depuis le 9 janvier. Un mouvement qui risque d’enfler et de s’éterniser s’ils ne reçoivent pas les revalorisations réclamées assorties d’indemnités de transport conséquentes.

L’escalade, si notre cri n’est pas entendu

« Si notre cri n’est pas entendu, nous envisagerons des mesures d’escalade, autrement dit une reconduite de la grève », met en garde Nehmé Mahfoud. Si le deuxième trimestre a débuté sans histoires, la grève des enseignants du privé sonne comme une menace au bon déroulement de l’année scolaire. Après trois années particulièrement difficiles, marquées par la pandémie de Covid-19 et l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, sur fond de crise politico-économique inédite, elle remet en confrontation les trois acteurs de la famille éducative privée : institutions, parents d’élèves et instituteurs. Trois acteurs qui souffrent tout autant de l’effondrement de l’État et de ses services, mais aussi des différents secteurs vitaux du pays : bancaire, sanitaire… et qui ne peuvent à eux seuls trouver la solution miracle. « Nous vivons une véritable catastrophe. Et seul l’État peut apporter une solution », lance sœur Bassima Khoury, directrice du Collège des sœurs antonines de Roumieh. « Nous avons beau chercher la solution, nous ne pouvons plus continuer de la sorte, pas plus que les enseignants ou les parents », déplore-t-elle. Ne pouvant compter sur les banques, l’institution qui scolarise des élèves de la classe moyenne attend que les parents paient les écolages pour verser les salaires des enseignants et acheter du carburant ou d’autres équipements. « Le peu de dollars que nous accordons aux enseignants ne leur suffit plus, tellement la vie a renchéri », reconnaît la religieuse. À titre d’exemple, à côté du salaire de base versé en livres libanaises, l’établissement accorde des aides sociales qui varient entre 150 et 350 dollars par mois par enseignant, sur base de l’ancienneté. Mais il n’a aucune réponse à la dévalorisation des indemnités de retraite. Quant aux écolages, ils s’élèvent à 14 millions de LL environ par élève, auxquels s’ajoute une contribution de 300 dollars par élève, dégressive pour la fratrie. « Nous ne sommes qu’au cinquième mois de l’année scolaire. Nous comptabilisons déjà plus de 70 % de frais de scolarités impayées », gronde sœur Bassima qui se dit face à un dilemme. « Que dire à ces familles qui ne perçoivent pas de rentrées en dollars frais ? »

Pour les parents d’élèves, le présage d’une nouvelle hausse des scolarités

Des familles qui, dans cet établissement ou un autre, ne peuvent assumer de nouvelles augmentations d’écolages, et en dollars de surcroît. « Nous savons bien que les salaires des enseignants ne valent plus rien, et que leurs revendications sont légitimes. Mais les parents d’élèves sont dans la même situation. Certains ne perçoivent aucune rentrée en dollars. Comme les enseignants, ils ne parviennent pas non plus pas à payer leur carburant », réagit Maya Geara, conseillère juridique de l’Union des parents d’élèves et des comités de parents dans les écoles privées. Ils estiment donc que la grève est un moyen de pression, pour justifier une hausse de leur contribution aux écolages en dollars frais. « La grève a été décrétée à la période où les institutions éducatives doivent remettre leurs budgets scolaires au ministère. Cela présage une nouvelle hausse des scolarités », craint la syndicaliste.

Pour mémoire

Après avoir payé son essence, l’instituteur libanais n’a plus que 3 dollars par mois pour vivre

Les yeux sont à présent tournés vers le ministre de l’Éducation Abbas Halabi, qui a convoqué toutes les composantes du secteur éducatif privé à une réunion mercredi. « J’espère pouvoir convaincre les représentants des établissements de payer leur dû aux enseignants, si toutefois ils ont touché une partie des écolages en dollars frais », souligne-t-il à L’OLJ. Au-delà de l’urgence, et de la nécessité de sauver l’année scolaire de tous les élèves du Liban, « c’est l’éducation dans son ensemble qu’il faut repenser aujourd’hui, alors que l’argent manque et que les enseignants n’ont pas de quoi payer leur transport », affirme le ministre, avec détermination. « Une réunion ministérielle devrait d’ailleurs se tenir jeudi, sous la présidence du Premier ministre Nagib Mikati », annonce-t-il.

Leurs salaires de base auraient dû être multipliés par trois, comme ceux des enseignants du public. Une aide en dollars aurait dû leur être accordée, et leur fonds de retraite revalorisé. Sur ces trois points reposait l’accord conclu, il y a trois semaines, entre le syndicat des enseignants du secteur privé et les représentants des institutions éducatives. Mais de nombreux enseignants...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut