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Moyen-Orient - Libertés

Le Parlement européen remet en lumière le sort des journalistes emprisonnés au Maroc

Le Parlement européen remet en lumière le sort des journalistes emprisonnés au Maroc

Des membres du comité national de soutien aux prisonniers politiques au Maroc, au cours d'une conférence de presse, à Rabat, le 26 janvier 2023. Photo AFP

Le Parlement européen, en critiquant la détérioration de la liberté de la presse au Maroc, remet en lumière le sort des journalistes critiques et des opposants, visés par des accusations « fabriquées », selon les défenseurs des droits humains.

Dans un texte adopté à une large majorité, les députés européens ont récemment demandé « instamment » aux autorités marocaines de « respecter la liberté d’expression et la liberté des médias », et de « garantir aux journalistes incarcérés un procès équitable ».

C’est la première fois qu’une résolution du Parlement européen sanctionne le Maroc. Elle fait suite à « des condamnations injustes contre ceux qui embarrassaient le pouvoir », explique le militant vétéran Fouad Abdelmoumni.

Plusieurs journalistes indépendants et opposants ont été poursuivis et emprisonnés ces dernières années pour des faits à caractère sexuel.

La première affaire éclate en 2018 avec l’arrestation de l’ex-patron de presse Taoufik Bouachrine qui écope de 15 ans de prison pour « viol » et « traite humaine ».

En 2020, les journalistes Omar Radi et Soulaimane Raissouni sont condamnés respectivement à six et cinq ans d’emprisonnement dans deux affaires d’« agression sexuelle », doublée d’une accusation d’« espionnage » pour le premier. Des accusations qu’ils nient.

Fin 2022, l’ex-bâtonnier et opposant Mohammad Ziane a été incarcéré notamment pour « adultère » et « harcèlement sexuel ».

Depuis octobre, Mohammad Baâssou, un militant de la mouvance islamiste al-Adl wal ihsane (Justice et bienfaisance), en détention, est jugé dans une affaire de « traite humaine » et d’« adultère ».

Stratégie répressive

Les autorités marocaines assurent qu’il s’agit d’affaires pénales qui « n’ont rien à voir » avec la liberté d’expression. « À supposer que ces affaires pénales soient fabriquées, les victimes le sont-elles aussi ? » commente l’avocate féministe Aïcha Guella, présidente de l’AMVD (Association pour les droits des victimes), jugeant « irresponsable » la résolution européenne.

Un argument qui n’a pas convaincu les eurodéputés qui, dans le cas d’Omar Radi, ont estimé que « de nombreux droits de la défense n’ont pas été respectés, ce qui entache d’iniquité et de partialité l’ensemble du procès ». Ils ont réclamé sa remise en liberté provisoire, de même que celle de Taoufik Bouachrine et de Soulaimane Rassouni.

Le vote européen consacre « l’échec de la stratégie répressive consistant à fabriquer des accusations sexuelles contre les journalistes et les critiques », a estimé l’Instance marocaine de soutien aux détenus d’opinion (Inasdo), devant la presse jeudi à Rabat.

Ces affaires sont à replacer dans un contexte de « dégradation manifeste de la situation des droits humains au Maroc », analyse Éric Goldstein, directeur adjoint de l’ONG Human Rights Watch (HRW) pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. « Le Parlement européen est conscient que la presse indépendante a quasiment disparu de la scène, alors que les médias de diffamation sont en plein essor », observe-t-il, évoquant la fermeture de publications au ton critique à l’égard du pouvoir, comme le quotidien arabophone Akhbar al-youm en 2021.

Crève-cœur

Outre les journalistes, l’Inasdo appelle à la libération d’un groupe de huit détenus du « Hirak », mouvement de protestation ayant agité la région du Rif (nord du pays) en 2016-2017, ainsi que des activistes Rida Benotmane et Saïda Alami, condamnés en 2022 à trois ans de prison chacun pour des publications sur Facebook.

Si le gouvernement n’a pas réagi officiellement à la résolution – non contraignante – des eurodéputés, le Parlement marocain a unanimement fustigé une « ingérence étrangère » dans les affaires internes du royaume. C’est « une attaque inacceptable contre la souveraineté, la dignité et l’indépendance des institutions judiciaires du royaume », a-t-il dénoncé. Il a également rappelé que le Maroc et l’UE étaient liés depuis 1996 par un accord d’association qui couvre d’étroites relations économiques.

Seules quelques voix, à gauche, se sont élevées pour exiger « la libération de tous les prisonniers politiques ». Un député du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Rachid Hammouni, a ainsi appelé à « clore, de manière appropriée, certains dossiers que nos adversaires exploitent pour mener des attaques absurdes contre notre pays ».

Tandis que la quasi-totalité des médias, plus ou moins proches du pouvoir, a dénoncé « l’acharnement » du Parlement européen, le chercheur Ali Bouabid a admis, dans une tribune, que « c’est un crève-cœur de se voir encore reprocher des vérités sur les atteintes à la liberté d’opinion dont sont victimes des journalistes qui croupissent aujourd’hui en prison ».

Ismail BELLAOUALI/AFP

Le Parlement européen, en critiquant la détérioration de la liberté de la presse au Maroc, remet en lumière le sort des journalistes critiques et des opposants, visés par des accusations « fabriquées », selon les défenseurs des droits humains.Dans un texte adopté à une large majorité, les députés européens ont récemment demandé « instamment » aux autorités...

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