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Moyen-Orient - FOCUS

Un ancien chef des Loups gris assassiné en Turquie sur fond de dissensions politiques

Président du groupuscule d’ultranationalistes turcs entre 2019 et 2020, Sinan Ates a été la cible d’une fusillade mortelle le 30 décembre. Un crime qui interroge quant à la responsabilité d’un parti d’extrême droite allié au président.

Un ancien chef des Loups gris assassiné en Turquie sur fond de dissensions politiques

Sinan Ates (à gauche) priant aux côtés du leader du MHP Devlet Bahceli en juillet 2022. Photo tirée du compte Twitter de Sinan Ates

C’est un assassinat de plus en plus embarrassant pour une partie de la sphère politique turque. Le 30 décembre dernier, Sinan Ates, membre des « Ulku Ocaklari », connus sous le nom de « Loups gris », est tué d’une balle dans la tête par deux hommes en moto alors qu’il sortait de son bureau à Ankara. L’homme de 38 ans était à la tête de la formation paramilitaire affiliée au parti d’extrême droite du Mouvement nationaliste (MHP) de 2019 à 2020. Si l’affaire a beaucoup retenti dans le pays, le silence des hauts représentants du MHP soulève les doutes de la population quant au mobile politique dissimulé derrière le crime. Une affaire de trahison qui, si elle était avérée, pourrait affaiblir le parti et gêner ainsi le président turc. Son parti (AKP) compte en effet sur le soutien de son allié d’extrême droite, avec qui il forme une coalition, pour espérer remporter l’élection présidentielle le 14 mai prochain.

Pas de condoléances

Car les indices s’accumulent et la gêne est palpable du côté du parti d’extrême droite. Quinze suspects ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête menée par la police d’Ankara et quasiment tous sont associés au MHP ou aux Loups gris, un groupuscule d’ultranationalistes turcs. « Les Loups gris sont les forces vives du MHP. Elles agissent souvent dans des violences de rue sanglantes contre les Kurdes, les militants de gauche ou d’autres mouvements opposés à l’extrême droite turque », explique Joseph Fitsanakis, professeur spécialisé dans le renseignement et la sécurité à l’Université Coastal Carolina. Mardi dernier, alors qu’il sortait d’une réunion parlementaire, Devlet Bahceli, à la tête du MHP, se fait alpaguer par une journaliste l’interrogeant au sujet du meurtre de Sinan Ates. « Occupez-vous de vos affaires », lui lance sèchement l’intéressé avant que ses gardes du corps ne repoussent la jeune femme. « Pas un seul dirigeant des Loups gris ou du MHP, y compris Bahçeli, n’a adressé ses condoléances au sujet d’Ates, observe Joseph Fistanakis. C’est très étrange, étant donné qu’il a passé toute sa vie d’adulte au sein du MHP et qu’il était le disciple et le plus proche confident de Bahçeli. »

Nombreux sont ceux qui veulent y voir le résultat des dissensions qui fracturent la famille politique depuis 2017, année où une coalition est scellée entre le MHP et le parti présidentiel (AKP) sous le nom de l’Alliance du peuple. L’occasion de remodeler le parti d’extrême droite. Une scission naît, certains de ses membres, craignant que leur parti ne soit dévoyé par la ligne pro-islamiste et antioccidentale de l’AKP, créant le Iyi Parti (Bon Parti), dirigé par Meral Aksener, désormais figure de l’opposition anti-Erdogan. « Comme on pouvait s’y attendre, la scission entre le MHP et le Iyi Parti s’est rapidement répercutée sur les Loups gris, puisque de nombreux membres ont quitté le groupe pour rejoindre le parti dissident », note le spécialiste du renseignement et de la sécurité.

Bouée de sauvetage d’Erdogan

Dans ce contexte, l’ambitieux Sinan Ates est lui aussi accusé de s’être petit à petit détourné de sa famille politique. En 2019, Devlet Bahçeli lui assure une place de choix à la tête des Loups gris, pensant peut-être le garder ainsi dans sa poche. Il y restera un an. « Les rumeurs selon lesquelles Ates pouvait quitter le MHP se sont intensifiées en avril 2020, lorsqu’il a démissionné de son poste. Beaucoup ont cru que cela représentait la première étape de son éloignement progressif pour rejoindre le Bon Parti. » Sinan Ates confirme au contraire son allégeance au parti d’extrême droite et écrit dans un tweet, peu de temps après sa démission : « La présidence générale des Loups gris sera le titre le plus sacré que je porterai pour le reste de ma vie. Aussi longtemps que je vivrai, je serai aux ordres de mon chef, M. Devlet Bahçeli, et de ma cause. »

Depuis sa démission, l’homme travaillait à l’Université Hacettepe d’Ankara, tout en poursuivant ses activités politiques. Se distançant de sa promesse, il ne cachait plus par ailleurs ses amitiés avec le Bon Parti. Quelques semaines avant sa mort, il enchaînait les meetings politiques. De quoi irriter probablement le leader du MHP de 75 ans, jugé beaucoup moins charismatique que son disciple. En tout cas, dans cet assassinat politique présumé, les membres de l’opposition semblent voir une occasion rêvée de gêner Recep Tayyip Erdogan et ses alliés dans la course à la présidentielle. « Le MHP est considéré comme “la bouée de sauvetage politique” d’Erdogan, avance Joseph Fitsanakis. Avec un MHP affaibli, il est probable que la capacité du président Erdogan à s’accrocher au pouvoir puisse être compromise. » « La responsabilité vous incombe, M. Erdogan », a déjà fustigé mercredi Meral Aksener, faisant allusion à la fusillade du 30 décembre et s’adressant au président lors d’une session parlementaire. Chef du principal parti d’opposition (CHP), Kemal Kilicdaroglu, a quant à lui promis de « traduire les tueurs de Sinan Ates en justice » une fois que l’opposition aura pris le pouvoir.

C’est un assassinat de plus en plus embarrassant pour une partie de la sphère politique turque. Le 30 décembre dernier, Sinan Ates, membre des « Ulku Ocaklari », connus sous le nom de « Loups gris », est tué d’une balle dans la tête par deux hommes en moto alors qu’il sortait de son bureau à Ankara. L’homme de 38 ans était à la tête de la formation...

commentaires (1)

Scission dans l'extrême droite turque: Les anti-occidentaux contre les kemalistes militaristes -- tous deux ultra-nationalistes. C'est les kemalistes de l'armée qui ont tenté un coup contre Erdoğan. Bon, qu'ils s'entretuent.

Taylor LM

06 h 11, le 29 janvier 2023

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Commentaires (1)

  • Scission dans l'extrême droite turque: Les anti-occidentaux contre les kemalistes militaristes -- tous deux ultra-nationalistes. C'est les kemalistes de l'armée qui ont tenté un coup contre Erdoğan. Bon, qu'ils s'entretuent.

    Taylor LM

    06 h 11, le 29 janvier 2023

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