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Culture - Design

Dix ans plus tard, le rôle de House of Today reste d’autant plus essentiel pour le design libanais

Depuis 2012, l’organisation à but non lucratif fondée par Chérine Magrabi Tayeb a réussi à créer un véritable écosystème du design local. Aujourd’hui, pour marquer ses dix ans, cette précieuse initiative fait de l’éducation sa principale mission ; en commençant par un symposium de conférences intitulées « Augmented Autarky » (où les designers Guan Lee, Porky Hefer et Marco Campardo ont échangé sur leurs pratiques le 13 janvier), suivies du workshop « Beyond Foraging » (cornaqué par le designer Guan Lee), en collaboration avec l’Université américaine de Beyrouth.

Dix ans plus tard, le rôle de House of Today reste d’autant plus essentiel pour le design libanais

Pendant l’atelier de travail « Beyond Foraging » à l’AUB. Photo Carl Halal

Il est impossible de regarder la scène du design libanais dans sa forme actuelle sans voir l’empreinte profonde que House of Today y aura laissée au fil des dix dernières années. En ce sens, cette organisation à but non lucratif, fondée par Chérine Magrabi Tayeb, s’est engagée dès 2012 à créer une culture du design durable au Liban, mais qui, en même temps, transcenderait nos frontières. Si, à l’époque, cette mission pouvait sembler ambitieuse, voire un peu déraisonnable, rien n’a réussi à se mettre au travers de la volonté de la fondatrice, et de l’ONG qui, dix ans plus tard, se sera attelée à la tâche sur plusieurs fronts et, il faut le dire, en dépit de tout.

Chérine Magrabi Tayeb, fondatrice en compagnie de Howayda al-Harithy, chairperson de la "School of design and architecture" de l’AUB, et Rana Haddad, fondatrice du BePublic Lab de l’AUB et cofondatrice du studio 200 Grs. Photo Carl Halal

En dix ans donc, HoT aura formé une véritable écurie de talents qui, une fois identifiés, ont été encadrés, accompagnés, conseillés et soutenus le long de leurs parcours créatifs. Et ce tantôt en mettant à leur disposition tout un programme éducatif (à la faveur de résidences, de bourses et de conférences), et tantôt en leur ouvrant l’horizon, en repoussant leurs frontières par le biais de biennales et autres expositions où ces créateurs libanais se sont vus exposés et surtout connectés à un réseau de designers internationaux. « Cette année marque donc notre dixième anniversaire, une décennie au cours de laquelle nous avons travaillé sans relâche pour positionner le Liban en tant que hub créatif du Moyen-Orient, notamment avec les quatre biennales de House of Today qui ont eu lieu à Beyrouth, par le biais desquelles des dialogues autour du design se sont créés sur des plans local et international, explique Chérine Magrabi Tayeb. Maintenant que notre premier objectif a été atteint, avec nos designers dont nous avons prouvé qu’ils méritaient cette attention internationale, l’idée pour nous était de réfléchir aux prochaines dix années. La réponse, pour la suite, nous était évidente : l’éducation. C’est vers cela que nous aspirons à concentrer les efforts de House of Today. »

Le projet « Layers in translation », piloté par Nadine Touma de Dar Onboz. Photo Carl Halal

Éducation et inclusivité

L’Université américaine de Beyrouth (AUB) s’appliquant parallèlement à développer sa "School of design and architecture", notamment grâce aux efforts de sa chairperson Howayda al-Harithy et de Rana Haddad, fondatrice du BePublic Lab de l’université et cofondatrice du studio 200 Grs, un partenariat entre l’AUB et l’organisation à but non lucratif s’est imposé comme une évidence. C’est ainsi que House of Today a invité la consultante de stratégie créative Anne-France Berthelon à cocurater, avec Rana Haddad, un symposium de conférences (qui ont été données à l’AUB le 13 janvier) intitulées « Augmented Autarky » et suivies du workshop « Beyond Foraging » (qui a eu lieu du 14 au 17 janvier à l’AUB également).

L’œuvre « Freehand » (qui mêle impression 3D et branches d’arbre), pilotée par le chef Wael Lazkani. Photo Carl Halal

« L’objectif, à travers ce partenariat à vocation pérenne, était d’aller vers quelque chose de plus inclusif, qui reposerait donc sur l’éducation à travers des conférences ouvertes au public et accessibles en ligne servant d’échanges entre des designers internationaux et des étudiants libanais en design », souligne Anne-France Berthelon. Pour cette édition du symposium, le choix s’est porté sur trois designers aux pratiques différentes certes, mais qui ont en commun de travailler et subvertir l’existant ; d’où le titre Augmented Autarky. D’abord, Guan Lee, professeur d’architecture à Londres, mais aussi fondateur de la Grymsdyke Farm qui lui sert de laboratoire créatif, où il tisse des liens entre le numérique et l’argile locale. Ensuite, Porky Hefer, dont le travail sur ses nids humains, en collaboration de tisserands aveugles, appelle à regarder l’artisanat sans nostalgie, en projetant ces pratiques vernaculaires dans le futur. Et enfin, Marco Campardo, dont la pratique repose sur une réinvention des modes de production industriels.

Un totem réalisé lors de l’atelier « Urban Prosthesis », piloté par la photographe Ieva Saudargaite. Photo Carl Halal

« À travers ces conférences, nous cherchions à questionner et redéfinir le design qui est un terme malheureusement galvaudé. Mais aussi en partageant les processus créatifs personnels de ces trois designers, d’explorer le rapport entre le low et le high-tech, entre le travail manuel et la technologie », souligne Rana Haddad. À l’issue de ces conférences, un appel à candidatures a été lancé pour participer au workshop « Beyond Foraging », piloté par Guan Lee et pour lequel vingt étudiants ou amateurs de design de tous âges confondus ont été retenus.

Le 13 janvier, les designers Guan Lee, Porky Hefer et Marco Campardo ont échangé sur leurs pratiques lors d’un symposium à l’AUB. Photo Carl Halal

Démocratiser le design

« Un mot qui revenait sans cesse en parlant aux gens à Beyrouth est “couches”, au pluriel. Pour moi, ils ont décrit des choses qui ne sont pas ce qu’elles semblent être, des situations volatiles et des émotions sous-jacentes. L’atelier « Beyond Foraging » consistait donc à découvrir des choses de valeur que nous ignorons parfois, que nous avons oubliées, dont nous ignorons l’existence et qui sont peut-être créées simplement en nous engageant avec elles », témoigne Guan Lee à propos de cette initiative. Pour ce faire, les vingt participants ont été répartis sur quatre groupes puis envoyés la journée de samedi en compagnie d’experts pluridisciplinaires – dans quatre coins de la ville (la place Riad el-Solh, Zokak el-Blatt, Hay el-Seryan et la route de Damas) – afin de se plier à un exercice d’exploration au terme duquel chacun des groupes a récupéré des objets, une certaine matérialité de leur ville dont ils ont passé les trois jours suivants à concevoir un produit, un projet, comme une manière « de redécouvrir leur ville en condensé, de comprendre l’importance du contexte dans une certaine création », comme l’indique Rana Haddad

Une vue de l’exposition « Beyond Foraging » à l’AUB. Photo Carl Halal

« Bien que les projets de ces quatre groupes aient été présentés mardi dernier, ce n’était pas le produit final autant que le processus qui nous importait. Ces ateliers ont été pensés comme une exploration matérielle et culturelle, plaçant le croisement des disciplines (architecture, design, art, artisanat, ingénierie, informatique) et des techniques au cœur de l’écosystème du design », ajoute Anne-France Berthelon. En découvrant donc de nouveaux matériaux, en déchiffrant des liens encore inconnus entre les mains et la machine, entre la technologie et l’artisanat, les quatre groupes ont donc présenté mardi 17 janvier, à l’AUB, leurs projets. « Layers in translation », piloté par Nadine Touma de Dar Onboz : une canopée (avec, entre autres, de la feuille de polyuréthane renforcée de fibres ondulées, des restes de poupées en plastique, des écorces d’arbres, des branches de palmier et des feuilles mortes) qui sert de réflexion autour de la ligne verte qui divisait Beyrouth pendant la guerre civile. « Urban Prosthesis », piloté par la photographe Ieva Saudargaite, est une série de totems, au sein d’une installation vidéo, comme des reliques d’une ville perdue sous ses mille strates, comme celles du quartier de Hay el-Seryan. « Freehand » (qui mêle impression 3D et branches d’arbre), piloté par le chef Wael Lazkani, raconte, à travers une chaise de bois et son double en impression 3D, les paysages humains et urbains de Beyrouth et notamment ceux de Zokak el-Blatt. Et enfin « Digested Online », piloté par l’architecte Christian Sleiman, sorte de vaisseau organique où se télescopent les vies accumulées de la place Riad el-Solh sur laquelle ce groupe s’est planché.En se tournant donc vers l’avenir, en faisant de l’éducation son combat mais aussi sa pierre angulaire, et surtout en continuant de donner à Beyrouth, House of Today reste l’une des belles promesses des lendemains du Liban…

Il est impossible de regarder la scène du design libanais dans sa forme actuelle sans voir l’empreinte profonde que House of Today y aura laissée au fil des dix dernières années. En ce sens, cette organisation à but non lucratif, fondée par Chérine Magrabi Tayeb, s’est engagée dès 2012 à créer une culture du design durable au Liban, mais qui, en même temps, transcenderait nos...

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