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Culture - Entretien

Souhaib Ayoub : « La liberté aide à desserrer les nœuds de la langue et ceux du corps »

Souhaib Ayoub, qui jouera lui-même son texte « L’Imperceptible suintement de la vie » au théâtre Vidy-Lausanne, éclaire l’originalité de son expérience artistique qui associe écriture et performance.

Souhaib Ayoub : « La liberté aide à desserrer les nœuds de la langue et ceux du corps »

L’écrivain libanais Souhaib Ayoub. Photo Nora Rupp

Comment est né votre texte L’Imperceptible suintement de la vie que vous interprétez au théâtre Vidy de Lausanne en Suisse ?

Rabih Mroué m’a invité à un festival sur le Liban, à Francfort, et j’ai lu un texte sur la ville de Tripoli, mon identité sexuelle, l’exil et l’écriture. Lina Majdalanie et Rabih m’ont incité à développer cet écrit, ce que j’ai fait en l’adaptant pour une performance théâtrale. C’est un monologue ouvert, avec une partie en français, et d’autres passages en arabe dialectal et en arabe classique. Ce brassage linguistique ajoute aux strates du texte la spécificité de mon usage actuel des trois langues.

Comment l’exil a-t-il changé votre façon de considérer votre identité ?

La liberté aide à desserrer les nœuds de la langue et ceux du corps. Mon corps, aujourd’hui, en tant que corps exilé, cherche sa place politiquement et socialement. Concernant mon identité de genre, mes expériences d’ouverture dans une ville comme Paris m’ouvrent d’autres horizons et ferment d’autres espaces. Mon identité, qui a trouvé un lieu d’expression, l’a rétrécie jusqu’aux derniers lieux de son intimité. Je suis le fils d’une ville arabe, conservatrice, avec des schémas de relations et des formes de communication qui n’existent pas ici. L’exil et ma nouvelle société m’imposent des formalités qui ne me ressemblent pas. C’est un long débat, mais je crois que l’exil m’a permis de me rapprocher de mon corps, de ses concepts, de sa linguistique et de ses désirs ; cela m’a rapproché de l’exploration de mon identité et de ses implications, ce qui apparaît de manière profonde dans mon dernier roman.

Dans quelle langue écrivez-vous ?

J’écris et je publie en arabe, je ne publie pas mes expériences en français. J’ai besoin de temps pour découvrir ma relation avec ma nouvelle langue. Le français m’aide à dire ce que je crains, à entrer dans une forêt fermée, avec des espaces que j’ai du mal à exprimer dans ma langue maternelle. Les deux langues sont mes outils sur le chemin difficile de l’écriture. Dès l’âge de quinze ans, j’ai travaillé dans le journalisme à Tripoli, l’écriture est un espace intime, un monde dans lequel je peux imaginer, jouer et fouiller. Chaque jour, je découvre la brutalité et la tendresse de ce monde immense.

Comment vous sentez-vous en jouant votre propre texte ?

Je joue un rôle, comme si cette vie ne m’appartenait pas, c’est un jeu génial et dangereux. J’avais très peur, car ma relation avec ce texte est tendue. Le texte est chargé de mes souvenirs, de mes cicatrices, ce dont les metteurs en scène sont conscients. Rabih et Lina m’ont fait travailler pour que je me sépare de mon texte, et aujourd’hui je me perçois comme interprète du texte. Le processus a été difficile, peut-être que la danse à laquelle j’ai été formée pour ce rôle m’a libéré de mes mots, de leur poids, de leur colère et de leur douleur.

Pourquoi avez-vous choisi de partager votre histoire avec vos lecteurs et votre public ?

C’est la première fois que je partage mes histoires personnelles dans un texte contemporain. Dans mes romans, tous mes personnages sont fictifs et les histoires que je construis sont imaginaires. Ce texte était un défi pour moi, sur un plan personnel et en tant qu’écrivain, je devais écrire un texte qui entrerait directement en contact avec le public. J’ai hâte de découvrir la réaction des spectateurs et de les voir interagir avec mes mots.

Comment est né votre texte L’Imperceptible suintement de la vie que vous interprétez au théâtre Vidy de Lausanne en Suisse ? Rabih Mroué m’a invité à un festival sur le Liban, à Francfort, et j’ai lu un texte sur la ville de Tripoli, mon identité sexuelle, l’exil et l’écriture. Lina Majdalanie et Rabih m’ont incité à développer cet écrit, ce que j’ai fait en...

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