Deux députés issus du mouvement de la contestation au Liban, Melhem Khalaf et Najat Aoun Saliba, poursuivent leur sit-in au Parlement, où ils ont déjà dormi la nuit de jeudi à vendredi au Parlement. Ils entendent rester sur place jusqu'à l'élection d'un chef de l'Etat dans le pays qui reste sans président depuis près de trois mois.
Alors que le Liban est plongé depuis 2019 dans une crise socio-économique sans précédent, largement imputée à la corruption et l'incurie de la classe dirigeante, les députés ne parviennent pas à élire un président du fait de leurs profondes divisions.
A l'issue d'une onzième session du Parlement jeudi, qui a échoué comme les précédentes à désigner un chef de l'Etat, l'écologiste Najat Aoun Saliba et l'ancien bâtonnier de Beyrouth Melhem Khalaf sont restés dans l'hémicycle, annonçant le début de leur sit-in.
Au Parlement, dans le noir
"Nous avons dormi ici, et nous espérons que cette journée apportera un nouvel espoir pour le Liban", a affirmé Najat Saliba dans une vidéo postée dans la matinée sur les réseaux sociaux.
نحن هنا لنرفع الصوت بضرورة ان يكون لنا رئيس قادر على وضع حدّ لانهيار البلد!
— Najat Aoun Saliba (@najat_saliba) January 19, 2023
ادعوا الزملاء النواب للتوجه فورا الى المجلس حتى انتخاب الرئيس! pic.twitter.com/LPhkSVHCjg
En début de soirée, contactée par L'Orient-Le Jour, Mme Aoun Saliba a indiqué que sa collègue Halimé Kaakour participera au sit-in pendant la nuit de vendredi à samedi et viendra également dormir au Parlement. "Nous dormons sur les strapontins", a-t-elle précisé. "Qu'on nous explique pourquoi le dollar est à 50.000 livres libanaises, le lait infantile est en rupture de stock, les gens meurent des faim et pourquoi on ne peut pas élire un président, et nous serons alors prêts à rentrer chez nous", a-t-elle lancé. La députée a appelé tous les députés à se joindre à cette mobilisation.
Dans un message aux Libanais mis en ligne la veille, Melhem Khalaf a estimé que "l'élection d'un président qui pourrait sauver le Liban est devenue pressante", ajoutant que leur initiative visait à forcer le Parlement à tenir des sessions continues pour élire un chef de l'Etat.
Plusieurs députés, issus comme eux du mouvement de contestation de l'automne 2019, ont passé la soirée jeudi avec eux en signe de solidarité. Halimé Kaakour a ainsi publié jeudi soir sur son compte Twitter une photo des députés contestataires Melhem Khalaf, Najat Saliba, Paula Yacoubian et Cynthia Zarazir, ainsi que d'elle-même, à l'intérieur de l'Hémicycle, dans l'obscurité éclairée par la lumière des téléphones portables.
حضرت قبل قليل إلى البرلمان للتضامن مع الزميلين المعتصمين ملحم خلف ونجاة عون.
— Halimé El Kaakour | حليمة القعقور (@halime_el) January 19, 2023
كافة أدوار البرلمان معطلة، في المساءلة والتشريع لصالح الناس كما في انتخاب رئيس/ة.
هذا التعطيل يعود إلى تعطل الديمقراطية عبر بدعتي الميثاقية والتوافقية (= تسويات أبطالها داخليين وخارجيين). pic.twitter.com/vx0duzbYU4
Des dizaines de militants se sont également rassemblés jeudi soir aux abords du Parlement pour soutenir les deux députés, et un nouveau rassemblement, timide, avait lieu vendredi après-midi.
Mais l'initiative des deux députés "ne va pas avoir d'impact", tempère l'analyste Michael Young, du centre Carnegie pour le Moyen-Orient, rapporte l'AFP. "A mon avis, ce qui pourrait faire mettre fin au blocage est un consensus régional qui encouragerait les parties locales" à se mettre d'accord à leur tour, explique-t-il, soulignant qu'au Liban, chaque partie a "un parrain régional ou un allié".
Le Parlement est divisé entre le camp du puissant Hezbollah pro-iranien et ses alliés et celui de leurs adversaires, aucun n'y disposant d'une claire majorité pour imposer un candidat. Mais l'élection d'un président pourrait prendre des mois, comme cela s'était produit lors de l'élection de Michel Aoun en 2016, après une vacance de 29 mois au sommet de l'Etat.
Une éventualité de nature à aggraver la crise économique. Selon une nouvelle étude du Programme alimentaire mondial, le tiers de la population du pays est désormais en situation d'insécurité alimentaire, soit 1,29 million de Libanais et 700.000 réfugiés syriens. L'étude estime que la situation va se détériorer encore plus d'ici le mois d'avril, avec 2,26 millions de personnes qui se trouveront en situation de "crise" et auront besoin d'une assistance urgente.
commentaires (8)
Au lieu de faire les zigotos et des coups de communications inutiles, que ces messieurs et dames s'alignent au reste de l'opposition, se rangent derrière un candidat et le fassent élire président. Sinon cela ne servira a rien. Le Hezbollah s'est foutu du pays, de ses institutions et du peuple vous pensez qu'il cédera comme cela? Toutes leurs actions doivent se concentrer sur comment le neutraliser et lui faire enlever ses armes sans lui faire concession aucune. Lorsqu'ils réagirons de la sorte alors seulement les choses commenceront a bouger.
Pierre Christo Hadjigeorgiou
09 h 45, le 23 janvier 2023