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Nos Lecteurs ont la Parole

Honte et colère : lorsque les individus remplacent leur État

La scène était assez saisissante ; elle se déroulait du 16 au 18 novembre 2022 à Marrakech. Quelque huit cents experts, spécialistes et professionnels du secteur de la santé de l’Afrique et du monde entier, se retrouvaient dans le cadre de la « Première Conférence africaine sur la réduction des risques en santé ». Initiée principalement par plusieurs ministères et organismes marocains, cette conférence abordait les politiques de santé publique non seulement au présent, mais aussi dans le futur. La santé fut examinée sous plusieurs angles complémentaires : organisationnel, psychologique, social et d’autres encore et, par extension, l’éducation fut soulevée comme moyen indispensable pour une meilleure santé africaine. Suite aux exposés, discussions et échanges très riches, vint le temps de présenter les projets touchant aux différents secteurs de la santé dans le continent africain. Des délégations de plusieurs pays de partout, bien préparées en amont, comme des vautours, se précipitèrent pour récolter les contrats.

Il n’est point exagéré de dire combien les sentiments de honte et de colère s’emparaient d’une Libanaise que je suis, invitée à l’événement à titre privé par le ministère de la Santé marocaine, tandis que les autres pays ont été représentés par des délégations officielles. Pourquoi sommes-nous condamnés à se sentir comme des orphelins dans des occasions pareilles, et ce jusqu’à quand ?

Quand on voit l’empressement des responsables des pays frères, amis et lointains à développer le système de santé dans leurs pays respectifs, et leur ardeur à planifier sérieusement l’avenir, ne devrions-nous pas, nous les Libanais, éprouver de la honte et de la colère à l’égard de nos responsables qui ont laissé le secteur de santé arriver à une situation déplorable ? N’est-il pas honteux de voir notre pays sans politique préventive de santé, ni planification pour gérer un secteur en pleine crise, ni vision pour rétablir un secteur qui fut jadis une référence régionale, voire mondiale en matière de soins de santé ?

Et quand on voit la vigilance des responsables de nombreux pays à être toujours prêts à profiter des opportunités mondiales de réseautage et de partage d’expertise (know-how), dans la perspective d’élever scientifiquement, humainement et économiquement le statut de leurs pays respectifs, ne ressentons-nous pas, nous les Libanais, honte et colère à cause de la nonchalance de nos responsables à l’égard de la planification de l’investissement extérieur de nos capacités dans le secteur de la santé ?

Dr Gabor Maté, médecin et auteur canadien, connu pour son expertise dans une multitude de sujets, dont l’addiction, le stress et le développement de l’enfant, parle d’une saine colère, c’est-à-dire une colère pour la bonne cause, une colère qui exprime une indignation contre l’injustice, la négligence de ses devoirs à l’égard de l’autre, la déformation des fonctions publiques… En attendant un mouvement honnête, courageux, visionnaire qui expulserait les marchands du temple, il semble indispensable, vu l’évolution de la situation dans notre pays, que des personnes et des organisations privées planifient sérieusement pour remplacer les institutions officielles, surtout dans le secteur de la santé. Ne laissons donc pas tomber la saine colère en nous !

Dr Zeina ASSAF MOUKARZEL

Fondatrice et présidente

de Lamsa – ONG libanaise

dont la mission est la promotion

de la santé mentale

et le bien-être des jeunes.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

La scène était assez saisissante ; elle se déroulait du 16 au 18 novembre 2022 à Marrakech. Quelque huit cents experts, spécialistes et professionnels du secteur de la santé de l’Afrique et du monde entier, se retrouvaient dans le cadre de la « Première Conférence africaine sur la réduction des risques en santé ». Initiée principalement par plusieurs ministères et...

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