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Société - Entraide judiciaire

Un magistrat français bientôt à Beyrouth pour l’affaire de la double explosion au port

Ni le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar ni le parquet de cassation ne sont habilités à livrer à quiconque des éléments d’enquête, affirme à « L’OLJ » une source judiciaire.

Un magistrat français bientôt à Beyrouth pour l’affaire de la double explosion au port

Le port de Beyrouth après la double explosion qui l’a ravagé, causant de nombreuses victimes dans la capitale. Photo d’archives AFP

Outre des magistrats français, allemands et luxembourgeois qui arrivent à Beyrouth dès cette semaine pour enquêter sur des malversations financières dans lesquelles serait impliqué le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, un juge d’instruction français est également attendu, avec pour mission de s’enquérir d’une autre affaire, celle de la double explosion au port du 4 août 2020. Mais alors que le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, n’a plus la mainmise sur le dossier à cause de nombreux recours en dessaisissement portés contre lui par des responsables mis en cause, la justice française peut-elle accéder à ce dossier ? « Rien n’est moins sûr », selon une source judiciaire interrogée par L’Orient-Le Jour, qui affirme que dans le contexte actuel, le juge Bitar ne peut livrer à quiconque, libanais ou étranger, aucun élément d’enquête. Ni d’ailleurs le parquet de cassation, ajoute-t-elle, soulignant que celui-ci n’a pas compétence pour le faire.

Infraction pénale

Lorsqu’il n’a pas les mains liées, le juge d’instruction peut satisfaire une demande d’entraide judiciaire, indique la source précitée. Elle rappelle à cet égard que l’an dernier, Tarek Bitar avait collaboré avec des représentants de la justice française, notamment en supervisant en leur présence au port de Beyrouth une simulation de l’incendie qui avait précédé la double explosion. Il l’avait fait d’autant plus que des ressortissants français figurent parmi les victimes. Or cette considération ne peut être retenue depuis que le juge Bitar a été empêché, en décembre dernier, de se pencher sur le dossier, en raison notamment de recours sur lesquels l’assemblée plénière de la Cour de cassation, compétente en la matière, ne peut plus statuer, pour perte de quorum. Pour ladite source, s’il est du droit des Français de s’informer de l’enquête, le juge d’instruction ne doit accepter de dévoiler « aucun document ». Sinon, son acte constituerait une infraction pénale, sur base de laquelle il serait récusé irrévocablement.

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À la question de savoir si le parquet de cassation – qui, de par son rôle de protecteur de la société, est au fait des investigations menées par le juge Bitar – peut informer, pour sa part, la justice française de la teneur du dossier, le magistrat interrogé affirme que « le parquet ne peut prendre aucune décision en ce sens ». « Son rôle n’est pas lié au contenu de l’enquête », affirme-t-il. « Ses tâches consistent notamment à assurer des échanges liés à des commissions rogatoires entre le juge d’instruction et des États étrangers, ou encore à donner son avis (non contraignant) sur des demandes de remise en liberté de détenus dans l’affaire, ou à autoriser des poursuites que voudrait engager le juge d’instruction à l’encontre de fonctionnaires », ajoute-t-il. Le parquet est en effet sollicité en dernier recours par le juge d’instruction lorsque des ministères, autorités de tutelle de ces fonctionnaires, refusent de donner leur feu vert pour des mandats d’arrêt qui les visent.

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Une source proche du parquet de cassation fait observer qu’en tout état de cause, les magistrats du parquet n’ont plus de lien avec l’affaire du port, à l’exception de l’un d’entre eux. Le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, s’était dès le départ désisté du dossier, au motif qu’il a une relation de parenté avec Ghazi Zeaïter, député (Amal), mis en cause par le juge Bitar. L’avocat général près de cette même cour, Ghassan Khoury, avait pour sa part été dessaisi l’an dernier, suite à un recours pour suspicion légitime présenté par l’ordre des avocats de Beyrouth. Idem pour l’avocat général Imad Kabalan.

Reste leur collègue Sabouh Sleiman, qui toutefois ne serait pas très informé de la teneur du dossier, relève la source interrogée. « Même si le juge Sleiman en est informé, il ne doit pas livrer des données au juge d’instruction délégué par la France », martèle à L’OLJ un magistrat haut placé. Dans le cas contraire, il s’exposerait à une action judiciaire des victimes (représentées en majorité par le bureau d’accusation du barreau de Beyrouth), ainsi qu’à sa convocation par l’Inspection judiciaire.

Intervention de Shea ?

Sur un autre plan, selon des informations diffusées par la chaîne MTV, l’ambassadrice des États-Unis à Beyrouth Dorothy Shea s’est rendue récemment auprès du président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) Souheil Abboud, du procureur général Ghassan Oueidate et du directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, pour demander à chacun d’eux d’œuvrer à la remise en liberté de Ziad Aouf, ancien responsable de la sécurité du port, qui détient la nationalité américaine. Contactée par L’OLJ, l’ambassade américaine n’a pas souhaité commenter l’information. Une source judiciaire a toutefois affirmé que la visite de Mme Shea a bien eu lieu la semaine dernière, au Palais de justice. Mais elle n’a pas dévoilé la teneur des discussions qui y ont eu lieu. Sauf que « le juge Bitar n’a, à ce jour, jamais été sollicité pour remettre en liberté le citoyen américain », soutient un magistrat sous couvert d’anonymat.

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commentaires (2)

Les armes illegales, les assassinats politiques de Hariri a Lokman Slim, l'explosion du port, le detournement des subventions en faveur du regime Syrien, la corruption endemique, la delinquance financiere de nos banquiers .... Autant de sujets face auxquels nos juges locaux "incapables" sont impuissants. Alors, un tribunal international pour le Liban devient une necessite si on veut sortir du systeme mafieux qui gangrene le pays. Kellon ya3ne kellon.

Michel Trad

18 h 45, le 10 janvier 2023

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Commentaires (2)

  • Les armes illegales, les assassinats politiques de Hariri a Lokman Slim, l'explosion du port, le detournement des subventions en faveur du regime Syrien, la corruption endemique, la delinquance financiere de nos banquiers .... Autant de sujets face auxquels nos juges locaux "incapables" sont impuissants. Alors, un tribunal international pour le Liban devient une necessite si on veut sortir du systeme mafieux qui gangrene le pays. Kellon ya3ne kellon.

    Michel Trad

    18 h 45, le 10 janvier 2023

  • L’ex président fantoche avait promis de résoudre l’énigme en seulement cinq jours, puisque d’après lui la justice internationale n’en était pas capable. Nous voilà des années après sans coupables ni conclusion. On peut dire qu’il a toujours brillé par son inconséquence et ses mensonges gros comme une montagne pour protéger les fossoyeurs et ainsi anéantir notre pays, sans oublier les dégâts collatéraux et son enfer attisé de tout feu pour nous y précipiter dedans. Espérons que cette intervention de la part de la justice étrangère ne lui donnerait pas raison, mais arriverait vite à démystifier et à débloquer cette enquête pour juger tous les criminels qui y ont participé de façon directe ou indirecte pour qu’enfin les libanais reprennent confiance en la justice tout court.

    Sissi zayyat

    13 h 40, le 10 janvier 2023

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