Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Éclairage

Le bras répressif de l’Iran frappe au-delà de ses frontières

D’Istanbul à Washington, la République islamique tente de faire taire l’opposition à l’aide d’un éventail de moyens répressifs, bénéficiant parfois de la coopération de régimes voisins.

Le bras répressif de l’Iran frappe au-delà de ses frontières

Des manifestantes en signe de solidarité avec le mouvement iranien devant le consulat d’Iran à Istanbul, le 29 septembre 2022. Yasin Akgul/AFP

« Ils mènent la guerre sur internet. » C’est ainsi qu’un général des gardiens de la révolution a exprimé l’étendue de la volonté répressive du régime au média iranien ultraconservateur Javan. Depuis la mort de Mahsa Amini et le début d’un mouvement de contestation sans précédent il y a bientôt trois mois, les « officiers de la soft war », formule du guide suprême iranien Ali Khamenei, assurent une surveillance accrue en ligne. Dans le viseur de Téhéran : journalistes, diplomates, universitaires et activistes. Qu’ils soient iraniens ou non, la voix des opposants doit rester inaudible. Une politique qui s’applique aussi bien dans les frontières du pays qu’en dehors, en ligne comme dans la vie réelle. « L’Iran est aujourd’hui l’un des principaux auteurs de répressions transnationales », indique Marcus Michaelsen, chercheur indépendant travaillant sur l’Iran.

Diviser et réduire au silence

Depuis le 16 septembre, date de la mort de Mahsa Amini, le nombre de comptes créés sur la plateforme Twitter et postant à propos du soulèvement a explosé. « Étant donné le nombre considérable d’entre eux qui se livrent à une activité de spam sur le réseau, on peut en conclure que beaucoup sont de faux comptes. Pour le régime, il est facile de mobiliser en ligne pour attaquer les contestataires, et nous savons que l’Iran a des capacités importantes. Il serait logique qu’il utilise ses ressources pour financer certains comptes de propagande », explique Marc Owen Jones, expert sur l’autoritarisme numérique au Middle East Council on Global Affairs, qui a publié une série de graphiques à ce propos sur son compte Twitter traquant le mot #OpIran, en référence aux manifestations. Le but du régime, influencer l’opinion publique, minimiser les manifestations et diviser l’opposition. Récemment, les autorités iraniennes, qui surveillaient les conversations de Rana Rahimpour, ont divulgué des enregistrements où on peut entendre la journaliste britanno-iranienne de la BCC critiquer Iran International, média antirégime diffusé en farsi et suspecté d’être financé par l’Arabie saoudite. « Une manière d’exploiter et d’exacerber les conflits au sein de la diaspora », indique Marcus Michaelsen. Des utilisateurs de Twitter qui ont repris le mot #MahsaAmini l’ont ainsi accusée d’être une apologiste du régime de Téhéran ainsi que d’avoir des liens avec les gardiens de la révolution, son armée idéologique.

Lire aussi

La révolution des jeunes Iraniens pour une vie normale

« Le harcèlement a toujours existé, rappelle Samaneh Savadi, activiste pour l’égalité des sexes basée en Angleterre. Il y a six mois, une dizaine de comptes Instagram féministes ont été attaqués par de nombreux bots. En quelques semaines, plusieurs milliers d’entre eux se sont abonnés et nous ont noyés sous les notifications. Le but était de nous faire peur et de nous invisibiliser. Les comptes étant inscrits en Inde et au Pakistan, nous devenions visibles surtout dans ces pays et non plus en Iran. » La militante cherche à sensibiliser ses plus de 380 000 abonnés en publiant sur la plateforme du contenu d’éducation sexuelle en farsi. Jusqu’au début des manifestations, Instagram et WhatsApp étaient les seuls réseaux sociaux accessibles en Iran sans VPN (réseau virtuel privé), ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. « La République islamique tente de réduire au silence les personnes susceptibles de multiplier la pression internationale grâce à leur présence sur ces plateformes », explique Marcus Michaelsen.

Début décembre, l’ONG Human Rights Watch révélait une attaque d’« hameçonnage » menée à travers leurs téléphones sur des activistes, des personnalités politiques, des journalistes et des chercheurs par une entité affiliée au gouvernement iranien, APT42, aussi surnommée Charming Kitten. « Nous utilisons nos smartphones tous les jours, donc cette méthode a des effets psychologiques profonds, nous ne pouvons plus parler librement avec nos familles et craignons d’être constamment espionnés », explique Marcus Michaelsen. Selon un rapport de l’organisation Reporters sans frontières, 200 journalistes iraniens vivant à l’étranger avaient été menacés en 2020, dont 50 menacés de mort.

Tentatives d’enlèvement et d’assassinat

« La répression transnationale est une réponse à la migration et aux flux transfrontaliers d’informations », poursuit Marcus Michaelsen. Et au-delà des pressions qui peuvent s’exercer sur internet, le régime n’aurait pas hésité à recourir dans certains cas à des tentatives d’enlèvement ou d’assassinat. En novembre 2019, Masoud Molavi, un ancien officier des renseignements iraniens, a été abattu dans les rues d’Istanbul. Les responsables turcs ont attribué son meurtre aux autorités iraniennes, un constat partagé par les États-Unis. Rendue célèbre par son combat contre l’obligation du port du voile, Masih Alinejad, journaliste iranienne en exil aux États-Unis, a fait l’objet d’une tentative de kidnapping en 2018. Vivant depuis sous protection policière, un homme muni d’un AK-47 est arrêté devant chez elle en juillet dernier. Pour tenter de réduire les dissidents au silence, la République islamique utilise en sus la coercition par procuration. Un procédé par lequel des proches en Iran sont menacés ou détenus afin de réduire au silence les exilés. Le frère de Masih Alinejad est ainsi condamné en 2020 à passer 8 ans derrière les barreaux pour conspiration contre le régime, mais sera finalement libéré cette année. Sa mère et sa sœur ont également subi plusieurs campagnes de pression, cette dernière se voyant forcée de renier sa sœur à la télévision d’État. Les joueurs de l’équipe nationale d’Iran auraient aussi été menacés de représailles sur leurs familles après s’être abstenus de chanter l’hymne de la République islamique lors de leur premier match de Coupe du monde au Qatar, selon certains médias.

Lire aussi

Que cache l’abolition de la police des mœurs en Iran ?

Dans l’émirat, des Iraniens affichant durant la compétition leur soutien au mouvement de contestation dans leur pays auraient été attaqués par des concitoyens progouvernementaux. Le journaliste Rasmus Tantholdt, correspondant pour TV2 Danemark, affirmait fin novembre avoir été détenu par la police qatarie pour avoir filmé la scène, tandis qu’un correspondant de France 24 qui les interrogeait a été forcé de couper sa caméra avant d’être sorti du stade.

Si aucun cas de déportation du Qatar n’a été rapporté durant le Mondial, le régime iranien affectionne particulièrement la technique du « piège à miel » qui consiste à appâter des dissidents dans des pays où l’extradition est facilitée. En décembre 2020, Ruhollah Zam, journaliste iranien de 42 ans, est exécuté par le régime iranien. Opposant à la République islamique, il s’était réfugié en France d’où il avait lancé un média antigouvernemental en ligne, Amas News. En octobre 2019, un contact anonyme lui avait proposé une rencontre en Irak avec le grand ayatollah Ali Sistani, un des principaux chefs religieux chiites anti-iraniens. Dès son arrivée dans le pays, il est remis à des agents du Corps des gardiens de la révolution islamique par des représentants du gouvernement irakien et transféré en Iran. « Dans la répression transnationale, il existe des cas de coopération entre les pays. C’est précisément le cas de la Turquie et de l’Irak. Aucun accord précis n’existe, mais il y a un échange de faveurs », affirme Marcus Michaelsen. Il met ainsi en avant le cas de Habib Asyoub, exilé en Turquie, l’un des dirigeants de l’ASMLA (Mouvement de lutte arabe pour la libération d’Ahwaz, séparatiste et accusé par les autorités iraniennes d’espionnage pour l’Arabie saoudite). « Il a été emmené d’Istanbul vers Téhéran et en échange, il semble que les Iraniens aient renvoyé trois militants kurdes dans le sens inverse », avance le chercheur. Plus récemment, Mohammad Bagher Moradi, journaliste iranien réfugié en Turquie qui avait obtenu en avril le statut de réfugié conditionnel, et donc autorisé à résider dans le pays d’accueil jusqu’à sa réinstallation dans un pays tiers, a disparu fin mai avant d’être retrouvé derrière les barreaux d’une prison iranienne. « Moradi a dit qu’il avait été enlevé par les services de renseignements turcs. Il a déclaré avoir été ensuite remis aux services de renseignements iraniens, puis emmené à la prison d’Évin par ces derniers », déclarait son avocat, Salih Efe, à al-Monitor début décembre. Si la Turquie est considérée comme une destination de choix pour les dissidents du fait de sa proximité avec l’Iran et de l’exemption de visa pour les Iraniens, « elle ne peut plus être considérée comme un pays sûr pour les réfugiés iraniens », regrette l’avocat.

« Ils mènent la guerre sur internet. » C’est ainsi qu’un général des gardiens de la révolution a exprimé l’étendue de la volonté répressive du régime au média iranien ultraconservateur Javan. Depuis la mort de Mahsa Amini et le début d’un mouvement de contestation sans précédent il y a bientôt trois mois, les « officiers de la soft war », formule du...

commentaires (1)

Les ollahs peuvent déployer toutes leurs forces et leurs agents traîtres qu’ils engraissent, le peuple finira par avoir raison d’eux et de leur régime. Aucun pouvoir ni dictature ne peut résister a la volonté d’un peuple courageux et déterminé. Ils essaient de gagner du temps mais le compte à rebours a commencer.

Sissi zayyat

20 h 58, le 15 décembre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Les ollahs peuvent déployer toutes leurs forces et leurs agents traîtres qu’ils engraissent, le peuple finira par avoir raison d’eux et de leur régime. Aucun pouvoir ni dictature ne peut résister a la volonté d’un peuple courageux et déterminé. Ils essaient de gagner du temps mais le compte à rebours a commencer.

    Sissi zayyat

    20 h 58, le 15 décembre 2022

Retour en haut