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Idées - Point de vue

Changer le Liban : le combat d’une génération

Changer le Liban : le combat d’une génération

Photo d’illustration : Archives AFP

Six mois après les élections, trois ans après le soulèvement de 2019, le temps de l’euphorie semble bien loin. L’effondrement économique du Liban se poursuit et le temps est comme figé dans un mauvais scénario sans cesse rejoué : vide présidentiel, paralysie politique, irresponsabilité criminelle des chefs de clan qui continuent de s’écharper sur des détails, mais ne font qu’un pour bloquer toute réforme. Sous respiration artificielle, le pays subit, impuissant, la terrible hémorragie de sa jeunesse – cette émigration de masse qui se reproduit elle aussi à intervalles réguliers et nous confisque notre avenir.

Renouveau

Et pourtant, le Liban n’est pas mort. De même que l’élan patriotique ayant porté sa création a pris en partie sa source dans la grande famine de 1915, il nous faut préparer sa renaissance en tirant les leçons de l’effondrement actuel. Tout est à redéfinir : l’État, incapable d’assurer ses missions élémentaires ; le contrat social confisqué par les intérêts financiers et communautaires ; et même la raison d’être de notre pays, qui ne peut plus être réduite à la coexistence, pas toujours pacifique, de « minorités associées ». Voilà ce qu’attendent, sans trop oser y croire, les nombreux Libanais qui ont pavé la voie du changement en 2019. Voilà ce qui doit engager l’ensemble des forces politiques s’en réclamant.

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Certes, les raisons de désespérer sont nombreuses. Aussi remarquable soit-elle, la percée de 13 députés issus de la contestation ne suffit pas à changer la donne, et il faut reconnaître, aussi, que nous n’avons pas encore réussi à traduire l’espoir de 2019 en un basculement du rapport de force. Accepter cela, c’est déjà prendre conscience de l’ampleur de notre mission. C’est garder aussi à l’esprit que tout comme Rome, le Liban ne se fera pas en un jour. La conquête du pouvoir suppose désormais de repenser l’action dans le temps long, tout en préparant chacune des échéances à venir. C’est cette mission que le Bloc national s’est fixée pour les quatre années à venir. Parce qu’il s’est rénové en profondeur, sous la houlette de Carlos Eddé puis Pierre Issa, parce qu’il permet de mettre la force du collectif au service d’une vision pour le pays, parce qu’il répond aux aspirations de la jeunesse, le Bloc national est aujourd’hui en mesure de mener la bataille et de préparer un nouveau Liban.

Bataille des urnes et des idées

Le premier enjeu est celui de la confiance : celle des Libanais dans leur pays d’abord, face aux tentations séparatistes, au repli identitaire et aux idéologies religieuses transnationales. Celle des Libanais en la chose publique ensuite – c’est-à-dire dans leur propre capacité à influer sur leur destin commun. Cette confiance, nous devons aussi la gagner en montrant notre capacité à mettre en œuvre la vision que nous proposons aux Libanais. C’est avant tout celle d’un Liban qui entre dans la modernité, à travers la séparation de la religion et de l’État et une approche laïque de la politique. Cette réinvention passe d’abord par la pratique et les discours politiques au quotidien, elle passe également par le changement des lois et des mentalités : mettre en œuvre le mariage civil, comme proposé par Raymond Eddé dès les années 1950 ; rendre, enfin, « à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » ; participer collectivement à l’écriture de notre histoire troublée afin que la jeunesse trouve les clés de son avenir dans la compréhension de son passé ; et accompagner son aspiration à sortir des tranchées identitaires en développant un service civique contribuant à ressouder une cohésion sociale et nationale.

Mais point de laïcité sans souveraineté. Or, la souveraineté ne peut être à géométrie variable. Seul un État disposant du monopole sur les armes et la défense nationale, la diplomatie, la justice, la sécurité intérieure et l’ensemble des domaines régaliens peut la garantir. Et seuls des partis œuvrant uniquement pour l’intérêt des Libanais et préservés de tout financement étranger peuvent y concourir. Si cette revendication peut sembler utopique, au vu du rapport de force actuel, cela ne doit pas nous empêcher de fixer clairement le cap et de tenter d’avancer dans cette direction à chaque occasion. Par exemple dans le cadre de la bataille pour l’indépendance de la justice, dont on a pu voir qu’elle inquiétait autant le Hezbollah que la remise en question de son arsenal.

Le renouveau du Liban passe enfin par l’édification, sur les cendres de la crise, d’une économie saine, productive et aux fruits équitablement répartis. La liberté d’entreprendre et de commercer, si chère aux pères fondateurs de la République, doit être protégée des entraves à la concurrence sans pour autant nier à l’intervention publique son rôle de régulation, partout où elle est nécessaire. Cela suppose non seulement d’assurer le règne du droit dans la conduite des affaires mais aussi de repenser une fiscalité aussi inefficace que régressive. Notre vision est celle d’un Liban misant sur le capital humain et sur des infrastructures modernes afin de développer des industries et services à forte valeur ajoutée. À long terme, l’enjeu est de redonner au Liban sa place sur la carte de l’économie mondiale. À court terme, il s’agit de trouver une issue à la crise financière et monétaire – en commençant par répartir équitablement les pertes colossales du secteur bancaire.

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Ce programme est vital. Le seul moyen de l’appliquer pleinement est d’accéder aux responsabilités : il nous appartient pour cela de continuer à mener la bataille des idées comme celles des urnes, des municipales aux législatives. Cela suppose de soutenir les députés de bonne volonté sur les dossiers essentiels, en les aidant notamment à conclure les compromis nécessaires sans jamais tomber dans les compromissions coupables. Cela suppose aussi d’articuler notre action avec celle de la société civile dans les prochaines échéances (élections universitaires, syndicats et ordres professionnels). Cela suppose enfin de redonner à la rue des raisons de se mobiliser, pour maintenir la pression populaire face à l’inaction délibérée.

« Mille fois morte, mille fois revécue... » la formule de Nadia Tueni ne doit pas seulement s’appliquer à Beyrouth, mais également au Liban tout entier. À nous d’en tirer le nécessaire optimisme de la volonté pour sortir de cette prétendue résilience qui est l’autre nom de l’acceptation de la fatalité. Reprendre le Liban, c’est le combat d’une génération. Et cette génération, c’est la nôtre.

Par Michel HELOU

Secrétaire général du Bloc national, ancien directeur général de L’« Orient-Le Jour ».

Six mois après les élections, trois ans après le soulèvement de 2019, le temps de l’euphorie semble bien loin. L’effondrement économique du Liban se poursuit et le temps est comme figé dans un mauvais scénario sans cesse rejoué : vide présidentiel, paralysie politique, irresponsabilité criminelle des chefs de clan qui continuent de s’écharper sur des détails, mais ne font...

commentaires (9)

Tout cela est fort bien dit, mais ne fait guère avancer le schmilblick. Nous connaissons les causes, nous connaissons les remèdes. Ce qui nous manque, c'est le pouvoir de les appliquer.

Yves Prevost

07 h 29, le 11 décembre 2022

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Commentaires (9)

  • Tout cela est fort bien dit, mais ne fait guère avancer le schmilblick. Nous connaissons les causes, nous connaissons les remèdes. Ce qui nous manque, c'est le pouvoir de les appliquer.

    Yves Prevost

    07 h 29, le 11 décembre 2022

  • Thank you for your efforts and congratulations on becoming the new leader of the National Bloc. The Party has all the ingredients to attract new members, supporters, and voters. I strongly hope the Party will win seats in every election it decides to challenge.

    Mireille Kang

    06 h 49, le 11 décembre 2022

  • Parfaitement aligné avec les principes de votre parti. Espérons que vous serez suffisamment tenace pour passer le test du temps, car en face de vous les forces obscures sont bien accrochées,et en ont fait échouer plus d'un. Tous nos vœux de réussite dans votre projet.

    K1000

    02 h 45, le 11 décembre 2022

  • S’il y a un parti politique que je pourrais adhérer ça sera le bloc national.

    Achkar Carlos

    23 h 53, le 10 décembre 2022

  • Blabla. “Avant, j’étais intelligent et je voulais changer le monde, maintenant je suis sage et je me change moi-même”. Rumi.

    Mago1

    18 h 21, le 10 décembre 2022

  • Très beau programme. Enfin un vrai parti Libanais !

    richa sami

    18 h 08, le 10 décembre 2022

  • Excellente feuille de route qui eclaire notre chemin sur la voie de l'édification du Liban dont nous rêvons.

    Kfouri Emilie

    09 h 51, le 10 décembre 2022

  • Amen

    F. Oscar

    09 h 18, le 10 décembre 2022

  • Excellent projet.... mais Vaste Programme!

    Georges Airut

    00 h 22, le 10 décembre 2022

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