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Nos Lecteurs ont la Parole

Vivre ou exister

Est-ce que vivre, c’est exister ? La vie appartient aux humains, aux animaux et aux plantes.

Nous vivons donc, c’est certain. Je m’en assure quant à moi chaque jour en me pinçant au réveil et en regardant la page nécrologie dans les journaux, pour plus de sécurité. Pourquoi donc cette sensation de ne plus exister ?

Perplexe, je ferme les yeux. Mon passé remonte à la surface. Un passé où je ne mettais jamais en doute mon existence. Des moments gavés de bonheur et d’autres empreints de douleur et de tristesse. Des jours où j’étais libre. Libre de faire mes choix, de penser, de réfléchir, de guider mon existence au gré de mes envies. Un dépassement continu du présent avec des projets et des promesses d’avenir et, surtout, surtout l’enivrante certitude d’exister !

Hélas… Ma vie actuellement, et celle des Libanais d’ailleurs, n’est plus qu’un quotidien chargé d’angoisse, de dégoût et d’humiliations.

Je me réveille. Il fait beau, le soleil brille haut dans le ciel. Une sortie à la plage ? Bien sûr que non, je vais profiter de cette belle journée du courant électrique (énergie solaire ou moteur) pour mettre en marche la machine à laver, finir le repassage et qui sait peut-être arriver à prendre un vrai bain à l’ancienne. Un bain de mousse ? Vous rêvez ! Une douche rapide avec de l’eau chaude, et croyez-moi on a appris à apprécier ces produits de luxe que sont devenus les shampoings et les savons ! Pour ce qui est de la crème hydratante et des lotions aux parfums subtils qui laissent la peau satinée, c’est du pur marketing, on ne tombe plus dans le piège ! Vive la simplicité et à bas ces produits démoniaques importés… Idem pour les dentifrices et les déodorants, l’homme des cavernes s’en passait et ne s’en portait pas plus mal !

Je délaisserai donc les queues devant les banques ce matin, manque de temps, propreté oblige. Ah zut, on parle d’un risque de fermeture des boulangeries à la radio ! Allez hop ! Changement de programme, je cours acheter du pain, malheureusement beaucoup de personnes ont aussi entendu les nouvelles, donc pénurie de pain, mais le ministre nous rassure, il y a du pain dans le pays !

Je retourne bredouille ? Non ! Le supermarché envoie un message : offres alléchantes aujourd’hui. C’est peut-être mon jour de chance, en plus on peut régler la facture par carte bancaire, quelle belle perspective… Sauf que les marques proposées me sont inconnues et le pays d’origine de leur fabrication, douteux. Envie d’une petite balade pour me calmer les nerfs, un coup d’œil au niveau d’essence dans la voiture m’en dissuade. Il est cinq heures de l’après-midi déjà, je passe à la pharmacie en chemin, espérant que les médicaments dont j’ai besoin sont arrivés. Youpi ! La pharmacienne me tend le paquet d’un air triomphant. Je règle la facture exorbitante qu’elle me tend avec l’impression d’avoir réalisé une victoire ! Il commence à faire nuit. Chic je vais jouer à chambre noire avec les enfants jusqu’à 18h00, heure « sacrée » à laquelle le dieu des moteurs nous relèvera des ténèbres, moyennant une non moins « sacrée », mais alors sacrée somme d’argent, calculée suivant une sacrée méthode, qui résiste à tous nos efforts drastiques pour la réduire. Peut-être facture-t-il aussi les bougies que nous allumons, quand il n’y a pas de courant ?

Le soir, j’écoute les nouvelles. Il y avait une séance pseudo-électorale, certains députés se sont amusés à mettre des bulletins blancs ou avec des noms de gens qui ne sont pas candidats. C’est écœurant. Des journalistes les attendront quand même fébrilement à la sortie pour les encenser à grand coup de « ma3alik », mendiant servilement un mot de leur part, au lieu de les ignorer totalement. Ces députés endimanchés pour l’occasion, les cheveux enduits de brillantine pour certains, se pavaneront alors devant les micros, débitant des énormités et des mensonges, totalement inconscients (ou alors parfaitement conscients) de la gravité de la situation dans le pays. Un dégoût total me prend aux tripes. Corruption, mensonges, fanatisme, impudence et cupidité d’un côté, asservissement et misère de l’autre. Lamentable état d’un peuple piétiné, humilié mais qui paradoxalement ne réagit plus. J’éteins le poste de télé préférant me mettre au lit et plonger dans un autre monde, pour oublier… Il ne faut quand même pas dormir trop profondément, des fois que le courant nous est accordé vers trois heures du matin, car alors le cycle reprend lessive ou repassage ou résistance pour eau chaude au choix avant qu’ils ne le coupent à nouveau. Pas plus d’une heure de courant en général. « Ils » ont le souci de nous laisser profiter de quelques heures de sommeil.

Mais jusqu’à quand allons-nous dormir ? Allons-nous sortir de cette léthargie, de cet abrutissement total ou rester enlisés dans l’impuissance, faute de courage ? Les tyrans n’ont d’autre pouvoir que celui qu’on leur donne… Alors vivre ou exister ? Il nous faut choisir, et au plus vite !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Est-ce que vivre, c’est exister ? La vie appartient aux humains, aux animaux et aux plantes.Nous vivons donc, c’est certain. Je m’en assure quant à moi chaque jour en me pinçant au réveil et en regardant la page nécrologie dans les journaux, pour plus de sécurité. Pourquoi donc cette sensation de ne plus exister ? Perplexe, je ferme les yeux. Mon passé remonte à la surface. Un...

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