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Santé - Médecine

De la première transplantation à la tentative de greffe de cœur d’un porc : retour sur la grande aventure cardiaque

Voici les principales étapes de ce bras de fer contre la mort.

De la première transplantation à la tentative de greffe de cœur d’un porc : retour sur la grande aventure cardiaque

Le cœur artificiel Jarvik 7 au musée de l’air et de l’espace du Smithsonian à Washington. Karen Bleier/Archives AFP

Pour la première fois dans l’histoire de la médecine, le 3 décembre 1967, le chirurgien sud-africain Chris Barnard, aujourd’hui décédé, réalise une transplantation cardiaque à l’hôpital Groote Schuur du Cap, devenant « l’homme aux mains d’or ». L’intervention dure cinq heures : la poitrine de Louis Washkansky, âgé de 53 ans, est ouverte et, une à une, artères et veines sont sectionnées puis branchées sur le cœur de Denise Darvall, 25 ans, décédée quelques heures plus tôt dans un accident de la route. « L’homme au cœur de jeune fille » survivra 18 jours avant de mourir à l’aube du 21 décembre.

Si Emmanuel Vitria, opéré le 27 novembre 1968 à Marseille, a vécu plus de 18 ans avec le cœur d’un fusilier marin de 20 ans, dans l’immense majorité des cas, les patients succombent dans les jours suivant l’intervention et ceux qui survivent (moins de 15 %) mènent une vie peu enviable. Et ce jusqu’au début des années 80. Un médicament antirejet efficace – la cyclosporine – permet alors aux transplantations cardiaques de prendre véritablement leur essor (9 064 greffes de cœur dans le monde en 2021 selon le Global Observatory on Donation and Transplantation). Mais rapidement, la pénurie d’organes limite les transplantations.

Cœur artificiel et xénogreffes

Une autre aventure se joue alors : celle du cœur artificiel. Cette voie est ouverte par le Dr William DeVries en décembre 1982. Là aussi, l’euphorie est vite tempérée. Le « calvaire » de ces malades, « cobayes » rivés à leur machinerie (un compresseur de la taille d’un réfrigérateur, pesant 170 kg), soulève des polémiques. L’appareil, présenté comme « définitif », sera finalement employé comme solution transitoire, dans l’attente d’un cœur disponible. Dans les décennies qui suivent, plusieurs autres projets de cœur artificiel voient le jour, pour la plupart des substituts ventriculaires posés en attente d’une greffe. Mais aucun ne résout à long terme les problèmes les plus complexes, infections et surtout formations de caillots.

Une autre solution, les « xénogreffes », des greffes réalisées à partir d’organes d’animaux, sont, dans les années 80, présentées par les chercheurs les plus éminents comme « la solution d’avenir ».

En 1984, Leonard Bailey (États-Unis) tente une greffe de cœur de babouin sur une fillette de 14 jours. Elle décède vingt jours après. Face au tollé déclenché par cette tentative infructueuse, des spécialistes, dont le professeur français Christian Cabrol – pionnier de la greffe cardiaque en Europe –, soulignent le caractère extrêmement sérieux de cette équipe américaine. Récemment, le 7 janvier 2022, un cœur issu d’un porc génétiquement modifié est implanté à un homme de 57 ans. Si le patient est décédé deux mois après, cette opération a permis de montrer pour la première fois qu’un cœur d’animal pouvait continuer à fonctionner à l’intérieur d’un humain sans rejet immédiat.

Au début du siècle, les premiers essais d’implantation d’un cœur artificiel autonome voient le jour. Fin 2013, le premier « bioprothétique » d’origine bovine, conçu par Carmat, est implanté dans la poitrine d’un patient souffrant d’insuffisance cardiaque terminale à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris sous la direction du Pr Alain Carpentier, concepteur du projet. Le patient décède soixante-quinze jours après l’implantation, mais sept ans plus tard, Carmat obtient une autorisation de commercialisation en Europe. Depuis, sept cœurs ont été implantés.

Source : AFP

Le jour où le cœur artificiel permanent a été greffé

Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1982 à Salt Lake City aux États-Unis, le thorax d’un homme est incisé pour remplacer son cœur à bout de souffle par une prothèse permanente. Une première mondiale. Un seul chirurgien est autorisé à pratiquer l’opération : le Dr William DeVries, président de la section de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique de l’Université de l’Utah. Le patient sélectionné, Barney Clark, est un dentiste retraité de Seattle. Il souffre d’une dégénérescence du cœur mortelle à très court terme, mais, âgé de 61 ans, il est jugé trop vieux pour une greffe de cœur humain.

L’intervention durera 7h. Car outre la prouesse technique de l’implantation, les médecins ont dû affronter un œdème pulmonaire ainsi que des hémorragies internes des tissus abîmés par un traitement à la cortisone. Ils ont aussi été contraints à un remplacement inopiné du ventricule gauche du cœur artificiel qui fonctionnait mal.

En fin de matinée, l’équipe qualifie l’opération de « succès » mais ajoute dans la foulée être « modérément optimiste » quant aux chances de survie du patient.

Mais dans l’après-midi, Barney Clark ouvre les yeux, reconnaît sa femme et indique au médecin par un hochement de tête qu’il ne souffre pas.

Son nouveau cœur est un « Jarvik 7 », du nom de son inventeur. Si l’opération marquera l’histoire, le cœur est encore au stade expérimental et le dispositif loin d’être idéal. L’invention de Robert Jarvik n’est pas le premier cœur artificiel à être implanté sur un homme, mais bien le premier destiné à fonctionner de façon durable.

Cinq heures après l’opération, les médecins annoncent que le cœur artificiel fonctionne normalement, deux jours plus tard qu’il « fonctionne à merveille ». Barney Clark commence à redevenir lui-même, annonce sa famille. « Je ne crois pas qu’il ait cru que l’expérience réussirait. Son intention en la tentant était d’apporter une contribution à l’histoire de la médecine », explique son fils Stephen.

Plusieurs crises graves vont ensuite se succéder, dont trois nécessitant un retour au bloc. En février, plus de deux mois après la transplantation, l’état du patient est déclaré « bon ». Il quitte l’unité de soins intensifs.

Mais le 22 mars, l’hôpital convoque la presse : « L’état d’esprit est au pessimisme. » Barney Clark décède le lendemain à 22h02 à la suite d’un dysfonctionnement de différents organes vitaux, après avoir vécu 112 jours avec un cœur artificiel. En ayant toujours pensé, selon sa femme, que « ça valait la peine ».

Laurence COUSTAL/AFP

Pour la première fois dans l’histoire de la médecine, le 3 décembre 1967, le chirurgien sud-africain Chris Barnard, aujourd’hui décédé, réalise une transplantation cardiaque à l’hôpital Groote Schuur du Cap, devenant « l’homme aux mains d’or ». L’intervention dure cinq heures : la poitrine de Louis Washkansky, âgé de 53 ans, est ouverte et, une à une,...

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