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Idées - Commentaire

De FTX à Musk : le syndrome napoléonien des magnats de la big tech

De FTX à Musk : le syndrome napoléonien des magnats de la big tech

Le fondateur de FTX Sam Bankman-Fried. Saul Loeb/AFP

Les entreprises ont appris à gérer le risque dit de la « personne-clé », allant parfois jusqu’à s’assurer contre l’éventualité de perdre leurs principaux dirigeants en raison d’un décès, d’une maladie, d’une blessure... Mais l’effondrement de la plateforme d’échange de cryptomonnaies FTX, la baisse vertigineuse du prix des actions de Meta et le chaos semé au sein de Twitter à la suite de son rachat par Elon Musk laissent penser que les « personnes-clés » peuvent faire courir des dangers d’un tout autre ordre. Investisseurs et prêteurs devraient peut-être songer à souscrire à une prime d’assurance pour se protéger de l’entrepreneur starisé qui peut un jour devenir un dictateur égocentrique et, ce faisant, jeter leur argent par les fenêtres.

Acte de foi

Après l’effondrement de la bulle numérique au début du siècle, l’investisseur américain Warren Buffet avait lancé, on s’en souvient, que « c’est quand la mer descend qu’on s’aperçoit qui ne portait pas de maillot de bain ». Ainsi en va-t-il des cycles de l’économie moderne : les marées les emportent de l’optimisme au pessimisme et de l’expansion à l’effondrement. Et Buffet aurait pu ajouter que c’est durant les marées montantes d’optimisme que les précautions doivent être prises.

C’est évidemment ce qui est arrivé avec Sam Bankman-Fried et FTX, société valorisée au début de l’année à quelque 32 milliards de dollars. Certes, il est difficile pour les investisseurs de se protéger contre de tels corsaires. Les soutiens de sociétés comme FTX sont friands de paris risqués qui peuvent leur rapporter de conséquents bénéfices. Néanmoins, l’investisseur avisé devrait savoir détecter les signes qui montrent la transformation d’un corsaire en pirate. Avec Bankman-Fried, les indices ne manquaient pas, à commencer par le fait qu’il dirigeait son entreprise en compagnie de quelques très proches depuis une terrasse aux Bahamas.

Dès lors que l’investissement est avant tout une question de paris sur un avenir par nature incertain, la confiance, voire la foi, tout autant que l’art de vendre constituent une grande part du jeu. Et si les investisseurs soutiennent officiellement des modèles économiques, leur foi dans les projets de développement dépend bien souvent de celle qu’incarne une seule personne. La fondatrice de Theranos, Elizabeth Holmes, qui vient d’être condamnée à une peine de prison pour escroquerie, peut avoir cru ou ne pas avoir cru que son entreprise allait révolutionner l’industrie du diagnostic et des tests sanguins. Ce qui comptait, c’était sa capacité à convaincre les investisseurs qu’avec assez d’argent, sa vision miraculeuse deviendrait réalité.

Un portefeuille diversifié constitue la première des défenses contre les pertes causées par des fraudes ou des estimations erronées. Toute l’industrie du capital-risque est fondée sur l’idée que si l’on parie sur des start-up suffisamment ambitieuses, les gains des rares succès outrepasseront largement les pertes occasionnées par les flops et les arnaques. Durant la longue période des capitaux presque gratuits – à quoi s’ajoutaient des marchés potentiellement disponibles pour les entreprises technologiques –, les arguments de vente étaient devenus très séducteurs et les paris ont augmenté en conséquence. Mais les principes de base n’en avaient pour autant pas changé.

Sentiment de toute-puissance

Avec des entrepreneurs aussi aguerris – et qui sont aujourd’hui des superstars – que Mark Zuckerberg, le patron de Meta, ou Elon Musk, celui, désormais, de Twitter, la question est plus complexe. Ayant fait leurs preuves au cours des vingt dernières années, ils font figure aujourd’hui de vétérans. Mais il n’est pas inutile de rappeler que Napoléon Bonaparte était lui aussi un vétéran en matières politique et militaire lorsqu’il entreprit sa désastreuse invasion de la Russie en 1812.

Tandis que les succès appellent les succès, tandis que les milliards s’accumulent à mesure que les empires s’étendent, deux choses surviennent. Premièrement, l’entreprise – ou, dans le cas de Musk, l’empire entrepreneurial – devient tellement importante et complexe qu’elle a besoin de responsables de plus en plus spécialisés, de structures mieux organisées et de nombreux mécanismes de contrôle. Mais, et c’est le second point, ceux qui construisent en partant de rien ces entreprises multimilliardaires en viennent souvent à faire montre d’un sentiment de toute-puissance et d’impunité, se comportant comme si tout cet échafaudage ne faisait que contrarier leur vision.

Les nombreuses années de capitaux bon marché ont masqué cette tendance. Les vaches grasses ont duré si longtemps que nombre d’investisseurs ont oublié les fondamentaux, tandis que les responsables politiques, trop heureux des emplois créés et de la croissance des nouveaux secteurs, se montraient excessivement indulgents envers les milliardaires de la tech, souvent devenus d’importants donateurs.

Meta est un cas d’espèce. Quiconque détenant des actions de cette entreprise aurait dû apercevoir le risque lié à la structure actionnariale duale de la compagnie. Alors que Zuckerberg ne détient que 11 % de l’ensemble des actions, ses droits de vote représentent environ 55 % des parts, ce qui lui donne carte blanche dans les décisions qui concernent sa société. Quand tout allait bien, une telle structure – qui régit aussi d’autres sociétés de la tech, comme Alphabet (Google) – a pu sembler pertinente. Mais depuis que les actions Meta ont perdu les trois quarts de leur valeur en un an et que Zuckerberg joue son entreprise à coups de milliards investis dans la création d’une expérience de réalité virtuelle (le métavers), les investisseurs se révoltent, alors que c’est eux-mêmes qu’ils devraient d’abord blâmer.

Musk et ses créanciers écouteront-ils la leçon ? Jusqu’à maintenant, son comportement semble augurer que ceux qui sont embarqués dans l’aventure paieront cher pour l’apprendre. Après avoir mis à la porte la moitié du personnel de l’entreprise, il doit maintenant trouver les moyens de rendre Twitter suffisamment rentable pour justifier son prix d’achat de 44 milliards de dollars. Et cela alors que nombre d’annonceurs importants –la principale source de revenus de la plateforme – ont déjà suspendu leurs campagnes publicitaires.

Après la retraite de Russie, Napoléon a livré de nouvelles batailles, certaines d’entre elles avec grand talent, mais sa réputation d’invincibilité était à jamais brisée. Lorsque l’empereur est nu, tout le monde s’en aperçoit.

Copyright : Project Syndicate, 2022.

Par Bill EMMOTT

Ancien rédacteur en chef de « The Economist » et codirecteur de la Global Commission for Post-Pandemic Commission.

Les entreprises ont appris à gérer le risque dit de la « personne-clé », allant parfois jusqu’à s’assurer contre l’éventualité de perdre leurs principaux dirigeants en raison d’un décès, d’une maladie, d’une blessure... Mais l’effondrement de la plateforme d’échange de cryptomonnaies FTX, la baisse vertigineuse du prix des actions de Meta et le chaos semé au...

commentaires (1)

Respectueusemnt: il ne faudrait pas se mélanger les pédales entre un va-nu-pied escrow et un visionnaire qui a imvesti son dernier centime pour le bien de l'humanité... le titre de cet article est vraiment désolant, sorry!!

Nabil Bejjani

15 h 31, le 04 décembre 2022

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Commentaires (1)

  • Respectueusemnt: il ne faudrait pas se mélanger les pédales entre un va-nu-pied escrow et un visionnaire qui a imvesti son dernier centime pour le bien de l'humanité... le titre de cet article est vraiment désolant, sorry!!

    Nabil Bejjani

    15 h 31, le 04 décembre 2022

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