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Nos Lecteurs ont la Parole

Pour une architecture signifiante de la ville

Pour une architecture signifiante de la ville

Photo Élie Abi Hanna

Les villes sont nées de l’agriculture et de la sédentarisation. Ce statut les avait marquées pendant quatre mille ans avant de passer à la révolution industrielle. Il y eut soudain rejet du passé et invention d’un nouveau modèle urbain en rupture avec tout ce qui avait été. La grille de la rue et celle de la place se transforment en des entassements de routes, parcs, immeubles et maisons étrangers les uns aux autres. Une nouvelle référence se crée se rapportant à une logique technique qui remplace l’ordre millénaire devenu symbolique.

L’art urbain se base sur une maîtrise des espaces négatifs non construits qui ont une caractéristique définie variant d’une ville à une autre et d’un quartier à un autre. Ces espaces non bâtis sont déterminés par le mode de vie, le climat et la topographie. Reste à dire que l’architecture est la limite physique de cet espace extérieur qu’elle détermine. Seule notre époque a été capable de dépasser ces principes aussi élémentaires en les transgressant.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la poussée démographique et la révolution industrielle orientent l’architecture vers le fonctionnel, l’industrialisation des modes de construction et l’emploi des matériaux préfabriqués.

Espace urbain, espace de vie. Photos fournies par G.B.

En outre, la charte d’Athènes et les théories de Le Corbusier en matière d’urbanisme ont été à la base de la reconstruction et du développement des villes du XXe siècle. L’objectif de cette charte se base sur la séparation des fonctions de la ville, le dégagement du sol sans prendre en considération aucun élément de la structure de la ville traditionnelle. Cela a mené au zoning, au système parcellaire, au pilotis qui prennent une grande responsabilité dans la destruction des tissus urbains existants. Ce qui a mené à une désagrégation de l’espace urbain et à un éclatement de sa structure.

Nous constatons que, d’une part, les espaces libres deviennent des espaces résiduels et discontinus sans relation ni échange et, d’autre part, ils transforment la ville en collection de bâtiments isolés et juxtaposés qui ont perdu leur contact avec le sol, avec eux-mêmes et avec l’espace qui les définit. Cet état des choses fait perdre à l’architecture un de ses rôles, celui de limiter les espaces extérieurs qui ont toujours été un besoin chez l’homme qui remonte à des millénaires. Citons à cet égard les mégalithes dans l’Antiquité ou le besoin de définir l’espace extérieur pour y vivre.

Ajoutons à cela l’influence néfaste sur les architectes du mouvement de Stijl et de la peinture de Mondrian qui ont transformé les plans-masses en tableaux et les maisons en sculptures, réduisant la ville à un musée d’art au lieu qu’elle soit un lieu de vie. La ville s’éloigne de sa structure initiale. Une belle architecture ne fait pas nécessairement une belle ville.

Cette conception moderne de l’architecture et de l’urbanisme de la première moitié du XXe siècle et qui fut pratiquée après les années cinquante (jusqu’à nos jours au Liban par l’application des lois de construction et d’urbanisme) se singularise par l’importance accordée aux facteurs

techno-urbains au détriment des facteurs socio-urbains. L’espace de la ville est banalisé, il se réduit à des pratiques d’activité fonctionnelles et stéréotypées.

La ville est aujourd’hui l’enjeu d’une série de débats passionnés qui cherchent à dégager sa valeur culturelle. Villes marquées par la mémoire face aux banlieues et aux grands ensembles et lotissements pavillonnaires. Aldo Rossi débute ce débat par la publication en 1966 de son livre L’architecture de la ville. L’importance de ce livre est d’avoir aidé à comprendre davantage la relation entre monument et tissu urbain (unicum et continuum). Il permet d’utiliser aussi la typologie comme instrument de travail. Il s’agit en fait de déterminer les agrégats typologiques constants qui composent la morphologie urbaine.

Cette hypothèse est à la base d’une architecture où le bâtiment est un fragment d’un ensemble qui est la ville et qui lui est lié par des systèmes combinatoires déjà établis. Ce qui implique que tout projet architectural est conçu en liaison étroite avec l’usager et son cadre de vie. Chaque élément du bâti serait conçu en connivence avec le cadre naturel, le cadre déjà construit ou à construire. En effet, le bâti n’est pas conçu uniquement en rapport avec son fonctionnement interne, paramétrique et esthétique, mais plutôt en relation avec les espaces urbains qui le déterminent.

Une analyse du site est nécessaire sur les plans morphologique et social, avant la conception de tout projet architectural d’une ville. Ce projet doit être pensé en se basant sur l’espace intérieur et extérieur, le plein et le vide, le fond et la forme, l’objet et l’espace. Nous habitons à la fois le dehors et le dedans.

Somme toute, l’organisation physique de la ville découle des solutions architecturales qui sont produites dans un lieu de vie, un lieu où se rencontrent impératifs et données.

L’échec de la pratique de l’urbanisme et de l’architecture du XXe siècle de trouver une nouvelle alternative du modèle urbain nous a poussés à avoir recours à la forme de la ville traditionnelle marquée par la mémoire collective et la culture. Mais cela n’empêche pas à l’avenir qu’une évolution dictée par la communication nouvelle arrive à donner de nouvelles formes urbaines et architecturales souhaitées.

Architecte D.P.L.G.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Les villes sont nées de l’agriculture et de la sédentarisation. Ce statut les avait marquées pendant quatre mille ans avant de passer à la révolution industrielle. Il y eut soudain rejet du passé et invention d’un nouveau modèle urbain en rupture avec tout ce qui avait été. La grille de la rue et celle de la place se transforment en des entassements de routes, parcs, immeubles et...

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