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Lifestyle - Mode

L’air du temps a tourné, Gucci se sépare d’Alessandro Michele

L’air du temps a tourné, Gucci se sépare d’Alessandro Michele

Le 14 janvier 2020, le designer Alessandro Michele clôture la présentation de la collection Gucci automne-hiver 2021. Miguel Medina/AFP

La rumeur circule à travers les réseaux sociaux depuis une dizaine de jours, mais le couperet est sans doute déjà tombé depuis plusieurs mois : Alessandro Michele quitte la direction artistique de Gucci. La nouvelle a été annoncée mercredi 23 novembre. Depuis le Covid, la marque-clé de Kering est à la peine. Gucci, qui enregistrait en 2021 55 % des ventes du groupe, a affiché un ralentissement malsain en 2022. L’une des principales raisons de ce déclin est en grande partie due au marché chinois, grand client de la griffe, d’abord séduit et tout à coup lassé par le style rock baroque, androgyne, décomplexé, hypercoloré, exubérant et clinquant d’Alessandro Michele. La politique de gestion de pénurie adoptée par la marque, qui déposait sur le marché des quantités limitées de produits à des prix inaccessibles au grand public, a également poussé le fantasme Gucci à son paroxysme.

La politique zéro Covid de la Chine a sans doute creusé le manque à gagner de la marque, mais les observateurs constatent aussi une lassitude de l’excès qui la caractérise. Pas plus sa récente collaboration avec Adidas, dont a résulté une hybridation détonante, que le surprenant défilé printemps-été 2023 Gucci Twinsburg à la Semaine milanaise de la mode, présenté par des mannequins jumeaux séparés par un mur qui tombe à la fin, ne semblent avoir sauvé la griffe au double G du désamour insidieux qui érode son chiffre d’affaires. Les grandes maisons de mode ont pourtant toujours anticipé l’air du temps et pris avec justesse le pouls du monde. À l’ascension des femmes, elles répondaient avec des tenues puissantes, parfois militaires ; dans les périodes de fragilité, elles déployaient des vestiaires cocons ; quand le futur avançait trop vite, elles répondaient à la nostalgie en revisitant le vintage ; dans les périodes de récession, elles jouaient par contraste la joie de vivre, l’érotisme, les couleurs…et la longueur de l’ourlet. Le départ prématuré de Michele est à cet le symptôme de changements de stratégie radicaux dont la forme est encore floue.

Gucci se sépare d’Alessandro Michele après de longues années de collaboration. Miguel Medina/AFP

Arrivé à la direction artistique de Gucci en 2015, Alessandro Michele, qui a fêté ses 50 ans vendredi, avait fait ses études à Rome, à l’Accademia di costume & di moda. Après des débuts chez Les Copains dans l’accessoire, il rejoint Fendi dans la même catégorie à la fin des années 1990. C’est là que le repère et le recrute Tom Ford qui, au début des années 2000, s’affaire à dépoussiérer l’image de Gucci en forçant sur le luxe extravagant et le porno chic. Michele devient ensuite le bras droit de la directrice artistique de la Frida Giannini, qu’il remplace naturellement à son départ.

Cultivant un style hippie emprunté aux années 1970, cheveux longs portés lâches sur le devant, colliers, barbe et lunettes noires, Alessandro Michele est notamment l’impardonnable inventeur, pratiquement l’année où il prend les rênes de la création, des mules tapissées de fourrure débordante, construites sur le modèle de l’élégant mocassin Princeton de la maison et qui donnent l’impression que la personne qui les porte a écrasé un chaton. Dans la foulée, il lance pour l’automne-hiver 2015 une collection follement audacieuse et romantique, toute de dentelles et de velours, lavallières et jabots, qui met en avant la lingerie comme vêtement d’extérieur, expose l’intime et transforme le pyjama de soie en tenue de soirée. Sept ans durant, Gucci devient l’emblème du luxe excentrique et exclusif. Plus que jamais, le double G s’affiche comme signe extérieur de richesse et de réussite.

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Le départ de Michele a été annoncé par lui-même à travers un long message sur ses réseaux sociaux, où l’on peut lire : « Il arrive que les chemins se séparent en raison des perspectives différentes que chacun d’entre nous peut avoir. Aujourd’hui s’achève pour moi un parcours qui a duré plus de vingt au sein d’une entreprise à laquelle j’ai inlassablement consacré tout mon amour et ma passion créative. Pendant cette longue période, Gucci a été mon foyer, ma famille d’adoption. À cette famille élargie, à toutes les personnes qui ont pris soin d’elle et l’ont soutenue, j’adresse mes plus sincères remerciements, ma plus grande et ma plus sincère étreinte. Avec eux, j’ai souhaité, rêvé, imaginé. Sans eux, rien de ce que j’ai construit n’aurait été possible. Je leur adresse mon vœu le plus sincère : que vous puissiez continuer à cultiver vos rêves, cette matière subtile et intangible qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Puissiez-vous continuer à vous nourrir d’une imagerie poétique et en restant fidèles à vos valeurs. Que vous viviez toujours de vos passions, poussés par le vent de la liberté. »

Le patron du géant François-Henri a déclaré pour sa part : « Le chemin parcouru ensemble par Gucci et Alessandro ces dernières années est et restera comme un moment extraordinaire dans l’histoire de la maison. Je suis reconnaissant à Alessandro de s’être investi de manière aussi personnelle dans cette aventure. Sa passion, son imagination, sa fantaisie et sa culture ont contribué à remettre Gucci sur le devant de la scène, où se trouve sa place. Je lui souhaite le meilleur pour la suite de son parcours créatif. » De tout cela, on peut conclure que Kering a décidé de réparer une machine qui marchait encore très bien, anticipant le moment où elle pourrait se gripper. Bien qu’à peine perceptible, la lassitude manifestée par les acheteurs de Gucci préfigure une nouvelle ère chargée de rêves et de tropismes différents. Une nouvelle clientèle émerge. Qui saura le mieux l’écouter ? Le mercato est ouvert et les paris sont lancés.

La rumeur circule à travers les réseaux sociaux depuis une dizaine de jours, mais le couperet est sans doute déjà tombé depuis plusieurs mois : Alessandro Michele quitte la direction artistique de Gucci. La nouvelle a été annoncée mercredi 23 novembre. Depuis le Covid, la marque-clé de Kering est à la peine. Gucci, qui enregistrait en 2021 55 % des ventes du groupe, a...

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