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Culture - Rencontre

Asghar Farhadi : La fillette dans « Une séparation » est comme la jeunesse iranienne, libre de son choix

Le cinéaste iranien est une leçon de cinéma, de vie et d’humanisme. Dans le cadre de la 19e édition du Festival de Marrakech où il a animé une masterclass, et dans le programme « En conversation avec... », il a évoqué son parcours, non sans avoir salué avec beaucoup d’espoir (et de courage) la révolte iranienne.

Asghar Farhadi : La fillette dans « Une séparation » est comme la jeunesse iranienne, libre de son choix

Asghar Farhadi « La jeunesse iranienne veut choisir son avenir. » Photo AFP

C’est à 13 ans qu’Asghar Farhadi réalise son premier court-métrage : deux garçons se disputent un transistor et finissent par en avoir la garde alternée, mais malheureusement, à cause de ce modus vivendi, ils finissent par rater tous les deux leur émission préférée. Déjà pointait à l’horizon le cinéaste épris de justice, d’équité. « Depuis ce jour, j’avais ce souci de qui avait tort et qui avait raison. Mais mon premier contact avec le cinéma était un film que j’avais été voir avec un copain et dont j’avais raté la première partie. J’ai longtemps, par la suite, tenté de le reconstruire dans mon esprit, d’où l’idée de faire des films. »

Le public est juge

Asghar Farhadi, lauréat de deux oscars du meilleur film en langue étrangère – pour Une séparation, en 2012 (également primé d’un Ours d’or à la Berlinale 2011) et pour Le client, en 2017 (également récompensé à Cannes en 2017 du prix du meilleur scénario) –, s’est, au fil de ses films précités mais aussi dans About Elly (Ours d’argent à la Berlinale 2009), créé un style qui lui est propre. Une signature Farhadi que l’on retrouve dans toutes ses œuvres, même s’il en a tourné certaines hors de son pays natal, comme Everybody Knows en 2018. « Le cinéma que j’aime est celui qui demeure démocratique et qui laisse au spectateur la liberté de penser, de décider », indique-t-il lors d’une conversation avec des journalistes et des étudiants lors du Festival du film de Marrakech. Et de poursuivre : « Depuis le début de l’industrie du film, il y avait cette fascination comme pour de la magie de la part du public et ce regard rivé de bas en haut. Peu à peu, ce regard vertical du réalisateur est devenu égalitaire, car ce serait une manière omnipotente que ce dernier décide tout seul, avant même que le spectateur ne voie le film, de l’attitude à prendre. Ce que j’essaie de faire, et je n’y suis pas encore tout à fait parvenu, c’est de me retirer de ce jugement qui doit disparaître de plus en plus. » Pour appuyer ses propos, la sublime scène d’ouverture d’Une séparation, lorsque le couple s’adresse au juge, invisible, du spectateur, la caméra se trouvant à la place du magistrat. C’est elle – et par conséquent l’audience – qui est le véritable juge.

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Ses films ont toujours recueilli l’appréciation du public international, même si à ses débuts et selon les dires d’un ami à lui, Farhadi ne pouvait toucher que l’audience iranienne. Les prix glanés entre-temps contredisent bien entendu les propos de ce proche. « Quand j’ai écrit ce film, on m’a dit qu’il ne marcherait qu’en Iran. Je me suis dit : “Peu importe.” Or dès qu’il a été vu à Berlin, il a été compris tout comme en Iran. Il est en effet impossible pour un cinéaste de savoir à l’avance comment son film sera perçu. C’est à l’instar d’un match de foot. On a beau se préparer, on ne sait pas si on va gagner. Mais il est certain que l’ouverture et la clôture d’un film sont des scènes qui encadrent les morceaux de puzzle et qui sont décisives pour le reste du jeu. »

Asghar Farhadi : « La jeunesse iranienne veut choisir son avenir. » Photo AFP

C’est la jeunesse qui décide

Quant aux thèmes de ses œuvres, le réalisateur a toujours eu le souci de rapprocher le réalisme avec le thriller. Il y a toujours une tension sous-jacente dans ses films. « Il y a beaucoup de thrillers qui ont eu leur heure de gloire et qui sont des chefs-d’œuvre, dit-il, mais qui ne sont pas réalistes, comme ceux de Hitchcock, qui ne nous renseignent pas sur l’Amérique de l’époque. Mon but dans le cinéma, c’est de rapprocher ces deux courants : le réalisme et l’enjeu dramatique, qui paraissent incompatibles parce que le suspense est en général un genre très construit et minutieux, un peu artificiel. »

Autre détail très spécifique du cinéma d’Asghar Farhadi, l’importance du son. « Le son est plus important que l’image car, dans un film, l’œil s’habitue petit à petit à l’image, mais c’est le son qui transmet les autres infos. Le choix des sons se fait dès l’écriture du film », dit-il.

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Après avoir décortiqué ses films et parlé de sa carrière si riche et remplie, Asghar Farhadi rappelle à l’audience la dernière scène d’Une séparation, lorsqu’il est demandé à la fillette de onze ans de choisir le parent avec qui elle voudrait vivre : le père ou la mère ? « C’est cette même jeunesse aujourd’hui qui s’est révoltée et qui ne veut plus que les parents décident à sa place de son futur avenir », martèle le cinéaste iranien.

L’Iran est confronté depuis plus de deux mois à une vague de manifestations déclenchée par la mort de Mahsa Amini, une Kurde de 22 ans décédée trois jours après son arrestation à Téhéran pour infraction au code vestimentaire strict imposé par la République islamique.

Asghar Farhadi a déclaré qu’il suivait « de très près » les événements dans son pays.

« Je veux saisir cette occasion pour saluer mon peuple, la nouvelle génération, les femmes et les hommes qui sont descendus dans la rue et qui tentent de prendre leur destin en main », a-t-il déclaré à la presse. L’Iran fait face à un « moment extrêmement décisif » et « ne sera plus le même pays » après ce mouvement de protestation, a-t-il estimé. « La question est de savoir comment ce mouvement et ces manifestations vont se terminer. L’unité nécessaire entre les Iraniens pour que le pays aille de l’avant sera-t-elle maintenue ? » s’interroge le réalisateur.

C’est à 13 ans qu’Asghar Farhadi réalise son premier court-métrage : deux garçons se disputent un transistor et finissent par en avoir la garde alternée, mais malheureusement, à cause de ce modus vivendi, ils finissent par rater tous les deux leur émission préférée. Déjà pointait à l’horizon le cinéaste épris de justice, d’équité. « Depuis ce jour, j’avais ce...

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