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Culture - Beyrouth Livres

Les quatre finalistes du 120e prix Goncourt annoncés depuis Beyrouth

L’Académie Goncourt a honoré son engagement. Son président Didier Decoin a annoncé les quatre derniers sprinteurs du prestigieux prix à partir de la Résidence des Pins.

Les quatre finalistes du 120e prix Goncourt annoncés depuis Beyrouth

Les représentants de l'académie Goncourt à Beyrouth, le 25 octobre 2022. Photo D.R.

Les membres de l’Académie Goncourt, à Beyrouth à l’invitation du festival Beyrouth Livres, ont dévoilé mardi 25 octobre leur troisième et dernière liste de prétendants au prestigieux prix. C’est le président de l’Académie Didier Decoin, accompagné de son secrétaire général Philippe Claudel et des académiciennes et auteures Camille Laurens et Paule Constant, qui a annoncé les quatre romans toujours en lice pour le prix Goncourt 2022. Il s’agit de : Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli (Gallimard), Vivre vite de Brigitte Giraud (Flammarion), Les Presque Sœurs de Cloé Korman (Seuil), Une Somme humaine de Makenzy Orcel (Rivages).

C’est à la Résidence de Pins – le lieu même où, le 1er septembre 1920, le général Henri Gouraud avait proclamé l’État du Grand Liban – que les académiciens présents ont annoncé les derniers sprinteurs du prestigieux prix. Ils étaient entourés de l’ambassadrice de France Anne Grillo, de la conseillère d’action et de coopération culturelle et directrice de l’Institut français du Liban Sabine Sciortino, du directeur adjoint de l’Institut français du Liban, conseiller adjoint de coopération et d’action culturelle, attaché audiovisuel régional Guillaume Duchemin, ainsi que de l’attaché pour le livre et le débat d’idées à l’IFL et commissaire général de Beyrouth Livres Mathieu Diez.

Apparus trois minutes dans le grand salon de la Résidence des Pins pour donner lecture du résultat de la délibération effectuée par visioconférence avec les jurés du prix qui n’ont pas fait le déplacement, les quatre académiciens se retirent discrètement derrière une porte latérale. Les journalistes, interloqués, se demandent : « C’est fini ? » « Ils vont revenir pour répondre à vos questions », rassure le commissaire général de Beyrouth Livres Mathieu Diez.

« Ils sont repartis pour finir le dessert », s’amuse une personne de l’assistance. Le temps de siroter un café, voilà qu’ils réapparaissent en file indienne. Bien calés confortablement dans des fauteuils, encerclés par des représentants de médias, ils attendent patiemment la première question. Qui fuse : « Comment se sont déroulées les délibérations hors Drouant ? » « Très très bien, répond le président de l’Académie. On est bien ici », soupire-t-il d’aise.

Didier Decoin se déclare satisfait de cette liste « éclectique, paritaire et qui célèbre la francophonie » puisqu’elle comporte deux autrices et deux auteurs, dont l’un est haïtien et l’autre italo-suisse.

« Je n’en pense que du bien puisqu’il figurait dans la première sélection du Goncourt », affirme Decoin à propos de l’ouvrage Beyrouth-sur-Seine du Libanais Sabyl Ghoussoub.Pour l’académicien en chef, il n’y a aucun doute : le critère principal de sélection des livres au prestigieux prix reste : le plaisir de lire. « Au départ, c’est cela. Après, nous affinons. » Philippe Claudel renchérit. Les jurés sont d’abord mus par « le désir de découvrir de nouvelles voix, de nouveaux livres, et de les partager entre nous durant tout l’été au fil de nos lectures, et puis ensuite lorsque nous nous retrouvons, nous avons un fonctionnement tout à fait démocratique » pour voter et additionner les points.

« Ah ça, c’est complètement bidon ! »

La venue des académiciens à Beyrouth est d’autant plus symbolique pour le Liban après le désistement de leurs collègues. « Il faut savoir pourquoi ils ne sont pas venus », remarque Decoin qui précise que Françoise Chandernagor ne pouvait pas se déplacer, Patrick Rambaud ne se sentait pas bien. Et les quatre autres se sont désistés pour des raisons sécuritaires. « Vous avez les meilleurs », taquine Claudel. Rires dans la salle. « Il arrive parfois qu’un livre favori ne passe pas après la première sélection, indique pour sa part Paule Constant, c’est le cas de Notre si chère vieille dame auteure d’Anne Serre. Ça s’appelle la démocratie. »

Les académiciens assurent que les maisons d’édition n’entrent pas en jeu dans la sélection du prix. « Ah ça, c’est complètement bidon ! » lance Didier Decoin, en citant plusieurs lauréats non édités par de grandes maisons françaises. « Au Seuil, cela fait dix ans qu’ils n’ont pas eu le Goncourt », assure-t-il.

Qui part favori alors parmi les quatre finalistes ? « Cela reste très ouvert », assurent les académiciens en chœur tout en reconnaissant qu’il y a des années où un livre se distingue depuis le début, comme c’était le cas pour Les Bienveillantes de Jonathan Littell. « Ce n’est pas du tout le cas cette année. Nous avons des goûts et des sensibilités différents les uns des autres. » Philippe Claudel acquiesce : « Jonathan le savait très tôt parce que je me souviens d’un entretien début septembre où il disait : Cela va être très difficile pour moi de ne pas avoir le Goncourt cette année. » Re-rires dans la salle.

C'est la seconde fois qu’une telle annonce se fait depuis Beyrouth. La première avait eu lieu en 2012 lors du Salon du livre « Lire en français et en musique ».

Ce déplacement à l’étranger avait pour but de marquer un geste fort de soutien envers le peuple libanais à l’occasion de ce festival du livre organisé par l’ambassade de France, l’Institut français et divers partenaires du livre.

Mais Beyrouth Livres, qui accueille une centaine d’auteurs francophones venus du monde entier pour participer à une quarantaine de rencontres, de débats, de concerts et d’ateliers de travail, a été secoué par un incident diplomatique. À son origine, une déclaration du ministre de la Culture Mohammad Mortada dans laquelle il accusait des invités du festival, sans les nommer, « d’embrasser les projets sionistes dans la presse et dans la politique ». Suite à ces propos, les écrivains Éric-Emmanuel Schmitt, Tahar Ben Jelloun, Pierre Assouline et Pascal Bruckner, tous membres de l’Académie, avaient annulé leur participation. De même que l’écrivain franco-libanais Sélim Nassib et le dramaturge libano-franco-canadien Wajdi Mouawad qui s’est dit retenu à Paris par des « engagements professionnels ». Parmi les raisons invoquées par les académiciens « la situation sécuritaire dans le pays ».

Dans un texte relayé sur son blog aujourd’hui mardi 25 octobre, l’écrivain Tahar Ben Jalloun définit sans équivoque les raisons de son désistement : il s’agit bien des propos du ministre qui sont en cause. « Pourquoi ai-je refusé de me rendre à Beyrouth ? se demande Ben Jalloun. À ce que je sache, je ne suis pas sioniste, loin de là. Mais le fait d’avoir appuyé les accords d’Abraham qui ont reconnu la marocanité du Sahara et la reprise des relations avec Israël ferait de moi un sioniste. » Et d’ajouter : « Le ministre libanais visait certainement Pierre Assouline et Pascal Bruckner, deux écrivains ayant toujours défendu l’État d’Israël. Quant à moi, mes prises de position politiques ne peuvent pas plaire à cet homme entre les mains du pouvoir iranien. L’Iran est un État qui a toujours été un adversaire de mon pays… J’aime le Liban, pays blessé, meurtri, pillé et laissé dans une grande solitude. Mais tant qu’il n’a pas le pouvoir, les moyens et les hommes qu’il faut pour se débarrasser d’un corps étranger sur son sol, le Hezbollah, il ne pourra pas se relever. »

Pour Tahar Ben Jelloun, l’Académie Goncourt aurait pu décider de ne pas se rendre au Liban. « Mais nous fonctionnons démocratiquement. Le président et le secrétaire général ont plaidé pour la présence, une façon de dire au ministre que “nous ne tenons pas compte” de ses déclarations belliqueuses. Chacun a pris sa décision d’y aller ou de ne pas y aller en toute liberté », indique l’auteur.

Les membres de l’Académie Goncourt avaient révélé, mardi 4 octobre 2022, leur deuxième sélection de huit auteurs en lice pour le Goncourt 2022 : Le Cœur ne cède pas de Grégoire Bouillier ; Les Liens artificiels de Nathan Devers ; Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli ; Vivre vite de Brigitte Giraud ; Les Presque Sœurs de Cloé Korman ; Une Somme humaine de Makenzy Orcel ; La Petite Menteuse de Pascale Robert-Diard ; La Vie clandestine de Monica Sabolo.

La première liste, révélée le 6 septembre 2022, comprenait 15 romans. Parmi eux, le jeune auteur et journaliste franco-libanais Sabyl Ghoussoub (qui tient une chronique littéraire dans nos colonnes) pour son troisième roman Beyrouth-sur-Seine (éd. Stock).

C’est le jeudi 3 novembre 2022, dans le traditionnel restaurant Drouant cette fois-ci, que sera dévoilé le nom du successeur de Mohamed Mbougar Sarr, 119e lauréat pour son roman La plus secrète mémoire des hommes (Philippe Rey/Jimsaan).

Le prix Goncourt, c’est quoi ?

Le prix Goncourt est un prix littéraire français récompensant des auteurs d’expression française, créé par le testament d’Edmond de Goncourt en 1892. La Société littéraire des Goncourt a été officiellement fondée en 1902 et le premier prix Goncourt proclamé le 21 décembre 1903.Le prix Goncourt est décerné chaque année au début du mois de novembre. Le montant de son prix est de 10 euros. Mais il est évident qu’il est d’un tout autre apport financier, un tirage très important étant assuré au livre couronné par le Goncourt.

Les 4 finalistes du Goncourt 2022

L’Italo-Suisse Giuliano da Empoli, avec Le Mage du Kremlin (Gallimard), roman sorti en avril, raconte l’itinéraire d’un conseiller fictif de Vladimir Poutine, l’occasion de revenir sur l’histoire de la Russie depuis l’éclatement de l’Union soviétique.

Dans Vivre vite (Flammarion), Brigitte Giraud évoque les derniers jours de son mari, tué dans un accident de moto en 1999, et les suites de ce drame.

Cloé Korman, avec Les Presque Sœurs (Seuil), signe une enquête sur des enfants victimes de la Shoah, cousines de son père.

Le Haïtien Makenzy Orcel, dans Une Somme humaine (Rivages), fait parler d’outre-tombe, sur 600 pages dans une langue foisonnante et ininterrompue, une femme habitée par la poésie et la violence.

Ce mercredi à Beyrouth Livres

– Rencontre avec les membres de l’Académie Goncourt – Amphithéâtre du musée Sursock à 18h, suivie d’une vente d’ouvrages et signature par les académiciens.– Rencontre/signature de l’ouvrage Zahlé, le Liban au cœur avec Pascale Stéphan et Moussa Trad – Institut français du Liban à Zahlé de 15h à 17h.

Les membres de l’Académie Goncourt, à Beyrouth à l’invitation du festival Beyrouth Livres, ont dévoilé mardi 25 octobre leur troisième et dernière liste de prétendants au prestigieux prix. C’est le président de l’Académie Didier Decoin, accompagné de son secrétaire général Philippe Claudel et des académiciennes et auteures Camille Laurens et Paule Constant, qui a annoncé...

commentaires (1)

"le lieu même où, le 1er septembre 1920, le général Henri Gouraud avait proclamé l’État du Grand Liban - " Ya far7etna! Quelle idée saugrenue! En cent ans, on n'a pas connu une année entière sans problème!

Georges MELKI

15 h 43, le 25 octobre 2022

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Commentaires (1)

  • "le lieu même où, le 1er septembre 1920, le général Henri Gouraud avait proclamé l’État du Grand Liban - " Ya far7etna! Quelle idée saugrenue! En cent ans, on n'a pas connu une année entière sans problème!

    Georges MELKI

    15 h 43, le 25 octobre 2022

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