Rechercher
Rechercher

Société - Témoignages

Le combat inachevé et continu des féministes de la thaoura

Trois ans après le soulèvement du 17 octobre 2019, quatre figures féministes qui étaient en première ligne des manifestations confient leurs impressions sur l’impact du mouvement sur la cause féminine, avec du recul et un œil critique.

Le combat inachevé et continu des féministes de la thaoura

Au cours d’une des veillées de la thaoura en 2019, un graffiti assorti de l’un des slogans du mouvement : « La révolution est une femme ». Photo DR

La nuit du 17 octobre 2019, la foule commence à s’agglutiner place Riad el-Solh au centre-ville de Beyrouth. Les femmes sont nombreuses dès ce premier jour de la contestation, déclenchée suite à l’annonce d’une taxe sur les échanges WhatsApp. Au fil du temps, elles prennent une place majeure dans les manifestations. Durant ces mois de mobilisation, les slogans féministes se sont greffés sur l’ensemble des revendications populaires, comme nombre d’autres campagnes.

Mais encore aujourd’hui, trois ans après le mouvement, seules 8 députées (sur un total de 128) siègent au Parlement, dont 4 issues du « changement ». Dans un pays où 75 % des femmes en âge de travailler sont sans emploi, selon les chiffres de la Banque mondiale, certaines luttent pour conquérir une place qui leur revient de droit. Pour les trois ans de la thaoura, L’Orient-Le Jour a rencontré quatre féministes qui n’ont pas dit leur dernier mot.

Convergence des luttes
Nidal Ayoub était l’une des figures féministes les plus en vue au cours de la thaoura. Cette trentenaire, qui vit toujours au Liban, est aujourd’hui sans emploi, après avoir travaillé sur la performance théâtrale Le trou noir aux côtés de l’activiste Hachem Adnane, abordant la situation des employées de maison immigrées au Liban et des violations des droits humains auxquelles elles sont exposées.

Nidal Ayoub haranguant la foule à l’aide d’un haut-parleur. Photo DR

Durant la thaoura, Nidal faisait partie d’un groupe de féministes non officiel et sans nom qui se réunissait pour créer un contre-discours à celui du pouvoir. « Comme nous croyons à la convergence des luttes, nous soulevions des questions peu présentes dans le débat public : les réfugiés, les homosexuels, les employées de maison immigrées, la solidarité avec les autres peuples, en plus des revendications sociales et de l’obligation de rendre des comptes », déclare-t-elle.

Elle ajoute : « Lorsque je suis descendue dans la rue, je savais que le régime ne tombera pas. Je suis convaincue que le changement se fait par étapes et que les appareils du pouvoir sont solidaires. Ils font alliance contre le peuple en temps de crise ou de révolte. Pourtant, en tant que groupe, nous sommes parvenues à élever la voix et à faire entendre un autre discours englobant toutes les revendications. »

Lire aussi

Trois ans plus tard, la vie des écorchés vifs de la thaoura

Aujourd’hui âgée de 28 ans, la Libano-Suisse Vanessa Zammar vit à Beyrouth depuis 2018, où elle travaille entre l’activisme et le monde académique auprès de l’Asfari Institute for Civil Society and Citizenship. « J’ai rejoint le mouvement dès le premier soir à minuit, se souvient-elle. Il y avait déjà foule place Riad el-Solh. Puis j’ai manifesté tous les jours. Lorsqu’une chaîne de télévision a offert à Marwan Habib, l’agresseur de nombreuses femmes, une plateforme pour se défendre, nous avons organisé une marche contre les violences sexuelles le 6 décembre 2019. Nous étions une vingtaine à connaître la chorégraphie chilienne Le violeur, c’est toi ! et nous avons créé sa version libanaise. »

Pour Vanessa Zammar, la thaoura a abouti à un échec car il n’y avait pas de vision claire pour un changement économique, politique et social au Liban. « Il n’y avait pas de demandes radicales comme il en faudrait dans une révolution. On s’est contenté de dire : qu’ils partent tous, sans aborder le problème à la source, le système confessionnel qui applique des politiques néolibérales en privatisant tout et en faisant dépendre les gens des partis existants ainsi que des zaïms. Il fait dénoncer le clientélisme népotique », poursuit-elle.

Vanessa Zammar, troisième au premier rang à partir de la droite, au cours de l’une des manifestations. Photo DR

Depuis lors, Vanessa travaille sur des initiatives féministes qui remettent en question les liens socio-économiques. « On est dans une société hyperconsumériste. Face à cela, il faut créer une solidarité économique, pas juste symbolique. » Evelina Llewellyn et Assil khalifeh, en plus de dix autres jeunes femmes et personnes queer libanaises, ont cofondé l’initiative « Jeyetna » contre la précarité menstruelle. Après la double explosion au port en 2020, elle a également levé des fonds auprès des émigrés pour distribuer de l’argent à des organisations féministes et queer.

Des femmes face à la violence

La petite trentaine, Perla Joe Maalouli vit aujourd’hui à New York avec un visa d’artiste activiste. « Tout est connecté dans le monde, c’est ce que j’essaie de comprendre à travers mon art. C’est la douleur qui m’a poussée à rejoindre les manifestants aux côtés des féministes et des autres minorités oppressées comme les LGBT », raconte-t-elle dans un entretien téléphonique. « Les deux premiers jours, les manifestants ont été réprimés à coups de gaz lacrymogène. Le troisième, 200 femmes ont été placées devant les policiers pour éviter la violence et préserver le caractère pacifique des protestations, car beaucoup d’hommes voulaient provoquer la police, se souvient-elle. Je pensais qu’on avait le droit de s’exprimer, mais j’ai été arrêtée pour être interrogée et je me sentais surveillée. »

Perla Joe Maalouli durant la thaoura à Beyrouth. Photo DR

Dès les débuts du mouvement, les femmes ont affirmé leur forte présence dans les rassemblements. « Nous étions plus motivées que les hommes, plus courageuses aussi. Les policiers se sont mis à être violents tant nous étions combatives et déterminées. Inconsciemment, nous avions compris que c’était le moment de montrer notre force. Avec le temps, nous avons compris qu’il fallait former des groupes féministes », se rappelle Reine Abbas, qui a elle aussi dû faire face à la violence policière lors de rassemblements devant les domiciles des politiciens et le Parlement.

Aujourd’hui quadragénaire, cette mère célibataire de trois enfants enseigne dans plusieurs universités au Liban et a fondé deux entreprises dans la technologie éducative. Elle pense que l’éducation a un rôle primordial dans l’évolution de la société, convaincue que c’est la raison pour laquelle beaucoup ont lâché le mouvement en chemin. « Dès le premier jour, je suis descendue dans la rue pour parler aux gens de leurs droits. Beaucoup ont rejoint nos rangs au début, mais avec le temps, j’ai vu le nombre diminuer, dit-elle. C’est une question d’éducation, les gens suivent les zaïms car ils sont formés comme ça. Les blâmer ne mène à rien. Une de mes missions est d’éduquer les jeunes générations afin de briser ce cercle vicieux. »

Reine Abbas portant une pancarte lors de l’un des rassemblements. Photo DR

Une mobilisation continue

Si la thaoura n’a pas donné l’effet escompté, ces femmes ne baissent pas les bras et se mobilisent à chaque événement majeur. Lorsque la double explosion est survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020, les groupes féministes qui s’étaient déjà mobilisés contre le gouvernement ont soutenu les familles des victimes. Plus récemment, le 2 octobre 2022, elles ont manifesté, Nidal Ayoub en tête, en soutien aux Iraniennes qui se soulèvent actuellement contre leur régime après la mort d’une jeune femme arrêtée pour ne pas avoir porté son voile « correctement ». « Dénoncer la violence qui sévit contre les femmes en Iran ou dans un autre pays, c’est anticiper le prochain crime. Nous sommes toutes liées. Si les femmes du monde s’entraident, elles parleront d’une seule voix », affirme Reine Abbas. « La majorité des partis sur la scène libanaise sont patriarcaux et opposés aux droits des femmes, conclut Vanessa Zammar. On trouve un parfait exemple de cette oppression avec la loi sur la nationalité qui prive la femme du droit de l’octroyer à ses enfants nés de père étranger. C’est sur ce point que l’on s’inscrit dans un parallèle avec les Iraniennes. »

Lire aussi

Révolution, révolte ou soulèvement : le 17 octobre trois ans après

La nuit du 17 octobre 2019, la foule commence à s’agglutiner place Riad el-Solh au centre-ville de Beyrouth. Les femmes sont nombreuses dès ce premier jour de la contestation, déclenchée suite à l’annonce d’une taxe sur les échanges WhatsApp. Au fil du temps, elles prennent une place majeure dans les manifestations. Durant ces mois de mobilisation, les slogans féministes se sont...

commentaires (1)

TOUS CES PRETENDUS THAWRISTES, HOMMES ET FEMMES, SE SONT NOMMES EUX-MEMES EN CREANT CHACUN UNE FUTILE PETITE ORGANISATION DE PARENTS ET D,AMIS ET SE PLACANT A SA TETE. LES MASSES QUI AURAIENT DU ELIRE DES LEADERS Y MANQUAIENT. RESULTAT : DES OPPORTINISTES HOMMES OU FEMMES. ILS ONT FAIT LE TOUR DE TOUS LES PARTIS ET ZAIMS ET ATTENDENT L,OCCASION DE L,ACHAT ET DE LA VENTE. RIEN N,A CHANGE ! UNA FATSA UNA RATSA...

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 12, le 22 octobre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • TOUS CES PRETENDUS THAWRISTES, HOMMES ET FEMMES, SE SONT NOMMES EUX-MEMES EN CREANT CHACUN UNE FUTILE PETITE ORGANISATION DE PARENTS ET D,AMIS ET SE PLACANT A SA TETE. LES MASSES QUI AURAIENT DU ELIRE DES LEADERS Y MANQUAIENT. RESULTAT : DES OPPORTINISTES HOMMES OU FEMMES. ILS ONT FAIT LE TOUR DE TOUS LES PARTIS ET ZAIMS ET ATTENDENT L,OCCASION DE L,ACHAT ET DE LA VENTE. RIEN N,A CHANGE ! UNA FATSA UNA RATSA...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 12, le 22 octobre 2022

Retour en haut