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Économie - Finances publiques

Excédent budgétaire 2021 : un nouveau mirage

Passé dans le vert après des décennies de déficit public, le Liban a clôturé l’année 2021 en enregistrant un excédent de 2 196,8 milliards de livres libanaises.

Excédent budgétaire 2021 : un nouveau mirage

Le bilan miraculeux des finances publiques du Liban en 2021 n’est ni plus ni moins qu’un nouveau mirage étant donné que presque aucune réforme n’a été mise en place depuis 2019 et que la classe politique a, au contraire, laissé la situation dériver. Photo d’illustration Yavdat/Bigstock

Plus les années passent et plus les autorités libanaises tardent à publier les chiffres relatifs aux finances publiques. L’exercice 2021 ne fait pas exception : il aura fallu attendre le mois d’octobre de cette année pour que le ministère des Finances publie enfin les données mises à jour.

Et comme souvent depuis que le Liban s’enfonce dans la crise qui a éclaté durant l’été 2019, ces chiffres ne reflètent pas la réalité des comptes du pays, alors que le PIB a diminué de plus de moitié et que l’État a fait défaut sur le remboursement de ses obligations en devise (les eurobonds) en mars 2020, tandis que la monnaie nationale a perdu plus de 95 % de sa valeur face au dollar.

Or cette dépréciation crée énormément de problèmes au niveau comptable, compte tenu du fait que le pays perçoit toujours ses recettes sur la base d’un taux de change à 1 507,5 livres libanaises pour un dollar, alors que celui sur le marché parallèle flirte avec la barre des 40 000 livres le billet vert depuis plusieurs jours. Un problème qu’ont voulu résoudre les responsables en annonçant le passage de la parité officielle de 1 507,5 à 15 000 livres pour un dollar à compter du 1er novembre, sans donner plus de détails sur son application concrète. Ce taux est identique à celui adopté dans le budget 2022 (approuvé en septembre avec 9 mois de retard et toujours pas signé par le président de la République) pour le dollar douanier qui désigne la parité utilisée pour calculer les droits de douane en livres à partir des prix hors taxes en devise.

« Laisser faire »

À première vue, le bilan de 2021 semble être positif, voire très positif : pour la première fois depuis 1999, année depuis laquelle le ministère publie ces chiffres, le Liban enregistre un excédent au niveau de son solde budgétaire. Concrètement, l’État n’a pas dépensé au-delà de ses moyens et ne s’est donc pas endetté pour financer ses dépenses, bien que cette option ne soit plus d’actualité depuis son défaut sur sa dette en devise.

Passé dans le vert après des décennies de déficit public, le Liban a clôturé l’année 2021 en enregistrant un excédent de 2 196,8 milliards de livres, contre un déficit de 4 083,3 milliards de livres à fin 2020. Ces résultats positifs confirment une tendance initiée depuis juin 2021, le Liban enregistrant alors un surplus budgétaire à la moitié de l’exercice, aussi pour la première fois depuis plus de 20 ans.

Mais ce bilan miraculeux n’est ni plus ni moins qu’un nouveau mirage étant donné que presque aucune réforme n’a été mise en place depuis 2019 et que la classe politique a, au contraire, laissé la situation dériver. Cette politique de « laisser faire », alors qu’aucun budget pour 2021 n’avait été approuvé, a produit les mêmes effets qu’une politique d’austérité d’une extrême violence (absence de revalorisation des salaires, investissements quasi inexistants, etc.), qui a appauvri et dégradé les conditions de vie d’un grand pan de la société libanaise, sans pour autant poser les bases du rétablissement économique du pays.

Presque rien pour EDL

L’indicateur le plus parlant est sans aucun doute la baisse de 7 % des dépenses totales, passant de 19 425,2 milliards de livres en 2020 à 18 066 milliards de livres en 2021, alors que le taux d’inflation atteignait 154,8 % durant cette année et que la livre continuait à se déprécier. Parmi les baisses notables enregistrées à ce niveau, la réduction considérable des dépenses d’investissement liées à la maintenance des infrastructures, à l’achat et l’entretien d’équipements et aux travaux publics de construction, atteignant 246 milliards de livres, contre 418 milliards en 2020, soit une baisse de 41 % sur cette période, dégradant encore plus l’état dans lequel se trouvaient ces infrastructures et impactant le quotidien de la population.

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Dans le même registre, les dépenses consacrées à Électricité du Liban, l’office public qui revend du courant à perte depuis 1994, en ont elles aussi pâti, passant de 1 393,5 milliards de livres à 809,9 milliards de livres, soit une diminution de 41,88 % en un an.

Cette enveloppe représente 4,48 % des dépenses publiques sur l’ensemble de 2021, contre 7,17 % l’année précédente. Une baisse des dépenses qui s’est traduite par un rationnement encore plus drastique des heures d’approvisionnement de courant fournies par EDL, l’établissement n’étant plus en mesure d’acheter son carburant, alors que les heures fournies lors de la seconde moitié de l’année l’ont été grâce à la mise en place d’un mécanisme d’échange de pétrole entre le Liban et l’Irak. Face à cette situation, les résidents ont vu leurs factures exploser, n’ayant pour la plupart d’autre choix que de s’abonner auprès de propriétaires de générateurs privés.

Dépenses reportées

La baisse des dépenses publiques est aussi liée à la réduction de 34,51 % des dépenses reportées des exercices précédents, équivalentes à 1 565,3 milliards de livres en 2021, contre 2 390,1 milliards l’année d’avant.

Autre facteur ayant permis de dégager un excédent budgétaire en 2021 : la réduction du service de la dette. Car, depuis que le Liban a fait défaut sur sa dette en devise, les paiements annuels ont largement diminué. En 2019, dernière année avant le défaut, l’État avait remboursé l’équivalent de 8 365,8 milliards de livres, ce qui représentait alors 32,83 % de l’ensemble des dépenses. En 2021, ce poste de dépenses portait sur 2 812,6 milliards de livres, soit 15,57 % des dépenses publiques, contre 16 % à fin 2020. Des chiffres qui doivent être pris avec des pincettes en attendant que le Liban négocie avec ses créanciers le devenir des plus de 33 milliards de dollars d’eurobonds.

Recettes aux dépens des contribuables

C’est de fait surtout la forte hausse des recettes publiques récoltées en 2021 qui a permis au Liban de sortir du rouge en matière de finances publiques. Le pays a ainsi engrangé un total de 20 262,8 milliards de livres en 2021, contre 15 341,9 milliards en 2020, les recettes enregistrant donc une augmentation de 32,07 % lors de cette période. Une situation qui s’explique principalement par les multiples fermetures imposées depuis 2020 pour faire face à la pandémie de Covid-19 et face auxquelles les autorités ont été obligées de reporter et de prolonger les délais de paiement à plusieurs reprises. Résultat : les recettes fiscales ont significativement baissé à partir de mars 2020, celles-ci ne s’améliorant que près d’un an plus tard. Conséquence de cette reprise, et malgré la mauvaise conjoncture dans laquelle se retrouvait le pays, les recettes fiscales ont augmenté de 45,47 % en un an, passant de 10 473,9 milliards de livres à 15 236,7 milliards en 2021.

Cette situation explique notamment la forte augmentation des versements liés à la TVA enregistrée en 2021. En effet, si ces recettes s’étaient effondrées à 1 864,1 milliards de livres en 2020 (contre 3 258,2 milliards un an plus tôt), elles ont rebondi de 158 % en 2021, passant à 4 809,2 milliards de dollars. Compte tenu de cette performance, les recettes générées par la TVA représentaient 23,73 % de l’ensemble de celles récoltées sur tout l’exercice 2021, alors que ce ratio n’était que de 12,15 % un an plus tôt.

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En plus de cela, l’État a aussi profité d’une augmentation de 18,25 % des recettes générées par les impôts sur le revenu et sur le bénéfice, celles-ci passant de 4 856,9 milliards de livres à 5 743,5 milliards, notamment sous l’effet de l’augmentation exceptionnelle de 2 % de l’impôt sur le chiffre d’affaires réalisé en 2019 par les institutions financières (dont les banques). Cette mesure, mise en place dans le budget de 2020, s’est ainsi répercutée dans les résultats de 2021.

Parallèlement, les recettes budgétaires non fiscales ont augmenté de 11 % à 3 564,8 milliards de livres, notamment grâce à la hausse de 21,12 % des versements du secteur des télécoms à l’État, atteignant 1 841 milliards de livres en 2021, contre 1 520 milliards en 2020.

Plus les années passent et plus les autorités libanaises tardent à publier les chiffres relatifs aux finances publiques. L’exercice 2021 ne fait pas exception : il aura fallu attendre le mois d’octobre de cette année pour que le ministère des Finances publie enfin les données mises à jour. Et comme souvent depuis que le Liban s’enfonce dans la crise qui a éclaté durant...

commentaires (1)

Il n'est pas acceptable qu'au dépens de la faim des gens, et de la négligence des obligations de l'Etat , le trésor améliore ses chiffres. Ils font tout pour appauvrir davantage la population, sans vouloir chercher à améliorer quoique ce soit.

Esber

08 h 44, le 14 octobre 2022

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Commentaires (1)

  • Il n'est pas acceptable qu'au dépens de la faim des gens, et de la négligence des obligations de l'Etat , le trésor améliore ses chiffres. Ils font tout pour appauvrir davantage la population, sans vouloir chercher à améliorer quoique ce soit.

    Esber

    08 h 44, le 14 octobre 2022

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