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Culture - Musique

Charmé par la scène beyrouthine, Dino Rubino lance son nouvel album à Liban Jazz

Le pianiste dit avoir « passé (son) moment musical le plus fort » dans la capitale libanaise. Dino Rubino y revient donc quelques mois plus tard pour présenter son dernier opus en avant-première. En formation trio, le jeune virtuose retrouvera le public du MusicHall le mercredi 12 octobre, dans le cadre d’un festival fondé il y a 18 ans par Karim Ghattas.

Charmé par la scène beyrouthine, Dino Rubino lance son nouvel album à Liban Jazz

Le pianiste italien Dino Rubino sera à Beyrouth le 12 octobre 2022. @Evgeni Dimitrov

Se souvient-on de l’histoire de Liban Jazz, ce festival qui s’est fait sa place dans le paysage culturel libanais depuis dix-huit ans. Au départ, c’est l’idée ambitieuse d’un jeune Français né de parents libanais : Karim Ghattas, qui décide de partir pour quinze jours de vacances dans le pays de ses parents, avec la volonté de faire quelque chose au, et pour, le Liban. Grand amateur de musique, le jeune homme réalise rapidement que le jazz était soit absent des festivals, soit le parent pauvre des programmes. Il ne faudra que quelques mois au jeune mélomane pour remplir ce vide et commencer à développer cette musique savante au pays du Cèdre, en donnant – en septembre 2004 – naissance en tant que producteur et organisateur au festival que l’on connaît aujourd’hui, Liban Jazz.

L’événement, qui lors de sa première n’avait même pas prévu de deuxième édition, est devenu en l’espace de quelques années un véritable pilier et témoin de la scène culturelle du pays, puisqu’il fête cette année son dix-huitième anniversaire. Beyrouth, ville autrefois quasi absente des tournées d’artistes de jazz internationaux, est devenue grâce à Liban Jazz une destination « spontanée et naturelle » de certaines vedettes, affirme même son créateur.

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Un peu plus de 200 concerts organisés au Liban plus tard, « après avoir tout traversé avec le pays », malgré un parcours international varié et accompli, Karim Ghattas est encore ici, au Liban où il est resté depuis ses 23 ans. « Le festival est devenu ma raison d’être, qui me fait me lever le matin et éprouver du désir pour la vie (en plus de son petit de deux ans, buveur de sirop d’orgeat et mangeur de cacahuètes amères), c’est une extension de moi, un mouvement naturel que j’ai travaillé au fur et à mesure des années », confie-t-il à L’Orient-Le Jour.

L’histoire et son histoire ont fait de Liban Jazz plus qu’un festival musical, devenant une vision inspirante de la musique, inscrite dans le pays et inspirante pour le pays. L’incarnation du lien entre un amoureux du jazz, Karim Ghattas, et son pays, le Liban.

Le retour d’un événement…

Alors qu’en 2019 pendant la thaoura (mouvement de protestation au Liban) Liban Jazz continuait de se produire malgré les perturbations – dont le stationnement des blindés de l’armée devant le MusicHall –, la double explosion du 4 août 2020 a failli mettre un terme à l’expérience libanaise de Karim Ghattas et à son festival. « J’ai cru que j’allais enfin me débarrasser de ce pays qui me colle à la peau, que j’essaie de transpirer… » dit-il. Suivront près de deux années sans Liban Jazz, où il ira trouver refuge en Grèce avec sa famille, « mais je n’y suis pas parvenu. Je ressens toujours une forte émotion à être ici », déclare celui qui est revenu et qui, malgré toutes ces années passées au pays du Cèdre, se considère toujours comme « un Libanais d’adoption ».

Après le choc du 4 août, qui justifie cette absence de concerts en 2021, autre que la remise en question des années qui ont précédé le drame au Liban, Karim Ghattas « ne (se) sentait plus capable de proposer de bons événements, ou en tout cas pas dans les meilleures conditions ». Il se refuse « à trouver des excuses sur la situation pour diminuer la qualité de (ses) concerts ». Le fondateur du festival, qui tient à ses standards, estime que les conditions cette année sont redevenues « aussi bonnes qu’avant » ; une déclaration qui a pu être confirmée par le concert donné par le trompettiste italien Paolo Fresu et le pianiste italien Dino Rubino en mars dernier, lors du retour de Liban Jazz au MusicHall.

Revenant sur les raisons de son retour, Karim Ghattas ajoute qu’il se devait de rentrer au Liban. « Malgré toute la situation (la thaoura, le Covid-19, la double explosion, la crise), il (le pays) m’a donné plus que ce qu’il m’a pris. J’ai encore à lui rendre. La relation n’est pas finie, on n’a pas fini d’échanger. » La relation entre Karim Ghattas et Liban Jazz s’arrêtera quand il ne pourra plus faire de spectacles dans les conditions qu’il souhaite, quand le pays ne sera plus capable de le permettre, de l’accueillir, ce qui ne semble pas encore être le cas… Le festival et son créateur entretiennent des liens forts avec le Liban, ils y sont connectés et tous les trois créent un dialogue qui ne peut pas fonctionner si l’un d’entre eux est défaillant, comme l’illustre la période blanche suivant le 4 août, comme l’a montré le succès de leur dernier concert…

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… qui n’a pas fini de nous surprendre

Ceux qui ont eu la chance d’assister à la représentation de Dino Rubino au MusicHall de Beyrouth en mars dernier se souviennent très certainement du pianiste italien. Le jeune virtuose, lui, se souvient très bien du Liban et de cette soirée inoubliable, lors de laquelle il affirme « sans démagogie aucune, avoir passé (son) moment le plus fort musicalement, n’avoir jamais ressenti ce qu’(il) a ressenti sur scène ce soir-là… ». Des émotions que son confrère Paolo Fresu, à qui il a volé la vedette en mars dernier au MusicHall lors de ses improvisations et de ses solos, partage, bien qu’ils se soient tous les deux produits sur les plus grandes scènes (Jazz à Montréal, Jazz à Vienne, Umbria Jazz, etc.). Le pianiste ajoute : « C’est un souvenir qui me donne la chair de poule. Il y avait de l’électricité (au sens figuré bien sûr, ça n’est pas un mauvais jeu de mots) dans l’air de cette salle magnifique. Le public était chaud et généreux avec moi, et ressentir ces choses-là, c’est une chance rare dans la vie. »

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Après sa performance surprenante du mois de mars et ce concert d’une émotion particulière pour l’artiste tout autant que pour le public, Karim Ghattas a décidé de réinviter Dino Rubino, qui sera accompagné cette fois-ci de deux autres musiciens italiens de talent : Marco Bardoscia à la contrebasse et Stefano Bagnoli à la batterie. Tous les trois présenteront leur nouvel album en avant-première, entre leurs propres compositions et une revisite de standards, dont l’histoire de l’enregistrement est originale et représentative des valeurs du festival. Le trio italien, qui s’était rejoint en studio pour jouer et enregistrer un certain nombre de compositions et quelques standards, « s’est retrouvé au bout de quelques heures à prendre plaisir à rejouer certains standards qui sont venus compléter les morceaux prévus de l’album, qui s’est transformé en double album », confie Dino Rubino. Outre leurs compositions, ces morceaux légendaires seront partagés avec le public de Beyrouth la semaine prochaine, avec entre autres Someday My Prince Will Come de Miles Davis, My Funny Valentine de Chet Baker, You Must Believe in Spring de Bill Evans, Nuage de Django Reinhardt ou encore Night in Tunisia de Dizzie Gillespie. Une véritable immersion dans l’histoire du jazz. Tout comme les trois artistes sont rentrés en studio sans savoir ce qui allait se passer, le concert du mercredi 12 devrait donc réserver bien des surprises…

D’autant plus que Karim Ghattas a demandé une faveur à Dino Rubino. Celle d’écouter (et de jouer) Mount Harissa de Duke Ellington, que l’artiste américain avait écrit en 1965 après sa tournée au Moyen-Orient, et morceau d’ouverture de la première édition du festival en 2004 que Le Duke Orchestra avait interprété pour la première fois en live au pied de la basilique. Un moment qui avait inscrit Liban Jazz dans l’histoire musicale du pays.

Un trio, un organisateur, un festival, un pays

À travers l’organisation de ses concerts, Karim Ghattas s’est battu pour construire un festival autour de valeurs « d’échange et d’élégance », qu’il partage avec les artistes qu’il invite et qu’il essaie de transmettre à son public. Le créateur de Liban Jazz a toujours supporté des musiciens créatifs et audacieux (tels que le flûtiste Magic Malik ou le trompettiste Éric Truffaz dans le passé), et défendu l’idée du jazz comme musique vivante, qui ne peut être moribonde et qui se renouvelle sans cesse, même lors de la reprise de standards.

Ce concert sera donc à l’image de Karim Ghattas, incarnera sa vision et représentera l’identité de la musique qu’il veut défendre. « Une musique en mouvement permanent », que le créateur du festival compare à Beyrouth, « un endroit spécial, une ville particulière qui bouge énormément, en mouvement permanent, où une surprise nous attend à chaque coin de rue ». Ainsi, le 12 octobre au MusicHall, Beyrouth aura rendez-vous avec les charmes du jazz, une rencontre au cours de laquelle Dino Rubino et son trio se retrouveront en communion avec elle, bête indomptable imprédictible à l’énergie si particulière.

« La beauté de cette musique est que l’on ne sait pas ce qui va se passer, tout peut changer… » Cette déclaration de l’organisateur pourrait être prolongée par « comme au Liban ». Espérons qu’un peu du pouvoir de la musique « vectrice de paix, créatrice de rêve » fasse effet durant la soirée, puis s’échappe et se propage en dehors du MusicHall. Car, comme le formule Karim Ghattas, « tout naît d’un rêve »… Il suffit d’y croire…

Le directeur de Liban Jazz tient au final à citer les partenaires de l’événement, « qui, par souci de faire exister une vie culturelle de qualité au Liban et parce qu’ils ont à cœur que ce pays résiste, ont soutenu Liban Jazz » : Arthaus, Mitsulift, 22 Degrees et l’Institut culturel italien au Liban, et à partager sa reconnaissance envers ses coproducteurs Eleftériadès, sans qui ces concerts ne seraient pas.

« Dino Rubino, Trio Live ». Mercredi 12 octobre à 20h, MusicHall, Beyrouth.

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