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Économie - Séance parlementaire

Les députés libanais (enfin) réunis pour étudier le budget 2022

A la tribune, la majorité des députés prenant la parole critique le projet de budget. 

Les députés libanais (enfin) réunis pour étudier le budget 2022

Le Parlement réuni place de l'Etoile, le 15 septembre 2022. Photo Mohammad Yassine

I-Quel est l’objectif de la séance ?

Les députés libanais sont réunis jeudi Place de l'Etoile pour la première journée d’une séance plénière qui doit s’étendre jusqu’à vendredi soir, afin d’adopter le budget annuel de l’Etat pour 2022. La session devait commencer mercredi matin, mais a été reportée de 24h après que tous les députés chrétiens ont boycotté la réunion, organisée le même jour que la commémoration du 40e anniversaire de la mort de l'ancien président Bachir Gemayel. 

Au cours de cette réunion, les membres de la Chambre doivent donc débattre puis voter, normalement article par article, un texte qui a été approuvé par le gouvernement de Nagib Mikati en février 2022, avant d’être révisé par la commission parlementaire des Finances et du Budget.

Si le texte est adopté à l’issue de la séance plénière, il aura accusé plus de sept mois de retard par rapport aux échéances prévues dans la Constitution. Le budget, appelé "prévisionnel", aurait normalement dû être voté par le Parlement au maximum avant fin janvier 2022.

L’adoption de lois de finances annuelles par le Liban fait partie des réformes attendues par le Fonds monétaire international (FMI) pour débloquer une assistance financière à un Liban en plein effondrement depuis 2019. Le texte transmis à l'Assemblée s’apparente toutefois davantage à un simple exercice de forme occultant le rôle de schéma directeur de la politique budgétaire du pays qu'il devrait normalement prendre.


II-Ce qu’il faut retenir du déroulement de la séance en cours

- Comme cela avait déjà été le cas mercredi matin, des dizaines de manifestants se sont rassemblés dans le périmètre du Parlement, avant le début de la séance, afin de protester contre l'adoption du projet de budget.

- Le député Ibrahim Kanaan (CPL/Metn), président de la commission des Finances et du budget, a affirmé que "la vision économique et sociale est absente du budget qui a été envoyé en dehors du délai constitutionnel à la lumière du taux de chômage élevé, du faible taux de croissance et du faible pourcentage des crédits bancaires alloués aux dépenses d'investissement."

Bien que la commission n'ait pas totalement tranché sur tous les points du projet du budget - "en termes de dépenses, de recettes et de certains articles du projet de loi" - le document a été adopté et soumis à l'Assemblée générale le 25 août. Pour éviter un scénario catastrophe, selon Kanaan, car sinon le gouvernement aurait dû "continuer à dépenser sur la base de la règle du douzième provisoire."

Cette règle, édictée par l'article 86 de la Constitution, permet à l'État de continuer à fonctionner en l'absence de budget, en dépensant l'équivalent d'un douzième du budget prévu par la loi de finances de l'année précédente.

Toutefois, cette option ne peut être activée qu'au cours du mois de janvier de l'année au cours de laquelle le budget en discussion au Parlement doit être exécuté, et seulement dans le cas où le Parlement n'approuve pas le projet de budget à temps. En pratique, cette règle a été détournée pour permettre à l'État de fonctionner sans budget de 2005 à 2017, puis de 2021 à aujourd'hui.

- Après l'intervention d'Ibrahim Kanaan, plusieurs députés se sont succédés à la tribune pour donner leur avis sur le budget.

- Le député Mohammad Raad, chef du groupe parlementaire Fidélité à la Résistance (Hezbollah), s'est prononcé contre le texte proposé, en déclarant que "ni le gouvernement, ni son président, ni son ministre des Finances, ne devraient se vanter d'avoir finalisé" ce document, ajoutant que "dans le même temps, nous ne pouvons pas les tenir exclusivement responsables de la détérioration causée par les gouvernements précédents." M. Raad a également déclaré que son bloc parlementaire décidera de voter pour ou contre le budget en fonction de certaines des réponses autour du dossier lors de la réunion au Parlement.

- Au cours de la session, une courte dispute verbale a éclaté entre la députée Paula Yacoubian (Forces du changement/Beyrouth I), qui prononçait un discours, et un autre parlementaire, Charbel Maroun (CPL/Békaa II) lorsqu'elle a posé la question suivante en s'adressant au président du Parlement Nabih Berry : "Qu'attendez-vous pour convoquer une session afin d'élire un président de la République ?". La situation a été reprise en main après l'intervention de M. Berry qui a demandé au député de ne parler que lorsque son tour est venu.

- Mme Yacoubian a jugé que "le projet de budget, avec son contenu, est un échec, et les chiffres ne sont pas basés sur un plan stratégique clair, ce qui conduira à un nouveau ralentissement (économique) et la confiance restera perdue."

- Le vice-président du Parlement, Elias Bou Saab, a déclaré que "le blocage qui a lieu au Liban lorsqu'il s'agit de traiter la crise est sans précédent, et aucun pays ne peut sortir de sa crise avec notre schéma actuel et en cours." M. Bou Saab a ajouté que le boycott des sessions parlementaires n'est "pas acceptable".

- Lors de la reprise de la session, vers 17h, l'électricité a brièvement coupé dans l'hémicycle. Le député Neemat Frem, qui était en train de s'exprimer, a poursuivi son discours en élevant la voix faute de micro, jusqu'à ce que le courant soit rétabli. 

- Le chef du parti Kataëb Samy Gemayel a déclaré qu'il "ne discutera pas du budget, car ce n'est pas réellement un budget". "Qu'est-ce qu'on dit aux gens dans cette loi de finance ? Que le ministère des Finances veut prendre leur argent pour un État qui n'existe pas ?", s'est-il interrogé. M. Gemayel a également demandé à Nabih Berry de programmer une session du Parlement vendredi pour l'élection d'un nouveau président de la République, afin qu'un nouveau gouvernement soit formé en vue de proposer un "plan de sauvetage, au lieu de discuter du budget". 

- Bilal Abdallah, député du Parti socialiste progressiste (joumblattiste) et membre de la commission des Finances et du Budget, a déclaré que celui-ci comprend "une poignée de questions constitutionnelles, financières et techniques dont je ne parlerai pas". Cependant, "dans l'atmosphère actuelle et comme aucun d'entre vous ne sait où nous allons, je pense que le pire budget vaut mieux que pas de budget du tout car en 2023, je ne suis pas sûr que nous aurons, ni un gouvernement, ni un budget."

- Peu avant 21h, Nabih Berry a levé la séance, jusqu'à vendredi 14h30.

III-Les points majeurs qui posent problème ou question dans ce projet de budget

- Alors que plusieurs taux de change sont actuellement en vigueur au Liban, quel sera le taux adopté pour calculer de manière crédible les recettes de l'Etat sur une période d'une année ? Le document sur lequel se penchent les députés contient trois scénarios, en fonction du taux de change adopté : 12 000, 14 000 ou 20 000 livres libanaises pour un dollar.

- Il n'est pas encore clair à ce stade si et comment le taux qui sera choisi sera appliqué dans le cadre des dépenses de l'Etat, et donc notamment des rémunérations des employés de la fonction publique, qui réclament des augmentations de salaire depuis des mois. 

Pour aller plus loin

Devant les députés, un projet de budget pour 2022 aussi tardif que mal ficelé

- L'absence d'équité au niveau fiscal a été relevée dans ce budget par l'avocat fiscaliste Karim Daher à L'Orient-Le Jour. Les nouvelles impositions prévues par le texte pour assurer des rentrées à l'Etat s’appliquent de manière uniforme aux contribuables de toutes les catégories sociales, peu importe leurs revenus respectifs, ce qui aggravera les inégalités entre contribuables, à l'heure où près de 80% de la population vit dans la pauvreté selon l'ONU.


IV – Dans quel contexte se déroule cette séance ?

- Pour l'exercice 2021, aucun budget n'a été adopté par la Chambre, et le retard pris pour la loi de finance de 2022 ne présage rien de bon pour l'adoption de celle de 2023, dont l'échéance, au 31 décembre ou au maximum à la fin janvier 2023 selon les délais constitutionnels, se rapproche. 

Repère

Budget de l’État : les définitions, les usages, les règles... et toutes les exceptions libanaises

- Le vote de budgets aussi crédibles et équilibrés que possible fait pourtant partie des réformes que doit lancer pour convaincre le conseil d’administration du FMI de lui prêter des fonds dans le cadre d’un processus de redressement du pays s’étendant sur plusieurs années et auquel devraient ultérieurement se joindre d'autres donateurs internationaux. Un accord préliminaire avait été signé le 7 avril dernier, dans lequel le Fonds s'était dit prêt à débloquer 3 milliards de dollars sur 4 ans pour aider le Liban, en crise profonde depuis 2019 et en défaut de paiement depuis mars 2020.

- En plus des budgets, pour bénéficier d'une assistance financière, Beyrouth devrait réformer sa fonction publique, résoudre la question des pertes accumulées par son système financier ou encore lutter plus efficacement contre la corruption. Une loi aménageant le secret bancaire fait aussi partie de ce package deal. Elle avait été avalisée par le Législatif fin juillet mais son contenu n'a pas convaincu le FMI. Elle a depuis été renvoyée au Parlement par le président Michel Aoun, pour une seconde lecture. 

- La séance de vote du budget a lieu alors qu'a commencé, le 31 août 2022, la période d'élection d'un nouveau président de la République, le mandat de Michel Aoun expirant le 31 octobre 2022. 

I-Quel est l’objectif de la séance ?Les députés libanais sont réunis jeudi Place de l'Etoile pour la première journée d’une séance plénière qui doit s’étendre jusqu’à vendredi soir, afin d’adopter le budget annuel de l’Etat pour 2022. La session devait commencer mercredi matin, mais a été reportée de 24h après que tous les députés chrétiens ont boycotté la réunion,...

commentaires (1)

Surtout assurez-vous bien que la parité confessionnelle est bien respectée, et qu'il n'y a ni gagnant ni perdant, sauf le peuple bien sûr... tout le reste n'est que chiffres sans importance.

Gros Gnon

13 h 21, le 15 septembre 2022

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Commentaires (1)

  • Surtout assurez-vous bien que la parité confessionnelle est bien respectée, et qu'il n'y a ni gagnant ni perdant, sauf le peuple bien sûr... tout le reste n'est que chiffres sans importance.

    Gros Gnon

    13 h 21, le 15 septembre 2022

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