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Nos Lecteurs ont la Parole

Les « silos de la Montagne »

Le chômage officiel dans le pays observé le 4 août dernier fut un geste symbolique pour ne pas oublier le crime qui a fait 233 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de foyers détruits. Cette commémoration s’inscrit dans la poursuite de la lutte légitime pour rendre justice aux victimes de l’explosion du port de Beyrouth. C’est le mois de septembre et les évènements de la Montagne, en septembre 1983, nous reviennent à l’esprit. Ils mériteraient aussi d’être commémorés par tous les Libanais. Il y a 39 ans, les 7, 8 et 9 septembre 1983, sans besoin de stocks de nitrate d’ammonium, plus de 2 500 morts, hommes, femmes et enfants, sont tombés parmi les habitants civils de notre chère Montagne. Exécutés pour la plupart, ils ont été jetés dans leurs enchanteresses vallées, sous leurs généreux figuiers et pommiers qui, en ce mois de septembre, attendaient plutôt la récolte, ou abandonnés pour les rats et les charognards dans les paisibles ruelles escarpées de leurs magnifiques villages et les cours d’eau de leurs sources immaculées. La moitié de ces innocentes victimes sont toujours portées disparues.

Les quelque 100 000 déplacés, chassés de leurs maisons et villages pendant une décennie, et la cinquantaine des plus beaux villages du Liban pillés, détruits ou rasés ont témoigné aussi du délire et de l’arbitraire que les habitants et les villageois de la Montagne se sont vu un jour infliger.

Avant tout, commémorer cette tragédie nationale ne mettrait sûrement pas en « danger » la réconciliation dite « druzo-chrétienne » ; au contraire, elle mettra encore plus la lumière, pour les générations à venir, sur la stupidité des hommes et l’absurdité de leurs actes.

À la limite, qualifier cette réconciliation de « druzo-chrétienne » serait une fiction, sinon une maladresse. Si, un jour maudit, des partis politiques ou des milices locales sont entrés en conflit armé, et si des immixtions régionales et internationales y ont pris part en instiguant les confrontations (de même pour les évènements de 1860 dans la même région), il serait aberrant d’adopter sans y réfléchir la théorie hypocritement propagée et, malheureusement, largement admise d’un conflit entre deux communautés. Alors que ces deux communautés en tant que telles n’ont jamais été en conflit pour se réconcilier.

À l’origine de l’idée du Liban moderne il y a 400 ans avec notre magnifique Fakhreddine II, leurs 1 000 ans de vie commune, fusionnelle, ordinaire, merveilleusement banale et pacifique en témoignent.

Faire porter, consciemment ou inconsciemment, au collectif de ces deux communautés, à leurs hommes, femmes, enfants et enfants de leurs enfants ce pénible fardeau serait un autre crime envers ce beau pays et son brave peuple.

Le devoir de mémoire ferait sortir ces évènements de la bulle un peu « intouchable » de cette fiction dans laquelle une propagande sournoise les a placés. La « profanation » de ce temple du mensonge à travers le rétablissement de leur authentique et lamentable caractère partisan, et non communautaire ou confessionnel, fera tomber les éventuels tabous, les faux murs de la honte ou de la crainte et consolider telle ou telle réconciliation.

Commémorer et même ériger un monument, nos « silos de la Montagne », à la mémoire de toutes les victimes civiles innocentes, appartenant à toutes les communautés, de cette tragédie nationale serait alors rendre hommage, se retrouver, se réunir, s’unir et unifier toutes ces victimes, méditer, se recueillir, prier tous ensemble, toutes communautés confondues, pour ne plus permettre à de tels évènements de se répéter et, surtout, se libérer d’un héritage cruel, cruellement imposé.

La fameuse leçon de Ghassan Tuéni devra se perpétuer dans tous les esprits : « une guerre pour les autres »...


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Le chômage officiel dans le pays observé le 4 août dernier fut un geste symbolique pour ne pas oublier le crime qui a fait 233 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de foyers détruits. Cette commémoration s’inscrit dans la poursuite de la lutte légitime pour rendre justice aux victimes de l’explosion du port de Beyrouth. C’est le mois de septembre et les...

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