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Lifestyle - Patrimoine

La Fondation Honor Frost investit trois millions de dollars pour l’archéologie sous-marine au Liban

L’ouverture de ses bureaux à Beyrouth a pour objectif de promouvoir la recherche et d’étendre le terrain de jeux subaquatique des spécialistes.

La Fondation Honor Frost investit trois millions de dollars pour l’archéologie sous-marine au Liban

Honor Frost à Sidon en 1969. Crédit photo HF Archives Special Collections UoS

Dès la semaine prochaine, la Fondation Honor Frost installera ses bureaux à Beyrouth, dans la maison bleue, dite Medawar 479, autrefois construite au bord de la baie Saint-André, devenue le troisième bassin du port de Beyrouth. Sévèrement endommagé par la double explosion du 4 août 2020, ce bâtiment des années 1890 a été restauré à la demande de Beirut Heritage Initiative (BHI) grâce au financement de la fondation.

Qui est Honor Frost ? C’est une spécialiste des fouilles préventives subaquatiques, la seule citée quand les mots « femme » et « archéologie sous-marine » sont associés. Pionnière de l’archéologie sous-marine, Honor Frost (1917-2010) avait procédé dès les années cinquante à des prospections sous-marines en Corse, en Sicile, à Alexandrie, à Chypre, en Syrie et sur toute la bande côtière du Liban. Pendant des décennies, elle est allée à la recherche du port phénicien de Byblos. Les conclusions qu’elle en a tirées ont modifié les données connues jusqu’alors : le bois des cèdres du Liban ne pouvait pas être exporté vers l’Égypte à partir du port actuel, trop petit, à son avis, pour un tel commerce. Le port antique gisant, selon elle, plus au sud.

Les levées géophysiques et l’étude bathymétrique effectuées depuis 2013 lui ont donné raison. « La Fondation Honor Frost continue de financer les recherches sur le site, ainsi que les explorations à Tyr, Sidon et Enfé, et prévoit la réalisation d’une cartographie en haute mer du patrimoine culturel maritime du Liban », précise à L’Orient-Le Jour l’archéologue libanaise Claude Doumit Serhal, l’une des six fiduciaires de la fondation nommés par Honor Frost de son vivant. Serhal dirige les fouilles du British Museum à Saïda depuis 1998. Ses explorations ont révélé des informations sur l’histoire de la ville de 4000 à 2000 avant J.-C., et ses racines phéniciennes. D’après son directeur, Neil McGregor, « c’est l’une des missions les plus importantes actuellement entreprises par le British Museum dans le monde ».

Honor Frost, pionnière de l'archéologie sous-marine. Crédit photo HF Archives Special Collections UoS

Scénariste de ballet devenue archéologue

Claude Doumit Serhal a bien connu Honor Frost. « C’était une femme remarquable. Elle était connue et reconnue de tous pour sa détermination et son énergie débordante face à chaque projet. L’archéologie maritime était sa troisième profession. Jeune, elle avait débuté une carrière de scénariste de ballets, et ses dessins, conservés aux archives du Royal Opera House de Londres et au Victoria & Albert Museum, témoignent de ses talents artistiques », raconte Claude Serhal. Plus tard, Frost entreprendra un travail d’éditrice à la Tate Gallery et deviendra directrice de publications. Sa dernière et plus longue carrière couvre toutefois plus de cinquante ans d’activités dans le monde de l’archéologie sous-marine. C’est au Liban, notamment à Byblos, Sidon, Tyr et Tabarja, qu’elle effectue dès les années cinquante ses premières plongées archéologiques en scaphandre autonome.

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Sa collection d’art a battu des records

Honor Frost avait hérité de son tuteur, l’avocat Wilfred Evill, des céramiques, des meubles et une collection d’art moderne britannique de grande valeur. Cette dernière comprenant notamment des peintures signées sir Stanley Spencer, dont les œuvres, comparées à celles de Blake ou Palmer, sont accrochées sur les cimaises du musée de Birmingham, du Fitzwilliam Museum de Cambridge, à la Tate Gallery à Londres, au Santa Barbara Museum sur la côte californienne, au musée national d’Australie méridionale ainsi qu’au musée des Beaux-Arts d’Ontario, au Canada. Également des œuvres de Graham Sutherland, considéré comme l’un des principaux maîtres de la peinture anglaise moderne, et de Dame Barbara Hepworth, représentante majeure de la sculpture abstraite de la première partie du XXe siècle, à laquelle le musée Rodin à Paris avait consacré une exposition, intitulée « Révolution dans la sculpture », en 2020. Sans compter d’autres peintres renommés, comme Kenneth Vaughan, Ceri Richards et Edward Burra. « En dictant son testament, Honor Frost avait prescrit que cette collection soit vendue afin de soutenir la recherche et l’étude de l’archéologie maritime, principalement au Liban, à Chypre et en Syrie, pays où elle avait passé une grande partie de sa vie, rapporte Mme Serhal. En 2011, opérée par Sotheby’s et brillamment menée par le commissaire-priseur Henry Wyndham, la vente aux enchères de la collection avait battu des records. »

À la recherche des ancres qui racontent l'histoire des ports. Crédit photo HF Archives Special Collections UoS

Première au M.-O., cours d’archéologie sous-marine à l’AUB

C’est avec ce fonds qu’a débuté la mission de la Honor Frost Foundation au Liban, en collaboration avec le Conseil national de la recherche scientifique libanais (CNRS-L) et la Direction générale des antiquités. « Depuis sa création, elle a déjà investi au Liban 3 310 949 dollars », indique Mme Serhal. La somme est répartie comme suit : l’octroi de bourses à des universitaires et à des personnes travaillant dans des institutions de recherche pour suivre un programme de formation d’archéologie sous-marine, ou pour développer leurs compétences et leur expérience dans les universités de Southampton, sur la côte sud de l’Angleterre, et d’Aix-en-Provence, dans le sud de la France ; et l’attribution de subventions à des doctorants qui reviennent au pays travailler pour la Fondation Honor Frost.

Ensuite, la création d’un cours d’archéologie sous-marine à l’Université américaine de Beyrouth. « Le premier en son genre au Moyen-Orient », précise Mme Serhal, ajoutant que l’accord signé avec l’AUB permettra d’accueillir gratuitement des étudiants de l’Université libanaise. Au programme également, le parrainage des conférences publiques et de séminaires portant sur l’archéologie maritime. De même, la publication des fouilles sous-marines et la diffusion des résultats des recherches sont financées par la fondation. Comme cela a été le cas du dernier volume de la revue BAAL (Bulletin d’archéologie et d’architecture libanaises, publication officielle du ministère de la Culture/Direction générale des antiquités) portant sur le symposium international intitulé « Byblos, Sidon and Tyre ; Three Global Harbours of the Ancient World », qui s’est tenue à Beyrouth en 2017.

La fondation propose également des subventions aux musées, galeries et autres institutions nationales qui exposeront des œuvres inspirées du domaine de l’archéologie maritime, et fournissant au public une réflexion pertinente sur la préservation de la mer et des fleuves qui conservent les traces des populations qui les ont traversés, exploités, aménagés, de la Préhistoire à nos jours. Ou encore sur la morphologie des littoraux, qui a fortement évolué au fil des siècles, laissant certains sites, à l’origine terrestre, se retrouver aujourd’hui submergés.

Mer ou fleuves, l’archéologie subaquatique s’attache ainsi à la détection et à l’étude des vestiges dormant sous les eaux et gardant les traces de l’histoire du pays.

Les fiduciaires de la Fondation Honor Frost

Outre l’archéologue Claude Doumit Serhal, chercheuse honoraire à la University College de Londres, membre associée de l’Institut de recherche en études sémitiques du Collège de France et fondatrice de la revue biannuelle Archaeology & History in Lebanon éditée par les Lebanese British Friends of the National Museum, les fiduciaires de la Fondation Frost sont Alison Cathie (présidente) ; Roger Clark (trésorier), professeur d’architecture contemporaine au College of Design de l’université d’État de Caroline du Nord et médaille d’or de l’Union internationale des architectes en 2018 ; John Curtis, ancien conservateur du département Moyen-Orient au British Museum, actuellement directeur général de la Iran Heritage Foundation et président du British Institute for the Study of Iraq, pays où il avait dirigé des fouilles pour le compte du British Museum entre 1982 et 1989 ; Venetia Porter, conservatrice de l’art islamique et contemporain du Moyen-Orient au British Museum depuis 1989, et titulaire d’une licence en arabe et en persan, et d’un doctorat de l’Université de Durham portant sur l’histoire et l’architecture du Yémen médiéval ;

ainsi que l’avocat américain Peter M. Wolrich, spécialisé dans le domaine du droit international des sociétés et de l’arbitrage pour le règlement des différends relatifs aux investissements, à la cour de Londres et à l’Institut Arbitration des Pays-Bas, de Suisse, de Stockholm, et du droit de l’Union européenne. Il est membre du cabinet international Curtis, Mallet-Prevost, Colt & Mosle LLP, basé à New York, qui compte 19 bureaux dans le monde.

Dès la semaine prochaine, la Fondation Honor Frost installera ses bureaux à Beyrouth, dans la maison bleue, dite Medawar 479, autrefois construite au bord de la baie Saint-André, devenue le troisième bassin du port de Beyrouth. Sévèrement endommagé par la double explosion du 4 août 2020, ce bâtiment des années 1890 a été restauré à la demande de Beirut Heritage Initiative (BHI)...

commentaires (2)

Merci à la fondation Honor Frost de nous aider à découvrir les racines et le passé de notre pays. Au fond de la mer des trésors bien plus riches que ceux du fond de l'enfer, promis par nos dirigeants, et d'une valeur essentielle pour nos jeunes générations. Merci encore.

Wlek Sanferlou

14 h 27, le 30 août 2022

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Commentaires (2)

  • Merci à la fondation Honor Frost de nous aider à découvrir les racines et le passé de notre pays. Au fond de la mer des trésors bien plus riches que ceux du fond de l'enfer, promis par nos dirigeants, et d'une valeur essentielle pour nos jeunes générations. Merci encore.

    Wlek Sanferlou

    14 h 27, le 30 août 2022

  • Très bonne initiative et bon courage aux équipes pour mener à bien leurs recherches sans obstacle politique ou administratif. Quel plaisir d'entendre l'histoire nous parler quand les présents nous endorment...

    Georges Olivier

    13 h 20, le 30 août 2022

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